«Désolé, je devais taper sur des doigts». Au moment de se présenter devant les médias au terme de l’entraînement de jeudi, Jan Cadieux rigolait de bon cœur. Celui que l’on dépeint comme un taiseux renfermé s’est prêté de bonne grâce au petit jeu des questions-réponses. L’interview a même duré plus de 20 minutes. Pas mal pour quelqu’un qui croit ne pas aimer parler.
«C’est vrai que l’on ne s’est pas souvent parlé ces dernières années, sourit-il. J’ai donné une interview l’an dernier et notre responsable médias m’a dit que je devais en donner davantage, car je ne m’en sortais pas si mal. Moi je ne peux pas me juger.» Arrivé en poste mercredi dernier à la place de Patrick Emond, Jan Cadieux va de toute façon devoir s’y faire, à ce nouveau rôle plus exposé. «Cela fait partie de mon travail et je sais que je n’ai pas toujours une bonne réputation auprès des journalistes. Mais je vais faire de mon mieux pour que ce soit fait le plus correctement possible.»
Jan Cadieux, comment vous sentez-vous à 24 heures du premier match?
Tout ce qui est arrivé est triste et n’a pas été facile pour tout le monde. Mais à un moment ou l’autre, il fallait regarder de l'avant. Ce moment est arrivé. Et je suis content parce que nous avons eu une bonne semaine de travail et je suis excité d’être à ce premier match face à Zoug.
Que peut-on faire en 10 jours avec une équipe malade comme l’est Genève-Servette?
Il n’y a pas une grande marge. Mais le terme malade est un peu sévère. Si l’on regarde le classement, c’est sûr que Genève n’est pas où il devrait être. Cette équipe vaut mieux que cela, mais elle faisait de bonnes choses. Je croyais dans ce qui était mis en place. Je ne vais pas tout changer. De toute façon, je n’aurais pas pu tout changer. Si tout le monde avait été présent durant les dix derniers jours, ça aurait été parfait. Mais pour vous donner un exemple, nous n’avions que 11 titulaires à disposition la semaine dernière. Nous avons surtout eu deux bons entraînements. Nous avons essayé de travailler sur l’état d’esprit du groupe.
Ressentez-vous une pression de coacher devant 5000 personnes?
On verra, mais si vous voulez dire que cela va me changer de Biasca où il y avait 150 spectateurs, c’est sûr que ce sera différent (rires). Mais la pression que j’ai, c’est celle de vouloir bien faire. Je me la suis toujours mise. Je suis quelqu’un de fier qui va donner son maximum pour y arriver. Mais à 24 heures du match, je suis bien. Je ne peux pas vous dire si ce sera encore le cas à 10 minutes du coup d’envoi. Mais c’est comme un examen, au final. Si tu as travaillé du mieux possible, tu seras dans les meilleures dispositions pour le réussir. Ce qui est important, c’est surtout de voir à moyen terme. Du jour au lendemain, on ne peut pas guérir un malade, pour reprendre votre expression. Tout ne changera pas en 24 heures. Je ne suis pas encore un magicien.
Lorsque l’on reprend une équipe en mains, que se passe-t-il le premier matin?
Excusez-moi cette expression, mais le premier matin, c’était un matin de merde. Je n’étais pas prêt à cela. Ensuite, il y a forcément une phase de remise en questions. Lorsqu’il se passe quelque chose comme un changement d’entraîneur, il faut se demander pourquoi ça n’a pas fonctionné. Qu’est-ce qui aurait pu être fait différemment. J’ai essayé d’analyser cela tout en gardant en tête les choses auxquelles je crois et les idées que je veux apporter au groupe. Ensuite, tout est une question de la manière de changer les choses en réfléchissant aux besoins les plus pressants.
Avez-vous eu la tentation de vouloir trop changer de choses?
Oui et il faut faire attention, car ce ne serait pas une bonne idée. Si tu veux tout changer d’un coup, il y aura cinq joueurs qui patinent dans tous les sens sur la glace et ce ne sera pas beau à voir. Il faut réparer certaines choses mais respecter le temps dont ont besoin les gens. Par chance, nous ne jouons pas mardi prochain et donc nous aurons une semaine complète d’entraînement pour travailler sur des petites choses. Mais je ne vais pas tout changer, car on ne faisait pas tout faux.
Le regard des joueurs a-t-il changé depuis votre nouvelle affectation?
Il faudrait leur demander. Je ne l’espère pas. Je ne veux pas qu'il y a de modification dans leur comportement. Bien sûr, notre relation sera un peu différente. Avant, je m’occupais beaucoup du travail individuel avec les joueurs. Lorsque tu deviens la personne qui décide qui va sur la glace et qui n’y va pas, cela peut devenir un peu plus tendu ou plus compliqué. Mais je n’espère pas que cela modifiera nos rapports.
Que va-t-on voir concrètement de différent dans votre équipe?
Je crois dans un jeu moderne qui donne beaucoup d’implication et de liberté aux défenseurs. Cela part d’une transition rapide qui permet de maintenir la pression sur l’adversaire. Il faut également qu’il y ait une bonne connexion entre les attaquants et les défenseurs. Oui la transition est importante, mais la deuxième vague l’est tout autant. Pour cela, nous devons pouvoir compter sur des attaquants qui ont plus faim et qui acceptent de jouer devant le but. Peut-être que nous cherchions trop le beau jeu et qu’on ne mettait pas assez cette pression sur le gardien adverse.
Vous a-t-on fixé des objectifs?
On veut surtout que l’équipe avance à nouveau et grimpe au classement. Il n’y a pas d’objectif chiffré. Mais c’est sûr que cette équipe doit être capable de mieux jouer que ce qu’elle a fait jusqu’à présent. Il y a un gros écart avec la sixième place, mais commençons par effectuer une progression dans la manière.
Cela doit passer par une répartition des temps de jeu plus équilibrée, non?
Les circonstances n’étaient pas faciles et il y a tout de suite eu de la pression car les résultats n’étaient pas. Si l’on ajoute à cela les blessés, cela explique bien des choses. Mais oui, c’est sûr que c’est quelque chose qu’il faudra garder en tête, surtout avec l’accumulation des matches à venir. Cette saison, il y a peut-être eu des moments au cours desquels des joueurs n’ont pas été suffisamment frais dans les instants décisifs du match. Répartir les minutes, c’est important. Mais les responsabilités aussi.
Vous voulez dire par là qu’il y aura un deuxième jeu de puissance qui sera parfois sur la glace?
Oui, c’est l’objectif. Si tu réfléchis à moyen et long terme, ce n’est pas possible de jouer 1'40'' avec la même unité. Cela enlève un équilibre et peut amener des frustrations. Mais cela passe aussi par une qualité des prestations de la seconde ligne qui doit être meilleure. C’est le message que j’ai voulu faire passer. Nous voulons donner des responsabilités, mais nous attendons que les gars soient prêts à les accepter et les prennent.
Certains jeunes ont particulièrement peiné depuis le début de saison. Croyez-vous en un regain de forme de leur part?
Oui je crois en ce groupe. À moi de trouver le moyen d’appuyer sur les bons boutons et trouver un moyen pour que les joueurs arrivent à débloquer quelque chose qui était peut-être bloqué depuis un certain temps.