Ce n’est pas le vol en lui-même qui choque. Ni même la destination, quoique discutable. C’est l’incroyable incapacité de Céline Vara à anticiper le feu qu’allait allumer ce billet pour Oman. Sa manière de souffler ensuite sur les braises en jouant les victimes d’un lynchage médiatique sexiste laisse pantois. «Un coup bas médiatique et politique», se plaint-elle dans l’interview qu’elle a accordée à «Arcinfo».
Il fallait pourtant être bien déconnectée du paysage politique suisse, des enjeux climatiques globaux, pour imaginer qu’un voyage en avion long-courrier, dans une pétromonarchie peu sensible aux droits des femmes, passerait crème. Encore moins quand on s’est construite sur une image d’exemplarité écologique. Que celle qui, en 2019, critiquait un vol du gouvernement fribourgeois, ne voit aucune contradiction dans ses propres choix, dit tout du décalage et dessine les traits d’une personnalité littéralement hors sol.
Le paravent féministe
Au lieu de reconnaître un manque de lucidité ou d’assumer une erreur de jugement, la future conseillère d’Etat préfère brandir la carte de «l’instrumentalisation de sa vie privée», évoquer une campagne de haine et glisser, sans finesse, une dénonciation d’un «double standard» sexiste. Et c’est là que la défense de Madame Vara devient franchement malhonnête et un affront aux luttes féministes.
Instrumentaliser la cause féministe pour justifier son absence totale de vista politique est indécent. Evidemment que les femmes sont encore plus souvent scrutées que les hommes en politique. Mais l’escapade balnéaire n’est pas devenue polémique en raison de son genre. Mais bien parce que lorsqu’on est une figure de proue des Vert-e-s, qu’on a bâti sa légitimité sur la lutte climatique et qu’on s’apprête à gouverner, on ne prend pas l’avion pour aller caresser des tortues en famille sans en prévoir les retombées. Ou alors, on manque cruellement de flair – voire de respect pour l’intelligence, de celles et ceux qui l’ont élue.
«Ça fait deux ans que j’en parle autour de moi», se justifie-t-elle. Et personne dans l’entourage de celle qui a été sénatrice pour lui dire que sa destination était peut-être en dissonance avec les idées qu’elle incarne?
Et la maladresse devient une faute politique
Bien sûr que Céline Vara a le droit à l’erreur, à être imparfaite, à être tout simplement humaine. Bien sûr qu’elle a le droit de s’offrir des vacances reposantes avant d’entamer sa législature. Mais ce droit n’éteint pas le devoir de cohérence. Et en se posant en victime d’un double standard, au lieu d’assumer son faux pas, elle transforme une maladresse en faute politique. Et insulte, au passage, celles et ceux qui se battent sincèrement pour la cause féministe, sans s’en servir comme pare-feu quand ils dérapent.
La crédibilité de Céline Vara est restée sur la plage à Oman. À côté des coquilles vides, de ces petites tortues à peine nées, qui ont depuis rejoint l’océan.