Elle semble assise sur ce petit siège, coincé contre un mur de carrelage blanc, depuis que le bâtiment a été construit. Elle ne dit pas son prénom, et elle a atteint l'âge où on ne le lui demande plus depuis des années. Son foulard est élégant, ses mains sont fines, et les rides de son front disent sans parler par où elle est passée pour en arriver là, à collecter les pièces de 50 tenge (moins de 10 centimes en francs suisses) et à offrir en échange trois feuilles de papier-toilette, sésame nécessaire pour franchir la porte du lieu d'aisance de ce bazar situé dans le nord-est d'Astana. Car non, il n'y a pas de papier dans les toilettes. Et il faut donc l'acheter à l'entrée, en même temps que le droit de passage.
A 50 tenge, le prix n'est pas prohibitif, même pour les Kazakhs, mais il n'est pas question de négocier le nombre de feuilles à disposition. Alors, à l'intérieur des toilettes, à l'abri des regards, voilà le marchandage qui commence, et l'homme venu simplement en coup de vent se soulager laisse volontiers deux feuilles, soit 67% de son pactole, à celui qui a besoin d'un peu plus de temps.
Une fois la petite affaire terminée, et un «Do svidania» poli plus tard à la dame de l'entrée, retour au bazar et aux immenses stands de bidoche à ciel ouvert dans cette partie du «vieil Astana», qui n'a pas encore été atteint par la modernité et, osons le mot, le futurisme, de la «nouvelle Astana», plus au sud, de l'autre côté de l'Ishim, la rivière locale.
Dans cette Astana-là flotte encore l'air d'une certaine idée de l'Union soviétique, laquelle appartient au passé, mais qu'ont vécue beaucoup de citoyens, tout de même. Voilà moins de 40 ans, le Kazakhstan était l'une des républiques de l'URSS, et elle était célèbre notamment pour Baïkonour, le lieu d'où partaient (et partent d'ailleurs toujours) les fusées et les missions spatiales.
Aujourd'hui, le Kazakhstan et Astana ont le regard tourné vers l'avenir, et l'économie de marché est une réalité bien maîtrisée, mais il est impossible de tourner complètement le dos à son passé. Astana est une ville remplie de jeunesse, fière de son identité kazakhe, et il est particulièrement stimulant pour le visiteur de constater à quel point cette ville vit et bouge, tout en cultivant ce qui fait son identité, au carrefour de plusieurs influences, russes, chinoises et musulmanes notamment, jusque dans l'architecture et la nourriture.
La paire de chaussures neuves se négocie à 8 francs au marché
Ainsi, partout à Astana, de part et d'autre de l'Ishim, fleurissent les drapeaux kazakhs et les références multiples aux immenses steppes, aux nomades et aux sports traditionnels, notamment les arts martiaux et la lutte, très populaires ici. A quelques minutes à pied de la partie «ex-communiste», où il est possible d'acheter des chaussures neuves au marché pour 8 francs suisses et où la boulette de viande grillée sur place et à manger de suite se marchande à 50 centimes, s'élèvent de rutilants buildings abritant des banques, des fonds d'investissement et des bureaux de trading où l'argent coule à flots.
Deux côtés de la rivière, deux réalités pas forcément opposées
Dans la «nouvelle Astana», difficile, pour ne pas dire impossible, de croiser l'une de ces touchantes grands-mamans grillant des épis de maïs pour compléter leur retraite étatique, et pas plus de vendeurs ambulants proposant des produits depuis le coffre de leur voiture. Ces deux réalités ne se côtoient pas vraiment, vu qu'elles sont séparées par la rivière, mais elles ne s'ignorent pas non plus complètement, et, quelque part, sont sans doute un peu complémentaires.
Astana et ses bâtiments flambant neufs, donc, dont ces hôtels de luxe autour de la Bayterek, cette magnifique tour érigée en 2002 et qui sert de point d'observation. Ce monument, d'une beauté épatante, sert en quelque sorte de point de rassemblement et, si la Bayterek n'a pas connu le communisme, elle en symbolise tout de même un aspect puisqu'elle se situe au coeur de l'une de ces fameuses «perspectives», ces grands boulevards tout au long desquels se trouvent plusieurs points d'intérêt, lesquels semblent tous proches les uns des autres, mais se trouvent en réalité fort éloignés.
Tout est proche en apparence, tout est loin en réalité
Ainsi, le palais présidentiel trône au bout de cette «perspective», tandis qu'en face, très loin, mais tout près en apparence, se trouve le Khan Shatyr, un centre commercial très étonnant en forme de tente de nomade et au sommet duquel se trouve un... parc aquatique!
Astana est vraiment une ville étonnante, parsemée ça et là de monuments d'une beauté à couper le souffle et vraiment atypiques. Chacune des mosquées vaut d'ailleurs une visite particulière, tant elles sont des oeuvres d'art à elles toutes seules, avec des différences subtiles entre elles.
Les supporters du Lausanne-Sport, qui devraient être une petite cinquantaine à faire le déplacement (dix heures d'avion avec escale à Varsovie, Vienne ou Istanbul), ont de quoi être dépaysés, c'est sûr, dans une ville ultra-accueillante où l'hospitalité kazakhe, maintes fois vantée, est une réalité éprouvée.
Un sens de l'accueil très développé
Ici, les gens parlent kazakh ou russe, mais tiennent absolument à aider le visiteur de passage, soit en allemand, une langue historiquement assez présente pour des raisons sur lesquelles on passera en vitesse, soit en anglais, que la jeune génération maîtrise bien, et les smartphones sont désormais là pour aider. La ville ne possède pas (encore?) de métro, mais le réseau des bus est très dense, majoritairement électrique d'ailleurs (tant pis pour les amateurs de vieux autobus soviétiques...) et Astana possède de nombreuses pistes cyclables, que l'on devine aisément plus fréquentées aujourd'hui qu'en hiver.
Car oui, si la température est agréable à Astana en ce mois d'août (un petit 20 degrés), le temps est changeant, et la pluie arrive vite, sans prévenir. Les pêcheurs sont d'ailleurs de sortie sur l'Ishim, signe que l'été est là, mais il existe tout de même des indices pour indiquer qu'il ne dure pas toute l'année et que les températures peuvent descendre jusqu'à -30 ou 40 l'hiver, ce qui fait d'Astana la deuxième capitale la plus froide du monde (3,5 de moyenne annuelle) derrière Oulan-Bator, sa voisine mongole, encore plus à l'est, mais pas plus au nord (Nuuk est encore devant, mais le Groenland fait officiellement partie du Danemark).
Déjà, première particularité, des panneaux posés tout au long de l'Ishim préviennent qu'il est interdit de marcher sur la glace, ce qui n'est quand même pas le cas de toutes les rivières que l'on a croisé dans notre vie.
Deuxième particularité du centre-ville d'Astana, les très nombreux sapins, y compris à proximité de Bayterek, qui rappellent au visiteur que celui-ci se trouve bien au Kazakhstan, pas trop loin de la Sibérie, plutôt qu'à Miami ou Palm Beach, s'il y avait un doute à ce sujet...
Oui, Astana est à l'est, rappel utile (alignée avec Islamabad et Mumbai plus au sud), et, en été, la capitale du pays vit avec trois heures d'avance par rapport à Lausanne. Les Kazakhs aiment en général beaucoup le football, mais les matches en direct ne sont pas simples à suivre, notamment en Champions League, avec ces coups d'envoi à 21h à Paris, Milan et Madrid, soit minuit à Astana. Les enfants sont déjà au lit depuis longtemps, ce qui ne les empêche pas de porter les maillots d'Antoine Griezmann, Eddie Nketiah et Jude Bellingham, pour ne citer que quelques exemplaires croisés ce mercredi.
En se promenant un peu à Astana, voire même beaucoup, il est d'ailleurs frappant de constater à quel point le sport est présent, et ce dans des proportions considérables. Impossible de faire 500 mètres sans croiser un terrain de mini-football, rempli d'enfants un mercredi matin à 11h, une piscine, ou une salle dédiée aux sports de combat (karaté, lutte, judo), par exemple.
Football, hockey et cyclisme d'élite
Et, bien sûr, en arrivant dans la zone dédiée aux sports d'élite, sur la route de l'aéroport, se dressent plusieurs enceintes majestueuses, dont l'Astana Arena qui plaît beaucoup aux joueurs du LS, mais aussi la patinoire du Barys Astana, club de hockey évoluant en KHL, ou le vélodrome cher aux cyclistes de l'équipe dont la renommée a été assurée par un certain Alexandre Vinokourov. Une certitude, et une évidence: Astana est une ville de sport, dans chaque recoin.
Voilà une partie de ce qu'ont découvert les supporters du Lausanne-Sport cette semaine, et chacun se sera fait sa propre idée au fil du voyage, deux semaines après avoir découvert Skopje et la Macédoine du Nord, là aussi une ville au carrefour des cultures. Une chose est sûre et le constat saute aux yeux dans chaque rue: Astana est une ville en pleine mutation, ce que reflètent ses multiples changements de statut et de noms. Devenue capitale du Kazakhstan en 1998, Astana s'est ensuite appelée Nur-Sultan, du nom de l'ancien président, avant de redevenir Astana en 2022, un nom qui signifie tout simplement «capitale» et qu'elle ne portait pas avant, s'étant appelée successivement Akmola et Tselinograd.
Merci L'Equipe, merci le football
Les amateurs de football friands de nouveaux horizons ne pourront jamais assez remercier Gabriel Hanot, le journaliste de L'Equipe, lequel a lancé l'idée de voir les clubs européens s'affronter au sortir de la deuxième Guerre mondiale. De sa volonté sont nées les différentes compétitions qui voient se défier aujourd'hui les équipes de plus de 50 pays, de l'Angleterre à Saint-Marin, et c'est grâce au Français que jeudi, au Kazakhstan, se retrouveront le FK Astana et le Lausanne-Sport. Grâces en soient rendues à cet homme, jusqu'à la nuit des temps, tant des générations d'amateurs de football ont appris la géographie et ont élargi leur horizon grâce à son idée visionnaire.
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