«Non, ce temps-là, je ne peux pas le battre aujourd’hui.» C’est exactement ce que se dit Marco Odermatt (28 ans) lorsqu’il observe, debout devant une télévision dans l’aire de départ, la descente de son coéquipier Franjo von Allmen (24 ans) sur une Saslong raccourcie. De fait, pour sa première course depuis sa violente chute lors du super-G de Beaver Creek, son compatriote réalise une prestation de très haut niveau.
Mais avant de s’élancer à son tour avec le dossard 13, le Nidwaldien décèle malgré tout un minuscule défaut dans la prestation du champion du monde en titre de la discipline. «J’ai remarqué que Franjo avait perdu un bon dixième au départ.» Von Allmen le confirme et précise: «J’ai commis une erreur de coordination au moment de la poussée». Il est très probable que ce petit accroc ait été décisif. Lorsque Odermatt coupe la ligne d’arrivée, il devance le Bernois de de 15 centièmes.
Les derniers dossards font encore trembler Odermatt
Le suspense ne s’arrête toutefois pas là pour le Suisse, qui doit encore trembler à plusieurs reprises pour décrocher sa deuxième victoire sur la Saslong. Après une longue interruption due au brouillard, la piste devient de plus en plus rapide. Le Norvégien Frederik Möller, vainqueur l’an passé à Bormio, passe le deuxième intermédiaire avec le même temps qu’Odermatt, avant de chuter lourdement dans le passage des bosses des chameaux.
Avec le dossard 47, le Français Nils Alphand (29 ans), fils du double vainqueur du classement général Luc Alphand, signe le meilleur temps intermédiaire dans la Ciaslat, avant de rétrograder au cinquième rang dans le dernier secteur. Peu avant la tombée de la nuit, le sixième succès d’Odermatt en Coupe du monde de descente est enfin officiel.
La 1000e descente de l'histoire
Sa joie reste pourtant mesurée. «Quand des collègues comme Frederik Möller chutent aussi lourdement, les émotions s’estompent.» Ce triomphe revêt néanmoins une double portée symbolique pour le skieur de Buochs. Odermatt a remporté la 1000e descente de l’histoire de la Coupe du monde, qui en est à sa 58e saison.
Surtout, avec une 50e victoire en Coupe du monde, le quadruple sportif suisse de l’année rejoint Alberto Tomba au quatrième rang du classement historique. «Gagner la millième descente de Coupe du monde, c’est génial, et 50 victoires, c’est évidemment un joli chiffre. Mais enfant, je ne rêvais pas d’un tel total. Aujourd’hui, je trouve simplement très cool d’avoir franchi ce cap.»
«Les rivaux d’Odermatt ont 35 ans ou plus»
Mais que sait réellement Odermatt d’Alberto Tomba, avec lequel il partage désormais la quatrième place du palmarès des victoires en Coupe du monde? «J’ai entendu beaucoup plus d’histoires sur Alberto que je n’ai vu de ses courses. Je ne suis pas opposé à faire la fête, mais si tout ce que j’ai entendu sur Tomba est vrai, je suis nettement plus calme que lui.»
Et que pense l’ancien roi de la technique et des nuits blanches d’Odermatt? C’est le quintuple vainqueur du classement général Marc Girardelli qui a posé la question au triple champion olympique pour le compte de Blick. «Il n’y a aucun doute, Odermatt est, avec Ingemar Stenmark, Hermann Maier, Marcel Hirscher et moi-même, l’un des athlètes les plus exceptionnels de l’histoire de la Coupe du monde», affirme l'Italien lors de cet échange avec son ami Girardelli. Avant d’émettre une réserve: «Avec Cyprien Sarrazin et Aleksander Aamodt Kilde, ses plus grands rivaux se sont éliminés eux-mêmes à la suite de graves chutes. Ses principaux concurrents autrichiens ont désormais 35 ans ou plus.»
Une concurrence pas si faible
Odermatt a encore plusieurs années devant lui, estime Tomba, qui ajoute: «Il doit bien profiter de cette période tant qu’il n’est pas poussé dans ses retranchements par la concurrence».
Cette analyse montre toutefois que la légende italienne ne maîtrise pas totalement l’actualité du ski. Le plus dangereux rival autrichien d’Odermatt, Vincent Kriechmayr, n’a que 34 ans. Et Franjo von Allmen, qui a relégué son leader d’équipe à trois reprises à la deuxième place en Coupe du monde la saison dernière, n’a que 24 ans. Une concurrence faible, cela ressemble à autre chose.