La Nati y est presque
Deux ans après, Murat Yakin revient en vainqueur au Kosovo

Voilà deux ans, la Suisse était chahutée dans les qualifications pour l’Euro et la relation entre Murat Yakin et Granit Xhaka proche de la rupture. Ce mardi, le sélectionneur revient à Prishtina avec une toute autre stature.
Publié: 13:31 heures
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Si Murat Yakin et la Nati ne perdent pas ce mardi au Kosovo, ils resteront invaincus en 2025. Une première pour la Nati depuis... 1946!
Photo: keystone-sda.ch
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Tim GuilleminResponsable du pôle Sport

On imagine assez bien Murat Yakin débouler sur son cheval blanc dans les rues de Prishtina, voilà quelques siècles, le glaive au poing, une tête de loup en guise de couvre-chef, menant ses troupes. La réalité est un peu moins chevaleresque: le voilà en conférence de presse avec son training Puma blanc de l’ASF, à la veille d’affronter le Kosovo au stade Fadil-Vokrri.

Comme toujours, le sélectionneur a l’oeil vif, la réponse maline, et une tonne de charisme sur son porte-bagages. Quel que soit l’auditoire face à lui, le Bâlois sait le séduire en quelques secondes, sans en faire des tonnes simplement en restant naturel. Murat Yakin dégage une grande confiance en lui, est sûr de ce qu’il fait, mais a le bon goût de ne jamais verser dans l’arrogance.

Un petit tacle glissé et délicat à Xherdan Shaqiri

La frontière est fine, mais il en maîtrise les subtilités, et a une grande qualité, très utile en conférence de presse: il ne s’agace d’aucune question et sait rebondir, même lorsqu’elles ne lui plaisent pas, comme ce lundi lorsqu’il a dû parler de Xherdan Shaqiri. Concrètement? Le sujet est revenu trois fois sur la table de la part des journalistes kosovars, ce qui est légitime. Les médias suisses n’abordent plus le sujet depuis plusieurs mois, tant l’affaire est classée, mais il est clair qu’au Kosovo, la question est d’actualité au vu des performances de «XS» avec le FC Bâle.

Photo: TOTO MARTI

Les trois fois, Murat Yakin, dont les relations avec son ancien numéro 10 sont fraîches, a répondu sans soupirer, soulignant les bonnes statistiques de Xherdan Shaqiri en club, mais rappelant aussi, calmement et fermement, que ce n’était pas lui qui avait fermé la porte. «Il a pris sa décision. Nous avons de très bons jeunes joueurs à son poste, comme Ruben Vargas, Dan Ndoye et Johan Manzambi, sans oublier Alvyn Sanches.» Il marque un temps de silence. Reprend. «La situation est satisfaisante aujourd’hui. Pour lui… mais aussi pour nous.» Tacle glissé impeccable, sans faire bouger la mèche et sans se salir. Propre.

Le fait est que Murat Yakin revient en vainqueur à Prishtina, deux ans après un dernier voyage bien plus compliqué pour lui et pour l’équipe de Suisse. A l’époque, la Suisse galérait dans les qualifications pour l’Euro, après avoir pourtant débuté de manière parfaite dans un groupe très abordable (Roumanie, Kosovo, Israël, Andorre, Biélorussie). Une perte de balle de Dan Ndoye dans les arrêts de jeu avait conduit à l’égalisation kosovare signée Vedat Muriqi et les deux points perdus avaient fait enrager Granit Xhaka, lequel était apparu très agacé face aux médias.

Le coup de gueule du capitaine

«On s’est mal entraînés toute la semaine, on le paie aujourd’hui. On ne s’est pas entraînés comme on l’aurait dû. Il ne faut pas être un grand expert du football pour le comprendre», avait tonné le capitaine de l’équipe de Suisse et la fin de l’année civile avait été extrêmement compliquée, mais l’essentiel avait été assuré. Murat Yakin s’est retrouvé très contesté, y compris en interne, et cette situation de crise avait débouché sur la grande remise en question du début de l’année 2024.

Une bonne bouteille de rouge à Düsseldorf

La réalité est là, crue: Murat Yakin a joué son poste sur une discussion avec Pierluigi Tami et Dominique Blanc et la réalité est qu’il a présenté ce jour-là un plan de relance extrêmement convaincant. Le sélectionneur avait une mission claire: améliorer sa relation avec Granit Xhaka, ce qui a été fait au travers de nombreuses discussions, que ce soit au téléphone ou autour d’une bouteille de bon vin rouge à Düsseldorf, le lieu de vie du capitaine de la Nati lorsqu’il jouait à Leverkusen.

Interrogé à ce sujet ce lundi à Pristhina, Murat Yakin n’a pas souhaité en rajouter. «Notre culture au sein de l’équipe est de se dire les choses. On peut réfléchir à voix haute et parler de manière directe. La situation n’était pas aussi tendue que vous l’avez interprétée.» Les deux hommes se sont parlés et, surtout, se sont compris, ce qui était indispensable. Adepte d’une défense à quatre, Murat Yakin décide d’attaquer l’Euro avec une défense à trois, un système similaire à celui qui fait le succès du Bayer Leverkusen de Xabi Alonso. Granit Xhaka s’y sent bien et le stage à la Manga en mars 2024 est celui d’un nouveau départ. La Nati fait bloc autour de son sélectionneur et de ses leaders et pose les bases d’un Euro magnifique.

Photo: TOTO MARTI

Le schéma, d’ailleurs, s’est répété, avec quelques nuances, dans la foulée d’un automne 2024 décevant, marqué par la relégation en Ligue des Nations B en terminant à la dernière place d’un groupe composé de l’Espagne, du Danemark et de la Serbie. La Nati a dû gérer l’après-Euro et la retraite internationale de Yann Sommer, Xherdan Shaqiri et Fabian Schär, ce qui est désormais chose faite et la transition entre les cadres et les jeunes est plus que réussie.

Un changement de génération efficace et en douceur

Et là aussi, il y a de quoi être extrêmement satisfait, simplement en observant la situation dans des pays voisins, ou de taille similaire à la Suisse, qui galèrent à effectuer ce changement de génération. Cette réussite-là est à mettre au crédit de Murat Yakin, qui sait donner de la confiance aux joueurs avec un statut (Remo Freuler, Breel Embolo, Manuel Akanji, Ricardo Rodriguez), tout en ouvrant la porte aux jeunes... pour autant qu'ils fassent preuve de patience, ce qui exclut pour l'instant l'effronté Noah Okafor.

Après la Coupe du monde, il faudra préparer la suite, encore

En voyant Dan Ndoye, Ruben Vargas et Fabian Rieder s’éclater, et en constatant l’émergence de Johan Manzambi, il y a de quoi être optimiste, même si la situation est plus floue en défense et que les successeurs de Ricardo Rodriguez et de Silvan Widmer ne sont à l’évidence pas encore prêts. Ce sera là sans doute le grand thème de l’après-Coupe du monde 2026, au cours d’un automne qui aura son importance lui aussi. Il y aura sans doute quelques soubresauts, peut-être des défaites frustrantes, mais il faudra en passer par là pour être prêt à affronter l'année 2027 qui sera celle de la qualification pour l'Euro au Royaume-Uni et en Irlande.

Un chiffre pour finir? Si la Suisse ne s’incline pas ce mardi à Prishtina, elle terminera l’année civile invaincue, ce qui n’a pas manqué d’interpeller l’un de ses plus fidèles supporters. Celui-ci s’est donc posé la question: depuis combien de temps la Nati avait-elle bouclé une année sans avoir été défaite? La réponse est… 1946 (un match, une victoire)!

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