Le directeur sportif du LS s'est confié à Blick durant la trêve internationale. L'occasion d'en savoir plus sur l'ambivalence du club vaudois, merveilleux en Europe et décevant en championnat... jusqu'à ce 5-0 magnifique face à Young Boys juste avant la pause des équipes nationales.
Stéphane Henchoz, quelques jours après le 5-0 contre YB, arrivez-vous à croire à ce résultat?
Disons que nous ne nous y attendions pas. Tout s'est déroulé de manière optimale pour nous. Et comme toujours dans ces cas-là: Nous avons fait un excellent match. YB a été, disons, rapidement en difficulté...
Comment avez-vous réussi à remettre sur pied une équipe compétitive en si peu de temps après les nombreux départs - Noë Dussenne, Koba Koindredi, Alvyn Sanches, Fousseni Diabaté, Teddy Okou, Raoul Giger, Antoine Bernede, Kaly Sène, soit bien plus de la moitié du onze de base?
Il y avait en effet beaucoup de joueurs à remplacer. Maintenant, j'ai fait venir des joueurs dont j'étais convaincu de la qualité. Mais il y en avait aussi beaucoup, c'est pourquoi il faut un temps d'intégration. Quelques exemples: Brandon Soppy compte près de 50 matches de Serie A, plus ceux en Ligue 1 et à Schalke. Nicky Beloko a montré de quoi il était capable à Lucerne. Gabriel Sigua ne jouait plus aucun rôle à Bâle ces derniers temps, mais c'est un bon joueur, qui a très bien débuté avec nous et est au top physiquement. Gaoussou Diakité a super bien commencé en marquant deux buts avant de prendre ce carton rouge stupide. Il est capable de déchirer une défense et a tout ce qu'il faut pour jouer au plus haut niveau. Red Bull Salzbourg le sait aussi, c'est pourquoi ils ne nous ont pas proposé d'option d'achat. Theo Bair a joué en Ligue 1 cette saison, il est international canadien et possède de très bonnes qualités de finisseur. Pour lui, nous avons une option d'achat. Et dernièrement, nous avons fait venir Florent Mollet, qui a certes 33 ans, mais qui a l'expérience de 230 matches de Ligue 1. Il sera également très important dans le vestiaire.
Le commun des mortels pense que le propriétaire du club, Ineos, réalise un chiffre d'affaires de plus de 50 milliards de francs. Lausanne peut donc puiser dans ses réserves pour la Suisse...
Nos propriétaires investissent certes de l'argent dans le club, mais nos moyens ne sont pas illimités pour autant. Financièrement, nous sommes loin d'égaler YB ou Bâle. Mais nos propriétaires apportent au club une véritable stabilité. Ils n'ont pas pour objectif de dépenser de l'argent sans limite, mais de construire un club sain et bien géré, qui grandit pas à pas. Nous pouvons ainsi travailler dans de bonnes conditions, avec une vision claire, sans vouloir nous mesurer aux budgets colossaux de certains clubs de haut niveau.
Lausanne a le plus jeune onze de départ de la ligue après GC et Lucerne. Gagner 5-0 contre YB est d'autant plus surprenant.
En effet, nous avons une équipe très jeune, mais avec beaucoup de qualité. Sinon, nous n'aurions pas pu nous imposer contre Skopje, gagner deux fois contre Astana et sortir vainqueurs du match contre Besiktas à Istanbul. Et nous n'aurions pas non plus battu YB 5-0. De plus, le fait d'atteindre la phase de ligue de la Conference League était absolument mérité.
Mais votre équipe peine à enchaîner après les matches européens. La largeur de l'effectif ne suffit-elle pas?
Je vais vous dire quelque chose pour tordre le cou à cette opinion qui ne repose sur rien: le problème n'est jamais dans le domaine physique. C'est même du pipeau. Il y a des joueurs qui sont sur le terrain tous les trois jours et qui n'ont absolument aucun problème. Ce sont même les meilleurs du monde. Ronaldo n'a jamais fait de pause. Van Dijk? Il joue toujours. D'ailleurs, dans les très grands clubs, il n'y a jamais de grande rotation. Peut-être trois ou quatre joueurs. Pas plus. Parce que c'est une question de tête. Si la tête te dit que tu es fatigué, tu l'es aussi, même si le corps te dit le contraire. L'adaptation au match suivant peut être un problème. Mais la fatigue ne doit jamais, au grand jamais, être une excuse. Les joueurs de hockey sur glace ont souvent trois matches par semaine. Nos gars de Lausanne jouent un jour à Davos, cela fait presque cinq heures de car. Ils rentrent à 3h ou 4h du matin. Et ils jouent le lendemain à Lausanne.
Après le 3-0 d'entrée contre Breidablik, l'objectif de Lausanne est clairement de se qualifier?
Très clairement: oui. Nous visons une place entre 9 et 24. Avec des adversaires de Malte, de Finlande et de Chypre, c'est obligatoire.
Peut-être pouvez-vous faire mieux, en atteignant le top 8, synonyme de qualification directe pour les 8es?
Peut-être. Mais Lech Poznan, qui vient de gagner 4-1 contre le Rapid de Vienne, et la Fiorentina sont de très bons adversaires.
Et en championnat?
Nous faisons partie de l'énorme groupe d'équipes qui veulent terminer parmi les six premiers. YB et Bâle seront intouchables. Derrière, il y a une grosse bagarre avec tout le monde, peut-être à l'exception de Winterthour, qui connaît de réelles difficultés en ce moment. Mais ils étaient aussi en difficulté la saison dernière avant de bien finir. Il peut encore se passer beaucoup de choses.
On ne s'attendait pas à ce que Thouneet maintenant aussi GC soient aussi forts.
On ne pouvait pas s'attendre à ce que Thoune soit leader, c'est vrai. Ni que GC serait en mesure de gagner le derby 3-0 contre le FC Zurich. En posant l'hypothèse que Winterthour prenne du retard, il y aurait alors une lutte monumentale pour ne pas finir onzième.
Parlons encore d'un autre talent, l'ailier saoudien de 22 ans Muhannad Al-Saad, qui est prêté par le Neom SC. Il se murmure que Lausanne touche de l'argent pour chaque match qu'il joue.
C'est de l'humour. Muhannad est un prêt tout à fait normal. Il existe des contrats de prêt avec bonus ou malus. On peut prévoir des pénalités au cas où un joueur n'atteindrait pas le nombre de matches convenu. Ou bien on peut convenir que le montant du prêt sera réduit s'il joue plus que ce qui a été convenu pour ce montant. Le contrat de prêt avec le Neom SC ne prévoit rien de tel.
A-t-il le potentiel pour la Super League?
Techniquement, il est très bon. Physiquement, il souffre encore. Il n'est pas encore au niveau de notre championnat, qui n'est pas le meilleur du monde sur le plan technique, mais qui est exigeant sur le plan physique. Lors de ses trois courtes apparitions jusqu'à présent, il a marqué deux buts, dont le 2-0 en Coupe lors de la victoire 2-1 à Vevey. Un but important, donc! Et il fait partie du cadre de l'équipe nationale A saoudienne, dont le niveau est loin d'être mauvais. Je suis curieux de voir comment il va évoluer dans quelques semaines.
On entend dire qu'il y a une collaboration entre le LS et Neom?
C'est vrai. Toutefois, rien n'a été convenu contractuellement. Dans un premier temps, nous débutons avec des talents que nous devons faire progresser, comme Muhannad Al-Saad. Mais ces joueurs doivent nous aider, ça va dans les deux sens. Neom a été promu en première division saoudienne et occupe actuellement la quatrième place. Il y a vraiment de l'argent. Ils ont fait venir des joueurs pour bien plus de 100 millions de francs. Cette collaboration n'en est qu'à ses débuts. Nous verrons bien comment elle évoluera.