Agressions sexuelles de cinq hockeyeurs
Le procès de l’ex-joueur d’Ambri et de ses coéquipiers touche à sa fin

Un juge canadien rendra son verdict jeudi dans le procès pour agressions sexuelles de cinq joueurs de hockey. Cette procédure judiciaire a abordé la notion du consentement et de la culture toxique.
Publié: 11:57 heures
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L'ex-joueur d'Ambri Alex Formeton sera fixé ce jeudi quant au verdict de son procès où il a comparu en tant qu'agresseur sexuel présumé.
Photo: Melanie Duchene
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ATS Agence télégraphique suisse

Les anciens joueurs de NHL Carter Hart, Dillon Dube, Michael McLeod, Cal Foote et l'ex-joueur d'Ambri Alex Formenton, avaient été inculpés en janvier 2024 suite aux accusations d'une femme pour des faits remontant à 2018, dans l'une des affaires les plus suivies de l'histoire récente du Canada.

Ils ont plaidé non coupable à l'ouverture du procès à London, dans la province de l'Ontario. La plaignante, dont l'identité est protégée, âgée de 20 ans à l'époque, a expliqué avoir rencontré les joueurs dans un bar et s'être rendue avec l'un d'entre eux dans sa chambre d'hôtel, où ils ont eu des relations sexuelles consenties.

Mais, à son insu, le joueur a ensuite envoyé un message dans un groupe de discussion, demandant à ses coéquipiers si quelqu'un était intéressé par un «plan à trois». Les joueurs ont confirmé avoir participé à divers actes sexuels avec la plaignante, mais l'affaire avait été classée après une première enquête en 2019.

De nouvelles informations relancent le dossier

Elle a été rouverte après la publication par la presse en 2022 d'informations qui ont provoqué une onde de choc dans tout le pays, révélant que la fédération Hockey Canada avait passé discrètement un accord avec la victime, lui versant plusieurs millions de dollars.

La fédération avait été accusé d'avoir tenté d'étouffer l'affaire, et son président a dû démissionner. Le chef de la police de London s'est excusé publiquement auprès de l'accusatrice. Melanie Randall, professeur de droit à l'université Western, estime que l'inspecteur dans la première enquête classée avait eu une «fixation inappropriée» sur la consommation d'alcool de la plaignante.

Elle ajoute que la conception actuelle du consentement, qui est à l'origine du procès, n'avait pas été prise en compte. Cette notion définit qu' «on ne peut pas donner son consentement à l'avance et on ne peut pas le donner rétroactivement», souligne-t-elle, estimant qu'il s'agissait là d'un «changement important dans le droit canadien».

Vidéos filmées par des joueurs

Au coeur du procès, se trouvent notamment des vidéos filmées par des joueurs, où la plaignante affirme être d'accord avec ce qui s'est passé. Mais les procureurs estiment qu'elles démontrent au contraire que les rapports sexuels n'étaient pas consentis.

De telles vidéos sont une pratique courante chez les athlètes professionnels, a témoigné un joueur. Mais l'idée de filmer quelqu'un après coup est «complètement discordante avec la façon dont le consentement est défini (dans la loi canadienne)», insiste Melanie Randall.

Dans une décision historique de 1999, la Cour suprême du Canada a interdit aux avocats de la défense dans les affaires d'agression sexuelle de recourir à une tactique consistant à «attaquer la victime». Selon les spécialistes, elle consistait à soumettre les victimes à des contre-interrogatoires intenses pour les décrédibiliser sur la base de stéréotypes dépassés.

Depuis cette date, il est interdit d'évoquer le passé sexuel des victimes, leur comportement de promiscuité supposé ou de leur demander pourquoi elles n'ont pas résisté.

Des problèmes plus larges?

Pour Melanie Randall, les avocats de la défense dans l'affaire des joueurs de hockey ont utilisé cette stratégie de façon «flagrante et évidente», citant «neuf jours de contre-interrogatoire brutal». Certains commentateurs ont rejeté l'idée que cette affaire mette en lumière des problèmes plus larges dans la culture du hockey au Canada, arguant que ce sport reste une force positive pour des centaines de milliers de jeunes Canadiens.

Mais «il serait problématique de dire que ces cinq hommes sont des brebis galeuses et qu'il n'y a rien de systémique ici», estime Simon Darnell, professeur à l'université de Toronto. «Les jeunes hockeyeurs d'élite grandissent dans un environnement où on leur dit implicitement et explicitement qu'ils sont très importants», explique-t-il.

Ils peuvent avoir «l'impression que la conquête sexuelle est une chose qui leur est due en tant que joueur de hockey», ajoute-t-il, appelant à davantage d'efforts pour favoriser une culture sportive qui mette l'accent sur «une forme positive de masculinité».

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