Comme d’innombrables personnes, une grande tristesse m’a envahi en apprenant ton départ soudain. La vague d’émotions suscitée par ton décès est rare en politique: messages émus de Lausannoises et Lausannois, hommages unanimes d’élu-e-s de tous les bords politiques, partout en Suisse romande et au-delà. Davantage encore à Lausanne, cette ville que tu auras profondément transformée et symbolisée.
Parmi les souvenirs, il m’est difficile de savoir par où commencer. Peut-être par ceux de la Fête du Bois lors de laquelle les écoliers défilent à Lausanne, où ma maman m’expliquait fièrement qui était ce grand monsieur en tête du cortège. Par ton dernier appel, il y a quelques jours à peine, pour parler de ton soutien à la campagne des élections communales à venir. Ou encore par l’émotion des gérants du café à côté de chez moi, situé à l’emplacement de la maison où tu as grandi. Tout cela au milieu d’une longue vie entièrement dédiée à l’engagement politique.
Daniel Brélaz était d’abord un débatteur hors pair. Documenté, pédagogue et punchy. On se remémore immédiatement ton discours au Conseil national contre l’achat de nouveaux avions de combat. À la tribune, par un raisonnement simple, précis et teinté d’ironie, tu avais méthodiquement démontré l’absurdité des arguments adverses. Un moment comme on en voit (hélas) trop peu en politique.
Un stratège politique
Il était aussi un stratège politique hors pair. En 2002, lors de la votation contre la libéralisation du marché de l’électricité, tu avais réussi –notamment aux côtés de Pierre-Yves Maillard – l’exploit de faire gagner le référendum face à Moritz Leuenberger, alors conseiller fédéral. Une victoire décisive, aujourd’hui trop souvent oubliée. Mais fondatrice pour la transition énergétique auquel tu as tant contribué, à Lausanne comme au niveau Suisse.
A Lausanne, ton bilan à la Municipalité est difficile à résumer. Le M2, projet ambitieux s’il en est, est devenu l’épine dorsale de la mobilité lausannoise. Aux Services industriels, tu as engagé la sortie du nucléaire, développé massivement l’énergie solaire et modernisé l’outil industriel. Tu t’es aussi battu pour préserver le patrimoine naturel et paysager, notamment pour sauver l’Hermitage. Avec le Groupement pour la protection de l'environnement (GPE) et aux côtés d’Anne-Catherine Menétrey-Savary de l'Alternative socialiste verte (ASV), tu avais mené la campagne victorieuse contre les Jeux olympiques d’hiver : en 1988, Lausanne disait Non à une fuite en avant coûteuse et écologiquement absurde.
Au-delà des fonctions, il y avait l’humain. Ta disponibilité sincère, ton attention à la relève, tes conseils toujours avisés. Lors de la campagne sur la sortie du nucléaire, sujet fondateur pour les écologistes, ton engagement a été déterminant pour nous aider à obtenir un Oui dans tous les districts francophones du pays - un fait que peu auront relevé, mais que tu avais évidemment noté.
Et plus récemment, nos échanges sur l’actualité politique lausannoise animée m’ont montré ton ouverture d’esprit, y compris sur des thèmes que tu suivais moins. Après avoir tant vécu en politique, maintenir sa capacité à saisir les évolutions de société est une vraie qualité. Je tâcherai de m’en inspirer.
Nous continuerons les luttes collectives que tu as menées
Nous avons aussi eu des débats publics animés, notamment sur la limitation du nombre de mandats. Or, tu ne m’en as jamais voulu. En politique, c’est une chose suffisamment rare pour être soulignée. L’échange était parfois passionné mais toujours respectueux, souvent ponctué d’un bon mot ou d’une référence subtile, souvent teinté d’humour.
Je garde le souvenir de ta dernière assemblée générale lausannoise, fidèle comme de coutume au premier rang. Tu avais souligné la qualité de notre liste au Conseil communal et, après l’assemblée, m’avait partagé tes pronostics pour l’échéance électorale à venir. La suite appartient désormais à l’histoire.
Nous continuerons les luttes collectives que tu as menées. Pour la sortie du nucléaire. Pour une transition écologique solidaire. Pour les services publics. Pour les droits des animaux. Pour la démocratie. Mes pensées à ta famille, en particulier à Marie-Ange, ton épouse, et à Alexandre, ton fils. Merci pour tout et bon vent, Daniel.