Le Conseil national a décidé d’imposer à l’ensemble des corps de police en Suisse de mentionner systématiquement, dans leurs communiqués de presse, la nationalité des personnes impliquées dans les délits. Cette mesure n’est pas anodine et se présente comme tout sauf «objective». Imposée par la majorité de droite, elle légitime une lecture simpliste et trompeuse qui fait de la nationalité, par nature, la cause supposée de la criminalité.
Pourtant, la criminalité ne s’explique pas par l’origine d’une personne mais par des réalités sociales, économiques et individuelles. Les sciences sociales l’ont démontré depuis des décennies: ce sont la pauvreté, la précarité, les inégalités, les discriminations et les contextes de marginalisation qui favorisent le passage à un acte punissable. Réduire un fait divers à la nationalité de son auteur, c’est non seulement intellectuellement malhonnête, mais aussi politiquement irresponsable. En effet, une corrélation ne fait jamais une causalité!
En imposant cette mention « nationalité », l’État cautionne un raccourci que l’extrême droite instrumentalise systématiquement en érigeant «l’étranger» en symbole du désordre social. Dans un contexte marqué par la montée des extrémismes et la banalisation des discours discriminatoires, il serait irresponsable d’ignorer ce danger et de ne pas chercher à contenir les dérives des rhétoriques institutionnelles. Par ailleurs, l’une des voies pour déconstruire le racisme structurel passe précisément par le langage et par la manière dont nous nommons et représentons les personnes. Or ici, on emprunte le chemin inverse. En effet, on ouvre la porte à des amalgames dangereux en légitimant une lecture qui associe mécaniquement nationalité et criminalité.
Le Conseil des États va prochainement se prononcer sur ce sujet. J’invite cette chambre – réputée pour sa «sagesse» et son sens du compromis – à contrer le vote du Conseil national. Inscrire la nationalité dans les communiqués de police ne sert ni la sécurité, ni à la société. Au contraire, elle installe un climat de suspicion généralisée et affaiblit la cohésion sociale.
Autrement dit, la sécurité et la justice ne se construisent pas sur la diabolisation des personnes étrangères, mais sur l’égalité et la dignité de chacune et chacun. Face à la tentation de l’amalgame, rappelons une vérité fondamentale: un acte criminel définit une personne, jamais une communauté. C’est par le refus des préjugés, par l’analyse des véritables causes de la criminalité et par la lutte contre les inégalités que nous renforcerons notre société – pas en institutionnalisant la stigmatisation.