L'équipe de France disputera son premier match à Milan le jeudi 12 février prochain face à la Suisse. Sur la glace, il y aura bien un Bozon: Kevin, joueur du HC Ajoie. Tim, le Genevois, n'a pas été retenu par le sélectionneur national Yorick Treille. Celui qui était son entraîneur à Genève en début de saison lui a préféré une douzaine d'autres attaquants. A la surprise générale.
Car Tim Bozon, qui vient de passer de Lausanne à Genève, est tout de même en train de réaliser une sacrée bonne saison. Avec déjà 11 buts à son compteur, l'ailier est en passe de battre son record de réussites en carrière. Après la victoire face à Lausanne, il a accepté de nous livrer sa vérité en toute franchise. Comme à son habitude. Sans filtre, donc.
Tim, j'imagine que tu n'as pas appris aujourd'hui que tu ne serais pas sélectionné.
Non, je l'ai appris en novembre dernier. Mais je l'ai appris, car c'est moi qui ai fait les démarches pour avoir des nouvelles. Parce que je n’ai eu aucune communication. Zéro. Ni avant la première sélection de novembre, ni pendant, ni après. Rien. Au bout de dix jours, c’est moi qui appelle le sélectionneur. Personnellement. Sans ça, je n’aurais jamais eu d’explication.
Et quand tu l’appelles, qu’est-ce qu’il te dit?
Très froidement, il me dit clairement que je ne suis pas sélectionné pour les Jeux olympiques. Le ton est dur, presque haineux. J’ai vraiment ressenti de la colère de sa part. Pour moi, ça a été un coup de massue, parce que j’étais supposé y aller.
Il t’explique pourquoi?
Oui… enfin, il donne plusieurs versions depuis quelque temps suivant à qui il parle. Celle qu’il me donne à moi, c’est que je ne backchecke pas assez et que je n’ai pas «l’ADN» de l’équipe de France.
J'imagine que cela ne te va pas comme explication...
Non, vraiment pas! Je lui balance des faits. Sur les cinq derniers championnats du monde depuis la remontée, je suis le meilleur marqueur de l’équipe. Je joue dans un gros championnat, je tourne à un demi-point par match depuis trois ans, je mets une quinzaine de buts par saison.
Et, surtout, tu as aidé cette équipe à se qualifier pour les JO, non?
Précisément! Au tournoi de qualification olympique, je fais trois points en trois matches et je marque de gros buts. Ils étaient importants, car on se qualifie à la différence de buts. Donc oui, je participe directement à la qualification. Et quand je lui énumère ce que j'ai réalisé, il admet que je suis l’un des meilleurs joueurs. Mais malgré ça, il ne me sélectionne pas.
Et là, le discours change?
Exactement. Là, on parle d’un soi-disant problème d’attitude. Et ça, je ne peux pas l’entendre.
Pourquoi?
Parce qu’il me connaît depuis longtemps. Il a été assistant de mon père pendant des années. S’il y avait eu un problème, pourquoi m’avoir sélectionné pour le tournoi qualificatif olympique? Et surtout, pourquoi m’avoir quasiment forcé à venir au Championnat du monde en Suède au printemps dernier alors que j’étais archi-blessé?
Tu étais vraiment diminué à ce point-là?
Complètement. Déchirure aux ischios, entorse du ligament intérieur… tout le monde me conseillait de ne pas y aller après la finale contre Zurich avec Lausanne. Mais des membres de son staff m’ont convaincu de venir. On m’a promis qu’on adapterait le programme, que je ne jouerais pas forcément tous les matches. Même à 60%, on me disait que j’étais l’un des meilleurs de l’équipe.
Et sportivement, ça donne quoi?
Je ne fais pas le tournoi de ma vie, mais je mets quand même deux buts, une passe, trois points. Je suis co-meilleur buteur avec un match de moins et un but refusé pour hors-jeu. Tout ça sur un demi-patin. Et depuis ce tournoi, mon attitude n’a pas changé. Il n’y a jamais eu de souci. J’ai un caractère, oui. Je suis exigeant, je veux gagner. Mais je ne suis pas un cancer dans un vestiaire.
Cela t'a fait douter d'entendre de telles choses?
Bien sûr! Après avoir entendu ça, j’ai aussi vérifié en parlant à des joueurs de Genève, de Lausanne, au directeur sportif, à l’entraîneur actuel, à Geoff Ward (ndlr: coach de Lausanne). Tous m’ont dit la même chose: Il n'y a aucun problème de comportement ou de caractère. Et puis je n’aurais pas fait cinq ans à Lausanne, ni deux ans et demi avec Geoff Ward, ni signé quatre ans à Genève s’il y avait un problème d’attitude.
Est-ce différent en équipe de France?
J’ai appelé des cadres de l’équipe de France. Tous m’ont confirmé qu’il n’y avait jamais eu de souci avec moi.
Alors selon toi, qu’est-ce qui s’est vraiment passé?
Ma vérité, c’est que c’est personnel. Et je pense sincèrement que c’est la vérité.
Personnel à quel point?
J’étais sur toutes les présélections après le championnat du monde. J’étais sur les listes d’été, fin août. Mon nom était dans une liste qu'il a envoyée par erreur. Je recevais les mails du manager pour les Jeux, les formulaires antidopage, toute l’administration. Et puis soudainement, j'ai disparu sans qu'on ne me donne la moindre explication. Et finalement, le sélectionneur dit que je ne suis pas dans la sélection pour «préserver l’équilibre du groupe, la cohérence et l’alchimie construite ces derniers mois». C'est surprenant, car j’étais dans le groupe avant ces déclarations publiques de novembre!
Comment l'as-tu interprété?
Je te laisse faire le lien que tu veux. Mais après son licenciement à Genève, j'ai soudainement disparu. Pour moi, c’est clair. Dans sa façon de me parler, dans son ton, j’ai ressenti beaucoup de haine. J’ai l’impression qu’il m’a fait payer quelque chose.
Pourtant, tu dis qu’il ne s’est rien passé de grave entre vous à Genève.
Rien. Aucune embrouille. Aucun clash. Mais quand il était coach à Genève, je n’ai pas joué mon meilleur hockey. Ça, je le reconnais volontiers. Sauf que c’était une coïncidence. J’avais eu un été compliqué, une préparation perturbée, des blessures, un retard physique énorme. Et ces problèmes étaient consécutifs, justement, au fait que je sois allé aider l'équipe de France en Suède lors du dernier Mondial. C'est aussi pour cela que je trouve injuste ce qui arrive. Les deux dernières rencontres avant son licenciement, j'ai commencé à monter en puissance. Et juste après son départ, je fais mes deux meilleurs matches, c'est factuel. Je pense qu’il s’est senti trahi. Mais de mon côté, il n’y a jamais eu la moindre intention de jouer contre lui.
Aujourd’hui, tu ressens quoi surtout?
De l’injustice. J’ai le sentiment qu’on m’a menti, qu’on m’a sorti des raisons qui ne tiennent pas la route. Moi, j’assume mon caractère, j’assume mes défauts. Mais ce qu’on me reproche là, ce n’est pas la réalité. C'est pour cela que je tenais à donner ma réalité. Ma vérité. Et je pense que j’ai le droit d'en parler.