Il y a les femmes que la pression inhibe et il y a celles que la tension sublime. Lia Wälti et ses collègues font visiblement partie de la deuxième catégorie, celle qui fait les championnes. Devant 34'063 spectatrices et spectateurs, le double du record jusqu'ici établi pour un match de football féminin disputé en Suisse, les joueuses de Pia Sundhage ont livré un match remarquable face à la Norvège, surtout en première période, se faisant une magnifique publicité, y compris à la télévision. Elles ont fini par s'incliner, c'est vrai, la faute à un trou d'air de cinq minutes en début de deuxième période, mais l'impression laissée a été plus que bonne.
Un public familial et enthousiaste qui a porté la Nati
Les Suissesses ont en effet pris les choses en main d'entrée. La Norvège? Quelle Norvège? Ada Hegerberg, Ballon d'Or en perdition, et ses coéquipières étaient concassées, ratiboisées, dominées par la furia de cette épatante troupe rouge et blanche qui s'est sublimée devant ce décor de rêve qu'était le Parc Saint-Jacques en ce mercredi soir.
Une heure avant le match, déjà, une atmosphère positive et joyeuse se dégageait de ce véritable temple du football et, pour ceux qui ne croient pas aux ondes et à l'énergie, il fallait le vivre pour le croire et, mieux, le ressentir. Tout, ce mercredi, disait que la Nati allait être poussée par un public aussi familial que joyeux et enthousiaste. Des enfants, certains vraiment très jeunes malgré l'heure tardive du coup d'envoi, aux aînés, les supporters de la Nati formaient un peuple tout de rouge vêtu et prêt à s'enflammer, véritablement, au moindre geste.
Alors, en voyant ces Suissesses sublimées par l'événement et prêtes à monter sur les Norvégiennes dès l'engagement, le public du Joggeli a rugi de plaisir et a suivi. C'est bien simple: durant sept minutes, les premières, la Norvège n'est littéralement pas sortie de son camp. Caroline Graham Hansen est peut-être l'une des meilleures attaquantes du monde, mais encore aurait-il fallu qu'elle reçoive un ballon pour s'en rendre compte. La Suisse, métamorphosée par rapport à son début d'année, mettait enfin en application tout ce que Pia Sundhage réclamait depuis de longs mois: du jeu, du jeu et encore du jeu, le tout saupoudré d'une dose exceptionnelle d'agressivité et d'un wagon de confiance, celle que l'on pensait évaporée dans la brume d'un printemps de cauchemar.
Une première période exceptionnelle pour la Suisse
Cette Nati incapable de gagner un match en 2025 face à la Norvège, l'Islande et la France, malgré deux essais à chaque fois, s'est transformée d'un coup en une meute de louves affamées. Les innocentes agnelles se fabriquant des goals toutes seules à Reykjavik, Stavanger et Nancy ont disparu d'un coup, tant mieux, et la première période n'a pas été d'un bon niveau, non, elle a été excellente, du début à la fin. La Norvège a eu deux ou trois contres à négocier, quand même (et heureusement...), mais Ada Hegerberg et ses copines ont dû se regarder dans les yeux à la pause et se demander ce qui venait de leur tomber sur le coin de la gueule.
Concrètement? Des corners à foison, des occasions nettes, une frappe sur la barre splendide de Géraldine Reuteler (immense en première période) à la 25e et un but, ultra-mérité, de Nadine Riesen à la 28e, d'une frappe au premier poteau rebondissant au bon endroit. La Suisse prenait l'avantage, ce qui n'était que justice, et le public de Saint-Jacques, magnifique, applaudissait à tout rompre... y compris lors de la pause boisson! Les Norvégiennes, sonnées comme si elles venaient de passer 45 minutes dans un octogone face à Khabib Nurmagomedov (ou Joe Frazier pour nos lecteurs les plus anciens), ont eu la pause pour tenter de reprendre leurs esprits. Quel spectacle à Saint-Jacques!
La Suisse a entamé la deuxième période aussi bien que la première, mettant beaucoup de rythme et squattant la moitié de terrain norvégienne, mais, en un instant, alors que la défense de la Nati sur un corner s'était endormie, semblant soudain crever le ciel, surgit un aigle noir nommé Ada Hegerberg, laquelle s'est envolée dans la nuit bâloise pour smasher son coup de tête après une détente impressionnante.
D'accord, la dame a de la classe, et un certain talent, ce qu'elle a prouvé sur ce geste magnifique. Les grandes joueuses répondent toujours présent et Ada Hegerberg est de cette race-là, indiscutablement (53e, 1-1).
La malheureuse Julia Stierli tacle dans son propre but
Et comme le football est cruel, voilà la Norvège devant au score à la 57e sur un autogoal de la malheureuse Julia Stierli, laquelle, au moins, n'aura pas à avoir peur d'affronter les réseaux sociaux ces prochains jours, vu qu'elle n'en a pas. La Norvège, sans rien avoir fait pour mériter ça, se retrouvait devant au score à l'heure de jeu. Que le football peut être sévère!
Pia Sundhage réagissait alors en faisant entrer Sydney Schertenleib et Alayah Pilgrim pour Riola Xhemaili et Noemi Ivelj à l'heure de jeu. Deux attaquantes pour aller chercher un point, au moins! Et comme la Suisse, en plus d'avoir du talent, a du caractère, Géraldine Reuteler sonnait la révolte d'un joli tir à la 67e. Ne rien lâcher, jamais, tel était le mot d'ordre! Le Parc Saint-Jacques continuait à jouer son rôle de douzième femme, d'autant plus au cours de deux minutes complètement folles entre la 70e et la 72e.
Une histoire de penalties
Une main involontaire de Géraldine Reuteler a offert un penalty à la Norvège, manqué (hors cadre) par Ada Hegerberg, juste avant que, de l'autre côté du terrain, la Suisse bénéficie à son tour d'un penalty, sifflé par l'arbitre... et annulé par la VAR pour hors-jeu préalable! Quelle frustration pour le peuple rouge et blanc! Le score en restait donc là et la Suisse entière poussait, au stade et devant son téléviseur, pour aller chercher un point, au moins, qui aurait récompensé le courage et la qualité de cette équipe.
La fin de match a été irrespirable avec une occasion magnifique pour Géraldine Reuteler, contrée au dernier moment avant d'égaliser à la 83e, juste avant l'entrée en jeu de la meilleure buteure de l'histoire de la sélection, Ana-Maria Crnogorcevic. La Suisse a tout tenté, mais, bien moins inspirée et enthousiaste qu'en première période, n'a pas pu aller chercher cette égalisation amplement méritée. Il n'empêche: le visage affiché par les joueuses de Pia Sundhage leur autorise tous les espoirs pour la suite, à commencer par dimanche, à Berne, face à l'Islande.