Du football et des hommes
Ottmar Hitzfeld se livre: «J'ai réalisé que j'avais besoin d'un psychiatre»

Dans un livre à paraître, de nombreux protagonistes du football évoquent des moments douloureux de leur vie et offrent un regard saisissant sur les parcours et les émotions qu'ils subissent en coulisses. C'est le cas d'Ottmar Hitzfeld notamment.
Publié: 19:04 heures
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Dernière mise à jour: 19:26 heures
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Daniel Leu

Dans un livre à paraître en allemand, l'ex journaliste de Blick Andreas Böni regroupe les témoignages de nombreuses personnes issues du monde du football. Elles y ouvrent leur cœur et parlent ouvertement des moments difficiles de leur vie.

Voici quelques éléments poignants de «Mensch Fussballstars» qui rappellent qu’en dehors du terrain, il y a des trajectoires aux chemins parfois douloureux.

Roman Bürki sur l’attaque terroriste contre le bus du BVB en 2017

Photo: Sven Thomann|Blicksport

En 2017, le bus du Borussia Dortmund a été la cible d’une triple explosion revendiquée par une organisation islamique. Roman Bürki gardait alors la cage du club allemand: «Je me souviens encore du bruit soudain d’un énorme bang. Une véritable explosion. Il a fallu quelques instants pour que je sente que nous étions pris dans une situation que l’on ne souhaite à personne sur cette Terre. Nous avons fonctionné comme si nous étions en transe, nous nous sommes immédiatement jetés au sol. J’ai aussi attrapé Christian Pulisic à côté de moi et je me suis allongé sur lui. A ce moment-là, nous ne savions pas encore s’il allait se passer autre choseAujourd’hui, le Suisse est dans les buts de Saint Louis City. Dans l’ouvrage à paraître, il se livre sur cette expérience difficile.

Ottmar Hitzfeld sur son burn-out en 2004

Photo: TOTO MARTI

Ottmar Hitzfeld est l’un des plus grands noms du football. Il a remporté la Ligue des champions avec Dortmund et le Bayern en tant qu’entraîneur et a également été sélectionneur de la Nati. Malgré ce statut de légende, il a aussi traversé des phases de turbulences qu’il évoque à cœur ouvert.

«A l’époque, je perdais lentement et continuellement mes forces: je n’arrivais plus à me déconnecter. Je ne parvenais pas à regarder un film sur toute sa durée sans me préoccuper de la composition de l’équipe ou d’autres questions sportives. En même temps, je ne voulais pas que le public ou l’équipe se rendent compte de mon état de santé. Je ne parlais presque plus à la table du petit-déjeuner avec ma femme et mon fils. La Fédération allemande de football voulait me faire venir comme entraîneur national. Pendant trois jours, je suis resté presque exclusivement au lit à ruminer. C’était brutal. D’un côté, l’offre était alléchante. D’un autre, je savais que je n’avais pas la force. J’aurais préféré tirer la couverture sur ma tête et continuer à dormir. Je commençais à avoir mal au dos et à avoir des problèmes de sommeil. C’était cruel de se retrouver soudainement sans force. Mon expérience clé, je l’ai vécue dans la voiture. Je suis soudain devenu très claustrophobe. J’ai eu du mal à respirer, tout devenait étroit, c’était une sensation terrible. Ce n’est qu’en baissant les vitres que cela s’est amélioré. C’est là que j’ai réalisé: j’ai besoin d’aide. J’ai besoin d’un psychiatre. Celui-ci m’a prescrit des comprimés, des antidépresseurs. Ils m’ont aidé à me calmer. Pour moi, il était clair que j’allais refuser la proposition de devenir entraîneur de l’équipe nationale allemande. Pour un nouveau travail, tu dois être reposé. Et très honnêtement, à ce moment-là, je ne voulais plus jamais être entraîneur. Je me suis retiré pendant un an et demi à Engelberg, dans les montagnes suisses. Ce n’est que presque trois ans plus tard que j’ai été vraiment prêt à travailler à nouveau.»

Gelson Fernandes sur le racisme

Photo: TOTO MARTI

Gelson Fernandes a disputé 67 matches avec la Nati avant de mettre un terme à sa carrière en 2020. Dans le livre à paraître, il s’ouvre quant à lui sur une thématique malheureusement très présente dans le football: le racisme. «Après un carton rouge à Schalke, quelqu’un m’a écrit sur Instagram: 'Tu es un fils de singe. J’espère que quelqu’un mettra fin à ta carrière. Tu n’es pas vraiment un Suisse. Tu es un putain de réfugié. Fils d’une salope de singe!' Et quand j’ai joué au Chievo Verona, on a rayé ma voiture, on a écrit 'nègre' dessus et on a cassé la vitre. Quelqu’un a fait ses besoins devant ma porte d’entrée. J’ai alors emmené ma petite amie de l’époque en Suisse pour la mettre en sécurité. Ce sont des choses que tu ne veux pas vivre en tant que footballeur et en tant qu’être humain.»

Valon Behrami sur les atrocités de la guerre

Photo: TOTO MARTI

Valon Behrami (40 ans) a disputé 83 matches pour l’équipe nationale suisse. Il travaille actuellement comme directeur sportif à Watford. Il se livre sur le douloureux souvenir de la guerre au Kosovo. «Nous sommes arrivés en Suisse par le dernier bus en provenance du Kosovo quand nous avons compris qu’il n’y avait plus d’avenir sur place. Peu après, tout a commencé. Notre maison a été brûlée, nous avons perdu des amis et des parents, un oncle a été envoyé en prison. Chacun de nous a son histoire. Ma tante et un autre oncle se sont cachés et ont été retrouvés. À ce moment-là, toutes les femmes ont été placées d’un côté. Tous les hommes de l’autre. Et ma tante a dû regarder son mari et tous les autres se faire tirer dessus. Une folie. Le pire, c’était l’incertitude, parce qu’on ne savait pas grand-chose. Tu entendais à la télévision que vingt personnes étaient encore mortes. Et tu ne savais pas si tes grands-parents étaient parmi elles. Je ne comprenais pas tout, mais pour mes parents, c’était fou.»

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