Dans la commune d’Ulten, au Tyrol du Sud, la passion pour le ski prend une tournure… animale. Le taureau le plus fougueux du village s’appelle «Domme» – le surnom du plus célèbre des 2913 habitants d’Ulten: Dominik Paris, roi incontesté de la descente. Difficile de trouver un animal qui incarne mieux ce colosse de 36 ans que ce taureau, symbole de puissance et de force brute.
Avec ses jambes d’acier et son style intrépide, Dominik Paris a remporté huit descentes parmi les plus redoutables du monde: cinq sur la Stelvio de Bormio et trois sur la Streif de Kitzbühel. Le pilote Nordica, 100 kilos de puissance et d’instinct, s’est également imposé une fois en super-G sur chacune de ces pistes mythiques.
Un franc-parler assumé
Son discours est aussi direct que ses lignes de course. Le champion du monde de super-G 2019 ne mâche pas ses mots. Alors que le monde du ski s’interroge sur une éventuelle réduction de la vitesse, Dominik Paris s’y oppose fermement: «Les responsables de la FIS n’ont toujours pas compris que dans les disciplines de vitesse, le plus dangereux, ce n'est pas de skier en ligne droite. Dans la plupart des cas, ce sont les virages qui provoquent les chutes fatales.»
L’homme aux 24 victoires en Coupe du monde appuie son propos avec un exemple précis: «Même si des vitesses supérieures à 160 km/h ont déjà été enregistrées dans le Haneggschuss du Lauberhorn, je n’ai jamais vu de chute à cet endroit. En revanche, dans le virage d’entrée du Haneggschuss, oui…»
La mort de Matteo Franzoso, un choc personnel
En septembre, lors d’un camp d’entraînement à La Parva (Chili), Dominik Paris a été témoin d’un drame: son compatriote Matteo Franzoso, 26 ans, a lourdement chuté et est décédé deux jours plus tard. Depuis, cette piste d’entraînement est jugée dangereuse par certains.
«Le drame de Matteo m’a profondément touché. Mais je ne comprends pas que cette piste soit soudain considérée comme trop dangereuse. On s’y entraîne depuis 40 ans sans accident grave. Jamais je n’aurais imaginé qu’un tel drame puisse s’y produire.»
Dominik Paris relativise avec son franc-parler habituel: «Des gens meurent parfois en tombant dans les escaliers ou d’un échafaudage, mais personne ne remet en cause le monde du bâtiment pour autant.»
«Toutes les chutes ne se valent pas»
Le skieur s’agace aussi de la manière dont certaines chutes sont perçues: «Dans le ski, on met toutes les chutes dans le même sac. Pourtant, on ne peut pas comparer celle de Cyprien Sarrazin à Bormio avec celle d’Aleksander Aamodt Kilde à Wengen.»
Il détaille ensuite: «Les accidents de décembre dernier à Bormio étaient surtout liés à une mauvaise préparation de la piste. On n’avait pas arrosé comme d’habitude, ce qui a créé des conditions dangereuses. En revanche, la chute d'Aamodt Kilde n’était pas due à la piste, mais à sa grippe. Il ne fallait pas le laisser partir dans cet état.»
Pour Dominik Paris, la responsabilité incombe à la FIS: «Un athlète tentera toujours sa chance, même malade. C’est pour cela qu’il faut un médecin indépendant, comme en Formule 1 ou en MotoGP, qui décide si un coureur peut prendre le départ ou non.»
Bormio oui, Crans-Montana non
Quant à son avenir, Dominik Paris espère être en forme pour les Jeux olympiques de Bormio, en février prochain, sur sa piste fétiche. En revanche, il reste dubitatif sur la piste des Championnats du monde 2027 à Crans-Montana: «C’était une descente pour enfants! Le haut du tracé était mal orienté et, en bas, il y avait plus de virages qu’en Coupe d’Europe. Ce genre d’erreur ne devrait pas arriver.»
L’ancien champion olympique Didier Defago, désormais CEO des Mondiaux de Crans-Montana, a promis des ajustements. Dominik Paris, lui, espère que d’ici là, le tracé retrouvera sa dimension spectaculaire – et qu’il sera encore au départ pour y participer.