La chronique de Thaïs Hurni
Le foot, ce n'est plus une histoire de filles ou de garçons

Le football, ce n'est plus une histoire de filles ou de garçons, assure notre chroniqueuse Thaïs Hurni. La Nati a fait tomber cette barrière.
Publié: 21.07.2025 à 19:57 heures
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Dernière mise à jour: 21.07.2025 à 20:15 heures
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Smilla Vallotto et les Suissesses ont conquis le coeur du public cet été. De quoi réjouir Thaïs Hurni.
Photo: AFP
Thaïs Hurni

Franchement, qui y croyait avant le tournoi? Pas grand monde, soyons honnêtes, même après le dernier match de préparation contre la République Tchèque (4-1). Et pourtant, trois semaines plus tard, ce quart de finale perdu face à l'Espagne, je le vois comme une immense victoire. Parce que ce qu’elles ont décroché, ce n’est pas une place dans le dernier carré. C’est mille fois plus. C’est du respect, de l’amour et une place dans le cœur des Suisses. Quand je me retourne sur ce mois fou, je pense à ce stade de Berne, vendredi, tout rouge et blanc, à ces enfants en maillot Lia Wälti, à ces grands types avec le nom de Géraldine Reuteler dans le dos. Et je me dis: on y est. Enfin. Le foot féminin suisse a franchi un palier. On a arrêté de parler de ces joueuses comme de « l’équipe féminine ». On a parlé de la Nati. Point. Et ça, je trouve ça immense.

Ce n'est plus une histoire de filles ou de garçons

Samedi matin, j’ai pris mon vélo, direction le centre de Berne. J’avais enfilé mon maillot jaune fluo – celui de Livia Peng. Je me rendais sur la Place fédérale, où les gens sont venus applaudir les filles sous la pluie. Et franchement, voir autant de monde malgré le temps, c’était la plus belle des récompenses. Sur le chemin, j’ai croisé une famille à l’arrêt de bus. Le petit garçon m’a vue arriver. Il a eu un sourire énorme. Puis il a serré le poing, dans un geste de soutien, comme un vrai fan de la Nati. J’ai répondu, évidemment. Il a crié « Hop Suisse! » Et j’ai senti ce truc très fort : on avait touché quelque chose. Ce n’est plus une histoire de filles ou de garçons. Si ce gamin peut s’identifier aux joueuses, alors tout ça aura valu mille fois la peine.

Une seule seconde d'inattention et c'est fini

Contre l’Espagne, on a tenu. Longtemps. Compactes, disciplinées, organisées. On savait qu’il faudrait résister. Et on l’a fait, avec bravoure. Mais voilà, il a suffi d’un éclair de génie d'Aitana Bonmatí, d’un petit moment d’inattention. Une seule seconde. Et tout a basculé. Le deuxième but a été une claque, c’est vrai. Défendre, courir, tenir, encore et encore… Ça use. Et quand tu cours après le ballon pendant 70 minutes, tu sais que revenir est presque mission impossible. Mais je garde autre chose que la défaite. Je garde cette image d’une équipe qui n’a jamais baissé la tête. Qui a tout donné. Et qui a rendu tout un stade fier. On aurait voulu revoir cette équipe un match de plus, c'est vrai... Mais ce qu’elles ont offert est bien plus grand que ça.

Et au milieu de ce quart de finale, il y a elle. Livia Peng. Avant le tournoi, ce n’était pas elle la numéro une. Puis elle a eu sa chance. Et elle l’a saisie avec une force incroyable. Quatre matchs. Quatre performances de très haut niveau. Des arrêts décisifs, du sang-froid, une lecture du jeu bluffante. Contre l’Espagne, elle a sauvé l’équipe. Plusieurs fois. Elle a dégagé quand il fallait, temporisé quand c’était juste. Elle a grandi à une vitesse folle, et moi je l’ai vue devenir une gardienne de classe internationale. Une patronne. J’en parlais tout à l’heure: mon maillot fluo, c’est le sien. Et je le porte avec fierté. Parce qu’elle symbolise tout: l’éclosion, la prise de risque, et la réussite au bout.

Cette équipe, on va la revoir très vite!

Ce tournoi, c’est peut-être une fin. Mais surtout un début. Je crois qu’on le sent tous, là, au fond. Ce groupe a planté une graine. Et ce serait une erreur de croire que tout est acquis. Non, il faudra continuer. Travailler, s’améliorer, se battre encore. Mais si la jeunesse continue sur cette voie, alors je suis convaincue qu’on reverra très vite cette équipe et qu'on vibrera avec elle dans des matches à élimination directe. Parce que cette génération a du talent. De l’envie. Et maintenant, elle a un public. Un vrai. Je suis fière d’elles. Et j’ai déjà hâte de voir ce qu’elles nous réservent.

Ancienne internationale suisse, Thaïs Hurni intervient tout au long de la compétition pour Blick  

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