Christian Constantin et le FC Sion refont parler d’eux, au grand dam de certaines figures du football valaisan et de responsables politiques. Le motif de la discorde: les Sédunois s’apprêtent à se rendre en Russie, pays dirigé par le belliciste Vladimir Poutine, pour disputer un match amical. Le 9 juillet, le FC Sion affrontera le Zénith Saint-Pétersbourg à la Gazprom Arena. Pour sa présence en Russie, le club valaisan recevra une prime de 300’000 francs.
Cette affaire n’est pas sans rappeler celle de Fabio Celestini, récemment nommé entraîneur du CSKA Moscou, qui risque désormais des ennuis avec la justice suisse. Mais une différence majeure existe: Christian Constantin et le FC Sion ne risquent, eux, aucune conséquence pénale. Le président du club précise que les 300’000 francs ne proviennent pas directement du club russe, mais de l’organisateur du match, Jérôme Salbert, basé à Paris. «Nous avons clarifié la situation avec le Secrétariat d’État à l’économie», assure-t-il à Blick. «Il n’y a aucun problème.»
Un cadre légal, mais des questions morales
D’un point de vue juridique, les Valaisans sont donc en règle. Rien ne s’oppose à ce qu'ils affrontent le Zénith dans la mythique Gazprom Arena. Mais le nom même du stade soulève déjà des interrogations d’ordre morales: le club appartient au géant gazier russe Gazprom, réputé proche du Kremlin, et considéré comme le club favori de Vladimir Poutine.
Ce qui joue en faveur de Christian Constantin, c’est que ni l’Union européenne ni la Suisse n’ont inscrit Gazprom sur leurs listes de sanctions. Seules certaines de ses filiales, comme Gazprom Neft, sont concernées. En cause: la dépendance de l’Europe au gaz russe. Selon le groupe de réflexion Ember, l’UE a même importé 18% de gaz russe en plus en 2024 qu’en 2023. La Suisse, bien qu’elle n’ait pas de contrat direct avec la Russie, continue d’acheter du gaz naturel russe via des pays tiers comme l’Allemagne ou l’Italie.
Un groupe avec 60 filiales
Depuis près de trois ans et demi, la Russie mène une guerre coûteuse contre l’Ukraine. En Occident, certains espèrent que l’effort de guerre ruine la Russie. Mais la réalité est plus nuancée. Avec ses importations, l’Europe continue indirectement de financer cette guerre. En 2024, Gazprom, société contrôlée par l’État, a enregistré un bénéfice net avoisinant les 12 milliards de francs.
De plus, l'entreprise est un mastodonte industriel. Elle compte près d’un demi-million d’employés, environ un sixième des réserves mondiales de gaz exploitables de façon économiquement sûres et une soixantaine de filiales. Elle détient aussi la majorité des actions de 45 autres entreprises, dont la controversée Nord Stream 2 AG basée à Zoug, mais aussi une compagnie aérienne, un opérateur de satellites, un groupe de médias et une banque: Gazprombank.
Des milices de Gazprom se battent en Ukraine
Cette dernière, en particulier, est dans le collimateur des Etats-Unis. En 2024, Washington a décidé de sanctionner la banque: «Par le biais de Gazprombank, la Russie achète du matériel militaire pour ses efforts de guerre contre l'Ukraine. Le gouvernement russe utilise également Gazprombank pour payer ses soldats – par exemple pour des primes de combat – et pour dédommager les familles des soldats russes tués dans la guerre contre l'Ukraine».
La journaliste Polina Ivanova, du Financial Times, a documenté avec ses collègues Christopher Miller et Max Seddon les liens directs entre Gazprom et la guerre. «J’ai vu des images d’agents de sécurité de Gazprom affiliés à une milice armée», a-t-elle déclaré au site sportif The Score. «Certains portaient des tenues de camouflage, armes en main, parfois sur des terrains d’entraînement, parfois directement en Ukraine, avec des bannières rattachées à Gazprom via une société militaire privée.»
Il s'agit de PMC Potok, une filiale de Gazprom, inscrite sur la liste des sanctions suisses depuis 2023. Cette dernière est composée principalement de salariés du groupe et la milice participe activement à l’invasion de l’Ukraine, selon les documents officiels.
Gazprom est le sponsor du dernier adversaire d'YB en Champions League
Gazprom s'est rapidement retrouvé à l'écart du football européen en raison de la guerre. Fin février 2022, l’UEFA a mis fin à son partenariat avec le groupe gazier pour la Ligue des champions. Le FC Schalke 04 avait rompu son contrat quelques jours plus tôt. Aujourd’hui, seul l’Étoile Rouge de Belgrade continue d’arborer le logo de Gazprom Neft sur ses maillots. Le club serbe a d’ailleurs affronté Young Boys en Ligue des champions en janvier dernier.
De son côté, Christian Constantin ne voit aucun problème à jouer en Russie. Dans une interview à Blick, il a déclaré: «Je n’ai aucun scrupule à aller en Russie.»