Henry Bernet n'a pas manqué son premier rendez-vous sur l'ATP Tour, lundi soir à Bâle, malgré sa défaite au 1er tour. Sa lucidité à l'heure de l'analyse, faite devant la presse à peine 20 minutes après la fin de son match, est autant réjouissante que le niveau de jeu affiché face au 19e joueur mondial Jakub Mensik.
«Naturellement, je suis déçu. Je suis entré sur le court en croyant en mes chances. C'est clair qu'il y a beaucoup de choses positives à retenir, malgré la déception. Je suis reconnaissant d'avoir eu l'opportunité d'affronter un tel joueur», a lâché le Bâlois de 18 ans en entame de sa conférence de presse.
«Ce qui était impressionnant, c'est que j'ai dû évoluer à mon tout meilleur niveau pour rivaliser avec lui. Alors que j'ai l'impression que c'est le niveau moyen qu'il produit durant toute la saison. Cela montre que la route est encore extrêmement longue», a-t-il enchaîné, en réponse à la première question qui lui était posée.
Henry Bernet avait alors tout dit, ou presque. Bien sûr, il avait déjà brièvement pu débriefer ce match avec ses coaches Sven Swinnen et Severin Lüthi. Mais le fait d'afficher une telle lucidité, à chaud après une défaite forcément frustrante (7-6 6-7 6-3) et alors qu'il n'a que 18 ans, augure de grandes choses.
Le physique a fait défaut
Conscient d'avoir encore beaucoup à faire tant tennistiquement que physiquement, le grand espoir bâlois sait que c'est sur le plan physique qu'il a fini par céder lundi soir. «Mon réservoir était vide à la fin», a-t-il concédé, lui qui a dû faire appel au kiné en raison de douleurs à la jambe droite.
«La marche était un peu trop haute», a-t-il enchaîné. «Je me réjouis donc d'autant plus d'effectuer le bloc de préparation physique en décembre», a encore souligné celui qui a enchanté «son» public grâce notamment à un élégant (et efficace) revers à une main qui n'est pas sans rappeler celui d'un autre Bâlois désormais à la retraite.
Impossible de ne pas évoquer Roger Federer, un modèle pour chaque jeune tennisman suisse, surtout si celui-ci est Bâlois. Et s'il y a bien un domaine maîtrisable dans lequel il peut s'inspirer de l'homme aux 20 titres du Grand Chelem, c'est la préparation physique, la base sans laquelle le talent en devient presque inutile.
Il manque encore de «coffre»
Henry Bernet (1m91) manque – forcément à son âge – encore de «coffre», et de quelques kilos de muscles. A 18 ans, il a encore le temps d'arriver à maturité. Mais «les prochaines années sont les plus importantes pour lui permettre d'exploiter pleinement son très grand potentiel», a jugé Stan Wawrinka dimanche à Bâle.
Lui aussi «façonné» par Pierre Paganini, le préparateur physique de Roger Federer, Stan Wawrinka sait de quoi il parle. Le «quadra» vaudois s'était également révélé à 18 ans en s'adjugeant un titre majeur chez les juniors (Roland-Garros 2003). Son corps n'était alors pas non plus tout à fait prêt pour l'ATP Tour.
Stan Wawrinka est d'ailleurs sans doute un modèle plus «réaliste» que Roger Federer. Besogneux, dur au mal, le droitier de St-Barthélemy n'est pas né avec le même talent naturel que Roger Federer. Il a dû se construire plus patiemment, avant d'exploser sur le tard en conquérant notamment trois trophées majeurs.
Une patience malmenée
La patience est d'ailleurs sans doute le maître-mot pour Henry Bernet. Elle n'est pas une vertu naturelle chez lui. Et la sienne a déjà été mise à rude épreuve cette année: une fracture de fatigue au niveau des côtes diagnostiquée à son retour d'Australie l'a en effet mis sur la touche pendant plus de quatre mois.
Les douleurs n'étant pas si fortes, il avait alors repris trop rapidement le chemin de l'entraînement, voulant profiter de la dynamique australienne. «J'ai peut-être été trop impatient», reconnaît le Bâlois, qui a finalement fait son retour à la compétition à la mi-juin.
Mais il a déjà bien appris sa leçon. Il a ainsi renoncé aux Majeurs juniors de Roland-Garros et de Wimbledon afin de laisser plus de temps à son corps pour guérir. Cet été, il a été récompensé en remportant deux petits tournois ITF Future sur terre battue en Suisse (à Muttenz et à Lausanne).
«Bien sûr, j'aurais espéré pouvoir déjà disputer des tournois Challenger à ce moment-là», admet Henry Bernet, qui devra encore souvent s'armer de patience. Car la valeur attend parfois le nombre des années, comme l'a prouvé Stan Wawrinka en décrochant ses trois titres du Grand Chelem entre ses 28 et ses 31 ans.