La chronique de Quentin Mouron
Vaud: les noces de l’indécence et de la bêtise

Le canton de Vaud s’attaque à ses services publics pour compenser les baisses de recettes fiscales. Plus qu’une simple question salariale, il s’agit d’un véritable enjeu de société, analyse l’écrivain Quentin Mouron.
Publié: il y a 58 minutes
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Notre chroniqueur se pose une question en voyant les économies imposées dans le canton de Vaud: quelle société veut-on?
Quentin Mouron
Quentin MouronEcrivain

Le 18 novembre dernier, il y avait 25'000 personnes dans les rues de Lausanne. Le même jour, une grève d’une ampleur rare a mobilisé une large part de la fonction publique. Les syndicats annoncent une nouvelle action les 25 et 26 novembre. Les travailleuses et les travailleurs ne contestent pas seulement la «contribution de crise» prise sur leur salaire brut. Ils et elles disent leur indignation devant la destruction programmée de nos services publics.

Entre 2012 et 2025, le canton a accordé des centaines de millions de francs de baisses d’impôts pour les personnes physiques, principalement au bénéfice des contribuables les plus aisés, et réduit la fiscalité des entreprises. A cela s’ajoute le bouclier fiscal: un rapport commandé par le Conseil d’Etat lui-même a montré qu’il avait été appliqué de manière erronée pendant plus d’une décennie, entraînant des pertes de recettes de plusieurs dizaines de millions par an.

Des économies sur les secteurs déjà en souffrance

Pris ensemble, ces éléments dessinent une trajectoire où l’Etat a sciemment affaibli sa base fiscale, puis invoqué la dégradation de ses comptes pour imposer des économies. Le déficit actuel n’est pas seulement le résultat de facteurs externes ou conjoncturels; il est aussi l’effet cumulatif de choix politiques merdiques, que l’on entend faire payer non seulement aux fonctionnaires, mais encore à l’ensemble de la population. En effet, les économies annoncées touchent en majorité des secteurs où les besoins augmentent: écoles, hôpitaux, services sociaux.

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Que veut-on préserver? Les mécanismes qui limitent la contribution des plus riches ou la capacité des services publics à remplir leur mission?
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Contrairement à ce que dira votre oncle à Noël, entre deux renvois de Sauternes, le problème n’est pas de savoir si «ces fainéants de fonctionnaires sont bien assez payés». Le problème est de savoir si nous voulons d’une société injuste où la majorité la plus pauvre doit nager dans les eaux troubles de services publics défaillants, tandis que la minorité la plus riche a le luxe d’aller se chauffer au soleil de services privés achetés à prix d’or.

Que veut-on préserver? Les mécanismes qui limitent la contribution des plus riches ou la capacité des services publics à remplir leur mission? Malgré les gesticulations séniles de l’exécutif vaudois – porté par une Christelle Luisier qui hésite sans cesse entre la bêtise et l’indécence – le débat ouvert par la grève de novembre ne porte, au fond, que sur ce point précis. Et la question, réduite à son expression la plus simple, est celle-ci: quelle société veut-on? Réponse: pas celle que nous propose le gouvernement vaudois.

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