Ils sont plusieurs dizaines à attendre sous le cagnard (encore largement supportable toutefois) de l'Utah en ce vendredi après-midi de juin. La sélection du Mexique vient de débuter son entraînement de veille de match face à la Suisse, il est 13h, le soleil frappe fort, mais les supporters ont déjà sorti les drapeaux à la sortie du stade. On leur indique avec le sourire qu'ils ont en tout cas encore une bonne heure à attendre, douche comprise, avant de pouvoir saluer les joueurs, mais les fervents Mexicains n'en ont rien à faire. «Mexico, Mexico», chantent-ils, avec ce «x» qui devient un subtil mélange entre un «j», un »h» et un «r» lorsqu'ils le prononcent en version originale, tant pis pour Luis Mariano et nos souvenirs d'enfance.
Salt Lake City, une ville à l'accent espagnol
Javier Aguirre, le sélectionneur mexicain, a eu une pensée pour eux, d'ailleurs, peu avant en conférence de presse. «Nous sommes heureux de jouer ici à Salt Lake City, nous savons que nous serons largement soutenus», s'est réjoui «El Vasco», en faisant référence aux «paysans et fils de paysans», venus du Mexique pour travailler dans l'Utah et y trouver des conditions de vie possiblement meilleures.
Le fait est que beaucoup de services de la vie quotidienne sont traduits en espagnol en pleine ville de Salt Lake City, y compris dans les magasins ou les transports publics. «Attention à la marche», se décline par exemple dans les deux langues, plusieurs annonces d'emploi aussi. Et, parmi les 40'000 billets vendus pour samedi, l'immense majorité a été acquise par les fans d'El Tricolor, lesquels promettent de mettre une jolie ambiance dans le Rice-Eccles Stadium, cette gigantesque enceinte de 51'000 places à ciel ouvert, qui n'accueille pas de matches de NFL, mais n'en a pas moins fort belle allure.
Un peu d'ombre, peut-être?
Là où un stade européen de cette capacité est déjà impressionnant, et ne se trouve pas dans tous les pays (pas en Suisse, d'ailleurs), celui de l'Université de Salt Lake City l'est d'autant plus qu'il ne possède pas de toit. Absolument aucun des 51'000 sièges n'est couvert, mis à part les loges VIP bien évidemment, et il faut bien sûr en déduire que, comme souvent dans le sud-ouest dans Etats-Unis, la nécessité de construire un toit ne s'est pas faite ressentir au moment de la conception du stade, pour des raisons météorologiques évidentes. La nécessité de porter une casquette existe elle bel et bien, par contre.
Pas une ombre ne planera donc sur l'équipe de Suisse samedi, mis à part le forfait trés embêtant de Denis Zakaria, lequel oblige Murat Yakin à repenser sa défense. Le sélectionneur est très contrarié par cette blessure musculaire de dernière minute du Genevois, lequel devait jouer dans la triplette défensive avec Ricardo Rodriguez et Manuel Akanji. La Suisse n'a pas de marge, ni de temps, après sa Ligue des Nations si décevante, et Murat Yakin comptait (compte toujours, d'ailleurs) sur cette tournée américaine pour trouver le onze de base qui s'en ira défier la Slovénie, le Kosovo et la Suède cet automne.
La Nati a perdu du temps dans l'opération reconstruction après l'Euro 2024 et les départs de Yann Sommer, Fabian Schär et Xherdan Shaqiri. Elle ne veut plus en perdre désormais, elle qui est pleinement tournée vers sa «Mission 2026». Or, Murat Yakin devra jouer ce samedi contre le Mexique et mardi contre les Etats-Unis avec un joueur qui ne sera probablement pas sur le terrain en septembre dans les matches qui comptent, et le boss en est agacé.
Granit Xhaka est dans un état d'esprit positif, tant mieux
Voilà où en est la Nati en cet été 2025, elle qui s'avance sans grande certitude, sauf dans le discours où le leader Granit Xhaka est venu montrer sa détermination en conférence de presse, ce qui est un signe très positif. Quand le mâle alpha Xhaka est mécontent et peu concerné, comme à l'automne 2023, c'est toute l'équipe de Suisse qui piétine, fébrile, mais quand il s'affiche déterminé et combatif, et surtout aligné derrière (ou à côté de...) Murat Yakin, alors tout va bien, en général. Ou en tout cas mieux.
En cet été américain, Granit Xhaka est donc dans le bon état d'esprit, Manuel Akanji aussi, même s'il n'a visiblement pas très envie d'aller disputer la Coupe du monde des clubs dans la foulée, et cette double bonne nouvelle offre de belles perspectives à la Nati avant d'affronter cet automne Viktor Gyökeres, Alexander Isak, Benjamin Sesko et Vedat Muriqi, des noms qui font déjà peur, en tout cas aux supporters de la Nati.
Un terrain un brin étroit
Mais avant de penser à septembre, retour à la réalité et à cette chaleur de juin, avec une composante qui ne sera peut-être pas anecdotique samedi: l'étroitesse du terrain. Le président de l'ASF, Dominique Blanc, a l'oeil vif, et le double mètre précis: le terrain mesure 64 mètres sur 102, ce qui est extrêmement étroit, avec une bonne excuse: il n'est pas à la base un terrain de soccer, mais un terrain de football, le faux, l'américain. Les bancs de touche sont très proches du terrain, sans aucun dégagement, ce qui fait ressembler ce gigantesque stade lorsqu'on élève les yeux à celui du FC Vignoble à Cully lorsqu'on se place à hauteur de pelouse. C'est sûr, il sera possible de marquer depuis le milieu de terrain ou de tenter un corner direct si l'envie en prenait à l'un ou l'autre joueur. Dommage, Xherdan Shaqiri n'est plus là...
Le coup d'envoi sera donné à 14h, heure locale, soit 22h en Suisse, ce qui ne plaît pas forcément à Javier Aguirre. Le technicien mexicain a un peu couiné, mais n'en a pas trop fait non plus. «On a tous dû faire des concessions pour trouver le bon horaire. Si on avait joué plus tard, le match aurait été retransmis par exemple à 4h du matin en Suisse, ce n'était pas optimal pour eux, on doit aussi le prendre en compte», a-t-il assuré devant une vingtaine de journalistes venus du pays voisin.
Le test, en tout cas, sera ardu pour l'équipe de Suisse, mais aussi pour ses fans, lesquels seront peu nombreux, et peineront à se faire entendre. Les vrais de vrais sont là, les plus fidèles, et ils prennent déjà leurs marques pour l'année prochaine. La «World Cup 2026» débute déjà ce week-end, pour eux aussi.