La chronique de Mauro Poggia
30 km/h: des démocrates à deux vitesses

Dans sa nouvelle chronique, le conseiller aux Etats Mauro Poggia s'en prend aux partisans inconditionnels du 30 km/h et leur vision de la société, de laquelle les véhicules automobiles individuels sont bannis.
Publié: 29.10.2025 à 12:01 heures
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Mauro Poggia s'en prend aux partisans inconditionnels du 30 km/h.
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Mauro Poggia
Mauro PoggiaChroniqueur

Le 3 septembre dernier, le Conseil fédéral, ne faisant en cela que suivre une demande parlementaire impérative, a publié sa révision des ordonnances sur la signalisation routière et sur la protection contre le bruit, par lesquelles la limitation de vitesse à 50 km/h devra être la règle sur les axes routiers principaux. Ce faisant, la tendance que chacun a pu constater, voire déplorer, à généraliser tous azimuts le 30 km/h en localité est ainsi stoppée, au grand dam des villes en mains de majorités dogmatiques, qui avaient multiplié les limitations de ce type, sous prétexte d’améliorer notre qualité de vie.

Ne cherchez pas la date à laquelle vous auriez été consultés sur le sujet, vous ne trouverez pas. Pourquoi aurait-il d’ailleurs fallu le faire puisque nos édiles municipaux omniscients ne veulent que notre bien et ne peuvent donc pas être dans l’erreur? Ces ordonnances, actuellement en consultation, ont immédiatement suscité une levée de boucliers des associations anti-voitures, qui soutiennent politiquement toutes mesures punitives à l’égard des automobilistes, telles les suppressions massives de places de stationnement ou les chicanes à la circulation de tous ordres, afin de les chasser des centre-villes où les commerçants se meurent à petit feu, au profit des centres commerciaux en périphérie. 

Un déni démocratique?

La démocratie, comme le peuple auquel on aime se référer, ne sert à certains que lorsque ses mécanismes permettent d’accéder au pouvoir ou d’imposer leur volonté. Ainsi, la première réaction des milieux favorables à la généralisation du 30 km/h, qui avaient aussi paradoxalement milité contre l’élargissement des autoroutes à trois voies sur les tronçons systématiquement engorgés, incitant les automobilistes à en sortir pour obstruer les routes secondaires, fut de crier au déni démocratique. Allons donc! Ceux-là mêmes qui se sont accommodés de décisions autocratiques condamnant des quartiers entiers à un 30 km/h, que la simple logique n’arrivait pas à saisir, auraient souhaité une loi pour lancer un référendum, et assurer leur propagande.

C’est oublier que la circulation routière relève de la compétence fédérale selon l’article 82 de notre Constitution. Et c’est ainsi que l’article 32 alinéa 1 de la loi sur la circulation routière donne au Conseil fédéral la compétence de limiter la vitesse sur les routes. Il était donc logique que notre exécutif fédéral se saisisse du sujet que les municipalités avaient confisqué à leur profit, précisément en violation de la loi, incarnation par essence de la démocratie. Le Conseil fédéral nous explique avec pertinence qu’il veut notamment empêcher le trafic d’évitement dans les quartiers et prioriser les revêtements phono absorbants avant de songer à réduire la vitesse en localité. 

La volonté populaire? Parlons-en!

A force de nous le répéter, nous avons presque fini par y croire. Nos élus municipaux seraient porteurs d’une volonté populaire avérée en entravant à l’excès notre mobilité. Ces mêmes démocrates de circonstance qui, parfois nuitamment, ont dessiné, comme à Genève, des pistes cyclables aussi larges qu’inutilisées dans le seul but de supprimer une voie de circulation et créer des embouteillages, quand auraient-ils obtenu l’onction de la population?

Mais il y a pire en termes de respect de la volonté populaire. Faut-il rappeler que personne n’a demandé à la population si elle avait changé d’avis depuis mars 2001, lorsque le peuple avait rejeté à près de 80% – et à l’unanimité des cantons – l’initiative bien mal nommée «Rues pour tous»? Depuis lors, cette volonté majoritaire a été confirmée par de nombreux sondages représentatifs. Le dernier en date, réalisé par l’institut YouGov et publié le 8 septembre dernier, montre que 77% de la population est satisfaite de la hiérarchie actuelle des routes en localité, à savoir 50 km/h sur les routes principales, 30 km/h dans les quartiers et 20 km/h dans les zones de rencontre. Le même sondage montre que 68% des Suisses veulent des règles uniformes dans le pays. 

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Les partisans du 30 km/h, nous expliquent que cette limitation serait le remède miracle au bruit et à la pollution dans nos villes
»

Une récente piqure de rappel nous a été donnée à Lugano le 28 septembre dernier. Curieusement, la nouvelle a été peu relayée. Il était question, pour les électeurs de cette commune tessinoise, de se prononcer sur un référendum lancé contre la décision de la municipalité d’élargir les zones 30 km/h existantes et de créer de nouvelles zones 30 et 20 km/h. Ce fut un non massif et clair à plus de 66% des votants. On nous parlait de volonté populaire? 

Une motivation trompeuse et un mobile sournois

Les partisans du 30 km/h, gardiens de notre santé, nous expliquent que cette limitation, qu’ils voudraient généralisée, alors que nous la souhaitons ciblée, serait le remède miracle au bruit et à la pollution dans nos villes. Pour ce qui est de la pollution, un véhicule déterminé roulant à 30 km/h pollue certes moins qu’à 50 km/h, avec toutes les nuances imaginables qui doivent tenir compte de l’âge du véhicule, de son entretien, et de son mode de propulsion. Cependant, encore faudrait-il que la circulation soit fluide. Or, ces mêmes partisans multiplient les chicanes qui obligent à s’arrêter et à redémarrer, ce qui aggrave les émissions de gaz et les embouteillages. Quant au bruit, la voie préconisée par le Conseil fédéral qui est d’accroître les revêtements phono absorbants est certainement la meilleure, car, une fois encore, avec la multiplication des feux et des obstacles, les véhicules freinent et redémarrent, avec le bruit qui en découle forcément. 

La motivation réelle des adeptes inconditionnels du 30 km/h généralisé n’est donc pas de rechercher des solutions pragmatiques qui tiennent compte des réalités locales et de la volonté de la population, mais biens d’imposer leur vision de la société, de laquelle les véhicules automobiles individuels sont bannis. Ces faux démocrates, convaincus de détenir la vérité et de mener un combat pour notre Bien ont volontairement oublié que la démocratie se construit dans le débat et la nuance, et non dans le dogmatisme et la stigmatisation.

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