Par Tim Guillemin
Brian Beyer est tout allé chercher lui-même

Parmi les belles histoires proposées par le FC Bienne, finaliste de la Coupe de Suisse, celle de l’attaquant alsacien Brian Beyer est particulièrement remarquable, assure notre journaliste.
Publié: 30.05.2025 à 16:28 heures
Partager
Écouter
Blick_Tim_Guillemin.png
Tim GuilleminResponsable du pôle Sport

Brian Beyer. Ce joueur m’obsède depuis la toute première fois où je l’ai vu jouer, avec le FC Bienne, cavalant sur chaque terrain de 1re ligue avec la détermination de ceux qui jouent leur carrière, et donc leur vie, à chaque minute de chaque match. Comment ne pas être séduit par cette énergie de tous les instants, cette volonté folle, ces courses qui transpirent l’envie de réussir et de profiter de chaque ballon, de chaque moment, de chaque action, pour se mettre en valeur? Brian Beyer incarne à merveille ce genre de joueurs qui bouffent le gazon et qui font énormément de bien à un football suisse qui ronronne parfois. Dès son arrivée, sur le sol helvétique, le blond attaquant a détonné, à Bassecourt d’abord, à Bienne ensuite, choquant tous les défenseurs qui n’ont pas compris d’où débarquait cette tornade et se sont retrouvés le cul par terre, balayés comme des arbustes trop fragiles.

La tempête Beyer vient d’Alsace et de ses divisions inférieures, où il cumulait les petits boulots et les frappes de cheval en dixième division, et cette rage de réussir se ressent dans chacun de ses tirs au but. Il existe des joueurs formatés pour réussir et il existe Brian Beyer, l’homme qui n’était programmé pour rien et qui est allé lui-même chercher son premier contrat professionnel, mettant le stylo dans la main de Marco Degennaro, alors directeur général d’Yverdon Sport, séduit comme tout le monde par le tempérament de ce joueur pas comme les autres. Donnez-lui sa chance et non seulement il la saisira, mais, surtout, il ne la lâchera pas.

Le football français est dur, impitoyable, du sommet de la pyramide à ses tréfonds, alors que le jeu en Suisse est souvent plus policé, plus lisse. L’envie de réussir dans le fote prend moins aux tripes un jeune en apprentissage ou aux études entre Genève et Saint-Gall qu’entre Dunkerque et Toulon. Le constat est connu et répété, mais il n’en est pas moins vrai et personne ne l’incarne mieux que l’épatant Brian Beyer, l’homme qui a brillé partout où il a joué en Suisse et échoué ensuite en France (Annecy) et en Allemagne (Osnabrück), avant que Bienne ait l’idée lumineuse de lui faire retraverser la frontière.

La frontière, justement. Celle entre «tout donner» et «trop donner» est fine, et, parfois, Brian Beyer a pu agacer ses partenaires, après les avoir fait sourire dans un premier temps. Il se bat sur tous les ballons, ce qui implique qu’il les veut tous, et il a tellement été privé de lumière dans sa jeunesse que certains de ses coéquipiers ont pu trouver qu’il la cherchait un peu trop une fois son contrat professionnel en poche. Mais comment en vouloir à ce jeune homme d’haranguer un kop de 50 personnes et de chercher leur amour, bras levés face à eux pendant qu’ils chantent son nom, lui qui jouait dans la campagne alsacienne devant trois chèvres et deux spectateurs, quand ce n’était pas le contraire?

Ce dimanche, il entrera sur le terrain devant 31’500 personnes au Wankdorf et je lui souhaite de profiter de ce moment, qu’il est allé chercher lui-même et qu’il ne doit à personne d’autre. Je ne souhaite évidemment aucun mal au FC Bâle, qui est largement favori de cette finale, mais j’ai un rêve, que je rends volontiers public: qu’il y ait 0-0 ou 0-6, j’ai envie de voir les yeux de Brian Beyer s’illuminer au moment d’inscrire son nom au tableau de marque tant ce joueur atypique fait du bien au football, parce qu’il montre à tous les joueurs de dixième division, ceux qui n’ont pas eu la chance de passer par un centre de formation, qu’il existe plusieurs chemins pour jouer une finale de Coupe de Suisse. Pour autant qu’ils en aient envie. Vraiment envie. Furieusement envie.

Partager
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la