Le regain va-t-il durer?
Les marchés financiers européens sont soudainement ravis des taxes de Trump!

Après la chute boursière due à la politique douanière américaine, les marchés boursiers mondiaux se sont redressés avec une rapidité surprenante. Trois chefs de placement de banques suisses analysent ce que l'avenir réserve aux actions, à l'épargne et à la bourse.
Publié: 13.05.2025 à 15:50 heures
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Les taureaux se déchaînent sur les marchés boursiers européens...
Photo: imago/Eibner
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Christian Kolbe

Le 2 avril dernier, le président américain Donald Trump a ramené de nombreux investisseurs à la réalité. La semaine qui a suivi l'introduction des nouveaux droits de douanes a été témoin de la perte de milliards de gains sur les marchés boursiers. Certains ont même vu disparaître une partie considérable de leur fortune épargnée en actions.

Mais cela a été de courte durée, les marchés ont inversé la tendance et les pertes ont été en grande partie effacées. La Bourse suisse est, quant à elle, un peu à la traîne dans cette reprise. Un phénomène qui est également lié à l'annonce de la baisse drastique du prix des médicaments aux Etats-Unis. Les deux poids lourds du Swiss Market Index (SMI), Novartis et Roche, en font les frais.

Quel avenir est donc réservé aux actions, à l'épargne et à la bourse? Les responsables des placements de trois banques suisses font le point sur les turbulences boursières.

«Nous avons misé sur le fait que les choses n'allaient pas si mal»

La rapidité à laquelle les marchés boursiers se sont remis a également surpris les professionnels. «Le sentiment des investisseurs institutionnels comme les caisses de pension ou les sociétés de fonds reste assez pessimiste», explique Anastassios Frangulidis, responsable chez Pictet Asset Management.

Une prudence des grandes entreprises suisses qui est aussi confirmée par le chef des placements de Raiffeisen, Matthias Geissbühler. «Étonnamment, de nombreux petits investisseurs ont acheté des actions après la correction. Notamment des partisans de Trump.» Ces derniers n'auraient pas en tête les effets des droits de douane mais placeraient plutôt leur confiance dans les injonctions d'achat du président américain. «Ce qui joue certainement aussi un rôle, c'est l'espoir que la soupe ne soit pas mangée aussi chaude qu'elle n'a été cuite: la pause de 90 jours dans les droits de douane réciproques a largement contribué à la reprise rapide des cours», explique Matthias Geissbühler.

«Nous avons misé sur le fait que les choses n'allaient pas si mal et que le marché avait surréagi», explique Fabienne Hockenjos, responsable des placements à la Banque cantonale de Bâle-Campagne (BLKB). Les spécialistes en placement de la BLKB ont eux aussi acheté lorsque les cours ont été corrigés à la baisse, et réalisé une partie des bénéfices lorsque les marchés sont repartis à la hausse. De nombreuses entreprises ont bien commencé l'année, affichant de solides bénéfices au premier trimestre. «Cela a favorisé la reprise des cours», estime Fabienne Hockenjos. Toutefois, le premier trimestre s'est terminé avant que Donald Trump ne mette en place sa politique douanière.

Trump rend l'Europe plus forte

«De nombreux investisseurs américains ont acheté des actions européennes», s'étonne Fabienne Hockenjos. Ce qu'elle observe se reflète également dans le fait que les bourses suisses et européennes ont mieux performé que le marché américain depuis le début de l'année. «C'est une conséquence de la politique économique de Donald Trump», explique l'experte. «Il veut affaiblir le dollar et réduire le déficit de la balance commerciale. Cela signifie qu'il doit inciter les consommateurs américains à acheter moins et surtout moins de produits étrangers.»

Tout cela a pour conséquence que moins de capitaux affluent aux États-Unis pour financer la dette. De l'argent qui reste désormais en Europe ou en Suisse, par exemple, et qui est injecté dans les entreprises et les marchés nationaux. A cela s'ajoutent les dépenses annoncées pour la défense et les infrastructures en Europe, ce qui stimule l'économie. «Les 100 premiers jours de la présidence de Donald Trump n'ont pas été très réjouissants du point de vue des investisseurs américains», conclut Matthias Geissbühler.

Au début de son mandat, le président américain a donc réussi à renforcer l'Europe sur le plan économique. Une philosophie pourtant bien loin du célèbre slogan «Make America Great Again».

Des perspectives mitigées

«Il y a trop d'optimisme dans la récente reprise», estime Matthias Geissbühler. «L'ancien monde ne reviendra pas de sitôt sous la présidence de Donald Trump.» L'expert ajoute: «Le climat économique se détériore, chez les investisseurs comme chez les consommateurs, surtout aux États-Unis». Le chef des placements de Raiffeisen est convaincu que le pays va connaître des temps difficiles. «Aux États-Unis, les prix vont augmenter et la croissance va baisser.» Un phénomène qui ne va pas dans le sens d'une recommandation d'achat pour des actions américaines.

D'une manière générale, la retenue est de mise en matière d'actions. «Nous recommandons actuellement à nos clients de détenir un peu moins d'actions et de miser plutôt sur l'or ou les fonds immobiliers», explique Matthias Geissbühler. Fabienne Hockenjos est du même avis, sauf pour les actions. «En raison du faible niveau des taux d'intérêt en Suisse, il y a urgence en matière de placements, il y a peu d'alternatives aux actions. Les investisseurs doivent surtout faire preuve de patience et de discipline.»

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