La marche était trop haute. Vendredi, malgré tous leurs efforts et le soutien sans faille du public, les Suissesses n’ont pas réussi à faire tomber les championnes du monde espagnoles en quarts de finale de l’Euro (2-0). Il n’y a pas de regrets, elles ont tout donné et peuvent être extrêmement fières de leur tournoi. Elles ont offert une leçon d’humanité: le plus important n’est pas forcément de gagner. Un constat vraiment peu évident dans notre société actuelle, et encore moins dans le monde du football. Coeur, confiance, courage, détermination, travail, bonne humeur et joie de vivre sont les valeurs qui priment. La sélection nationale l’a prouvé en ralliant les gens à sa cause, malgré les mauvaises langues, les critiques, les difficultés. Après l’élimination, les gens sont restés dans le stade pour remercier Lia Wälti et ses coéquipières pour cette leçon de vie qu’elles nous ont donnée.
«Des fois on fait des erreurs. Mais ensemble on est plus forts.» Les mots de Pia Sundhage, samedi lors du «Merci Event» entre la Nati et leurs fans, résument bien les valeurs qui ont guidé les Suissesses durant ce Championnat d’Europe 2025. Malgré la pluie et l’annonce tardive de la manifestation, la Place fédérale était très bien remplie pour saluer ses championnes. Communion, larmes, ovations, sourire, pas de danses: les ingrédients du «magic summer», selon les termes du président de l’ASF Dominique Blanc, ont réussi à chasser les nuages. L’entraîneure a même laissé entendre ses talents vocaux sous les applaudissements de l’assistance. Des lendemains qui chantent pour le football féminin, avec ou sans la Suédoise comme cheffe d’orchestre.
«The future is bright», a confirmé Smilla Vallotto vendredi au terme du quart de finale. Noemi Ivelj, Iman Beney, Sydney Schertenleib et Leila Wandeler ont toutes les quatre foulé la pelouse du Wankdorf vendredi et elles ont moins de 20 ans. De même que Lia Kamber, Naomi Luyet, Leela Egli et Noémie Potier, qui ont participé à une partie du camp de préparation. D’autres, comme les Genevoises Amina Muratovic et Chiara Wallin devraient tout bientôt pouvoir prétendre à une place en sélection nationale. De bon augure dans la perspective d’une qualification pour la Coupe du monde au Brésil en 2027.
Quelque chose a changé
L’expérience acquise durant ce tournoi sera très précieuse pour les futurs piliers de la Nati. «En jouant contre les meilleures joueuses du monde, j’ai beaucoup appris, affirme Vallotto. Je n’ai que 21 ans et j’espère qu’un jour je pourrais aussi avoir ce niveau.» Pour continuer sa progression, la Genevoise, déjà un élément essentiel de la sélection, va rejoindre Wolfsburg, tandis qu’Iman Beney portera les couleurs de Manchester City, Ivelj celles de Francfort, Luyet évoluera à Hoffenheim et Wandeler a toutes les cartes en main pour intégrer la première équipe de l’Olympique lyonnais. Les jeunes Suissesses ont faim et veulent franchir un palier.
L’appétit vient en mangeant et les Suissesses ont énormément progressé depuis la relégation en deuxième division de la Ligue des nations. «Mentalement, on est devenues de plus en plus soudées, explique Wandeler après le duel face à la Roja. On sentait avant le match dans le vestiaire, même si on affrontait l’Espagne, qu’on avait une équipe en confiance. Toutes les filles y croyaient à 100%. À ce niveau, il y a quelque chose qui a changé durant ce tournoi.» C’est vrai, qu’est-ce qu’elle paraît bien loin cette affreuse défaite subie en Hongrie au début du mois de juin de l’année dernière dans le cadre des éliminatoires pour l’Euro (1-0).
«Cela fait vraiment chaud au coeur»
Au niveau sportif, il y a de quoi être optimiste. Mais combien seront-ils à soutenir la Nati pour leurs prochains matches? «J’espère qu’il y aura au moins 20’000 personnes, répond Smilla Vallotto. Il y avait près de 30’000 personnes dans le stade, mais il y avait aussi plein de gens dans les fan zones à Berne, Zurich et Genève notamment. On a tout fait pour mettre le football féminin sur la carte et pour motiver les gens à nous soutenir.» Des espérances réalistes. En novembre dernier, 17'306 personnes étaient au Letzigrund pour le match amical face à l'Allemagne. Elles étaient 14'370 le mois précédent contre l'Australie, et 10'800 pour la victoire de la Nati le 29 octobre dernier au Stade de Genève. Tout cela, avant que la magie de l'Euro n'opère.
En sentant le public derrière elles, les Suissesses se sont surpassées. Cette expérience leur a donné des ailes et elles ne comptent pas en rester là. «Je ne m'attendais pas à voir autant de monde pour suivre du foot féminin, avoue la milieu de terrain genevoise. Cela fait vraiment chaud au cœur. Et cela me motive encore plus.» «Faire partie du futur de ce pays, cela me rend juste trop fière», ajoute la Fribourgeoise de l’OL.
Pour continuer à avoir l’adhésion du public, il faudra que les footballeuses helvétiques se souviennent d’où elles viennent et des ingrédients qui ont fait la recette de ce succès. «Nous avons lutté pendant des années pour être là aujourd’hui. Nous voulions allumer la flamme du football féminin. Nous y sommes parvenues et c'est en partie grâce à vous, a déclaré Lia Wälti aux gens présents sur la Place fédérale samedi. La Suisse a enfin sauté dans le train. Merci infiniment.» À la jeunesse dorée helvétique de rester sur ces bons rails et de transmettre cette voie aux générations futures afin de continuer à faire rêver les Suissesses et les Suisses.