Le sélectionneur se confie
Murat Yakin: «Je suis devenu un meilleur entraîneur grâce à cette équipe»

Murat Yakin rêve en grand! A Washington, et en exclusivité pour Blick, le sélectionneur national évoque le tirage au sort de la Coupe du monde et ses objectifs pour la phase finale de l'été prochain.
1/12
L'entraîneur de la Nati Murat Yakin pose pour Blick devant le Capitole après le tirage au sort de la Coupe du monde.
Photo: TOTO MARTI
11_TobiasWedermannKommentar1_11_Kommentar1_Tobias_Wedermann_2024-16361.jpg
Blick_Portrait_582.JPG
Tobias Wedermann et Toto Marti

Les flocons de neige volent dans l'obscurité du soir, les températures sont négatives dans la capitale américaine Washington DC. Malgré tout, le sélectionneur national Murat Yakin revient de bonne humeur du tirage au sort de la Coupe du monde pour une visite touristique. Au centre du pouvoir américain, entre la Maison Blanche et le Capitole, le Bâlois revient, en exclusivité pour Blick, sur une année de succès pour la Nati et se projette dans une année de Coupe du monde avec l'ambition de vivre l'été prochain un rêve américain, made in Switzerland.

Murat Yakin, il y avait énormément de VIP au tirage au sort vendredi. Avec quelle personnalité aimeriez-vous aller dîner?
Probablement avec Carlo Ancelotti. J'aimerais bien m'entretenir avec lui sur sa compréhension du football et surtout sur sa gestion des hommes.

Une autre star, la légende de la NBA Shaquille O'Neal, vous a fait offert un groupe abordable avec le Canada et le Qatar.
Oui, cela aurait certainement pu être plus dur pour nous quand je vois les autres tirages. C'est un groupe faisable, mais le Canada, en tant que pays hôte, sera un adversaire pas simple à manoeuvrer, qui a en outre beaucoup de qualité. Il y aura peut-être aussi l'Italie, qui a réalisé une bonne campagne de qualification même en terminant deuxième.

Avec sa forme actuelle et sa qualification pour la Coupe du monde, la Suisse est toutefois favorite dans ce groupe, n'est-ce pas?
Je n'irais pas jusque-là. Nous ne connaissions pas encore tous nos adversaires. Mais nous voulons avec certitude nous qualifier et atteindre le tour suivant. Nous avons la qualité, l'ambition et la confiance nécessaires pour réussir la meilleure Coupe du monde possible.

En 2018, la Suisse a perdu 1-0 contre le Qatar à Lugano. En 2002, elle avait perdu 1-3 contre le Canada, avec vous dans le onze de départ.
Oui, je n'ai pas du tout un bon souvenir de ce match contre le Canada. Nous étions déjà menés 2-0 à la pause et j'ai dû être remplacé à la mi-temps en raison d'une blessure. Ces deux défaites montrent qu'il ne faut pas sous-estimer les adversaires et que nous avons aussi des comptes à régler.

San Francisco, Los Angeles, Vancouver. La côte ouest des États-Unis et le Canada - cela aurait également pu être pire en ce qui concerne les lieux des matches.
Ce sont des villes magnifiques et je me réjouis de découvrir ces stades. A Vancouver, ce sera spécial et il y aura certainement de l'ambiance en jouant contre le pays hôte. De plus, je ne suis jamais allé au Canada.

En mars, vous prévoyez des matches de préparation contre l'Allemagne et la Norvège. Qu'en est-il de la préparation à la Coupe du monde?
Nous travaillons intensivement à la planification. En premier lieu, il est important que nous trouvions un bon camp de base. Nous avons vu l'importance du choix lors de l'Euro à Stuttgart. Le plan est ensuite de jouer d'abord un match en Suisse, puis de s'envoler tôt pour les Etats-Unis. Au départ, nous voulions jouer contre l'Angleterre, mais elle disputera ses matches sur la côte est.

Depuis peu, la Coupe du monde est aussi synonyme de politique. Au Qatar, vous et vos joueurs avez dû répondre à de nombreuses questions à ce sujet. Maintenant, tout tourne autour de Donald Trump. Cela vous agace-t-il?
C'est justement pour éviter ces questions que nous avons été tirés au sort dans le groupe du Canada (rires). Au Qatar, nous avons géré la situation sans nous énerver, en nous concentrant entièrement sur le football. Ce sera la même chose en Amérique du Nord.

Vous êtes de retour dans le pays où tout a vraiment démarré pour la Nati l'été dernier. Après un automne 2024 raté, la tournée américaine de juin vous a fait extrêmement de bien. Pouvez-nous en parler?
Ce voyage au pays de la Coupe du monde a certainement été d'une grande importance pour ce qui est de la construction d'une équipe. Si je regarde en arrière, je dirais que cela avait même commencé en mars au Portugal. Tout ce dont nous avons discuté et tout ce que nous avons modifié au sein du staff ou des joueurs cadres a fonctionné.

En juin, à Salt Lake City, vous avez imaginé un slogan pour la Nati - «Strive for greatness».
S'efforcer de réaliser quelque chose de grand. C'est ce que nous faisons tous, c'est pour cela que nous travaillons, et avec la qualification pour la Coupe du monde, la première étape a été franchie pour répondre à cette devise. On avait aussi pensé à «Make Switzerland great again» (rires).

Cette année, vous avez en outre intégré pour la première fois un préparateur mental dans l'équipe.
Il est venu avec nous aux États-Unis et a vraiment fait un super travail. L'accent a été mis entièrement sur le team building. Nous savions que cela n'atteindrait pas tous les joueurs individuellement, mais cela a fonctionné pour l'esprit d'équipe qui est au-dessus de tout. C'est une grande satisfaction.

Depuis peu, vous exercez également une forte influence sur la planification des voyages. L'Algarve au printemps était votre idée, vous avez fortement poussé pour le voyage aux Etats-Unis en juin. Préparer les matches de septembre en Forêt Noire était également votre idée, plutôt que d'aller directement à Bâle.
Les remarques de Granit après le match au Kosovo en septembre 2023 ont eu une influence. A l'époque, il s'était plaint à juste titre de terrains d'entraînement médiocres lors de la préparation. Je me suis alors dit que je devais prendre ce sujet en main jusque dans les moindres détails. Nos joueurs sont habitués aux meilleures conditions possibles, ils doivent aussi les obtenir en équipe nationale.

Vos joueurs n'ont pas spécialement fêté la qualification à la Coupe du monde. Comme si c'était presque normal au fond. Cela vous a-t-il surpris?
Non. Depuis le début, j'ai dit aux joueurs que nous étions la tête de série numéro 1 du groupe et que nous devions nous comporter en conséquence.

On vous a cependant vu à l'hôtel après 4h30 du matin, une fois la qualification obtenue à Pristina.
Peu après 4 heures, beaucoup de gens sont allés se coucher, mais je voulais finir de fumer mon cigare. Il est fort possible que j'aie été le dernier à quitter le travail ce jour-là (rires).

Quels autres changements avez-vous perçus dans votre équipe qui ont conduit à cette année réussie en équipe nationale ?
La concentration et le sérieux étaient plus intenses et plus marqués que ce que j'avais vécu auparavant. De plus, chacun a compris la répartition des rôles au sein de l'équipe, tous ont trouvé leur place. Nous avons pu nous concentrer entièrement sur le football, il n'y avait pas de bruits parasites.

Pourtant, il y en a eu, par exemple lorsque Noah Okafor s'est exprimé dans les médias juste avant les deux derniers matches, se montrant critique sur votre management. Qu'avez-vous pensé en lisant cette interview ?
Ce qui est bien dans les sports d'équipe, c'est que je ne suis pas seul, en tant qu'entraîneur, lorsque des intérêts individuels prennent le pas sur l'équipe. Je pense que les réponses de Pierluigi Tami et de Granit Xhaka étaient également claires à ce sujet.

Vous avez été critiqué par Noah Okafor pour l'avoir mis sur la liste «de piquet» sans avoir parlé avec lui.
Le timing de sa critique et le fait de passer par les journaux m'ont dérangé. Il ne doit pas être question d'intérêts individuels. L'équipe est toujours au-dessus de tout. Nous l'avons clairement fait savoir à Noah.

Mais il est possible de se réconcilier avec vous, vous n'êtes pas quelqu'un de fermé. La porte est-elle encore ouverte avec lui?
Il y a toujours un moyen d'aplanir les différences.

Si Noah Okafor fait partie des perdants de l'année, nous désignerions Nico Elvedi comme revenant de l'année et Johan Manzambi comme découverte de l'année. D'accord?
Oui, Nico est redevenu un pilier important de la défense. Il a travaillé dur sur lui-même. Je suis très heureux de son évolution. Peut-être que le fait que j'ai essayé d'autres joueurs à son poste au printemps l'a aussi titillé.

Et Johan Manzambi?
Un joueur fantastique et une personnalité très positive. Il est loin d'être à son maximum. il vient juste de commencer. Quand il entre, il se crée toujours au moins une occasion! Nous aurons encore beaucoup de plaisir avec lui.

Alessandro Vogt a la même année de naissance que Johan Manzambi et est actuellement performant en Super League. Sera-t-il le prochain?
Il est sur la bonne voie, nous le surveillons bien sûr. Mais il vient de franchir une nouvelle étape en devenant titulaire en Super League et la Nati est le plus haut niveau possible. Il a besoin de patience, il doit continuer à se concentrer sur ses performances et il aura alors sa chance.

Comment votre management a-t-il évolué durant votre période en tant que sélectionneur?
J'ai dû m'adapter en permanence à de nouveaux défis, parfois imprévisibles. Et je dois dire que grâce à cette équipe, je suis aussi devenu un meilleur entraîneur.

Par exemple
Par exemple les leaders Granit Xhaka, Manuel Akanji ou Remo Freuler. Ils sont exigeants, ils s'investissent, nous avons un échange intensif. Avoir Granit comme capitaine, chaque sélectionneur en rêve. Son influence va de l'entraînement jusqu'à la hiérarchie de la table au repas.

A 33 ans, Granit Xhaka semble s'être encore amélioré.
Je pense que le doublé remporté avec Leverkusen a encore déclenché quelque chose chez lui. Une satisfaction et une fierté bien méritées. Et cela ne lui a pas donné moins envie de remporter encore plus de succès, bien au contraire.

Il y avait encore des points d'interrogation à Pristina après la fin de la qualification pour la Coupe du monde concernant la prolongation automatique de votre contrat. Granit Xhaka s'est exprimé en votre faveur. Ces questions ont-elles été résolues depuis?
Après l'Euro en Allemagne, il était important pour moi de ne pas seulement prolonger de tournoi en tournoi, mais aussi de m'engager à long terme. Ce travail et la collaboration avec cette équipe aux caractères très différents me procurent beaucoup de plaisir.

Mais l'avenir ne se résume pas à la Coupe du monde. Il se peut que ce soit le dernier grand tournoi de plusieurs leaders.
Oui, cela viendra tôt ou tard. Nous préparons déjà les jeunes joueurs pour qu'ils soient prêts à combler les éventuels vides dans l'équipe. On travaille donc déjà en silence à ce changement, même si nous espérons pouvoir compter sur ces joueurs le plus longtemps possible. Mais je vais aussi devoir adapter mon management.

Qu'entendez-vous par là?
Si Granit Xhaka ou Remo Freuler, par exemple, ne faisaient plus partie de l'équipe, je devrais adopter une approche différente et exercer une plus grande influence à l'intérieur de l'équipe.

Mais pour vous, il y aura d'abord une longue pause jusqu'en mars. Assez de temps pour profiter de la période des fêtes. Murat Yakin prend-il des résolutions pour la nouvelle année?
Sur le plan professionnel, ce sont plutôt des objectifs que je définis jusqu'à la prochaine pause internationale. Dans ma vie privée, c'est très clair: je veux aller skier avec mes enfants aussi souvent que possible.

Articles les plus lus