La chronique de Quentin Mouron
A Berne, des faux-culs paradent pour le respect du droit humanitaire

Les partis se sont unis pour exiger le respect du droit humanitaire à Gaza. Parmi les signataires, certains avaient voté contre la reconnaissance d’un Etat palestinien. D’autres avaient refusé de sanctionner Israël. Des hypocrites, selon l’écrivain Quentin Mouron.
Publié: 12:29 heures
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Quentin Mouron dénonce certains élus qui soutiennent l’aide à Gaza après avoir refusé la reconnaissance de la Palestine.
Quentin Mouron
Quentin MouronEcrivain

Une flottille humanitaire se rapproche de Gaza et la Suisse fait naufrage. Loin de suivre la voie ouverte par la majorité des nations du monde, les autorités fédérales ont préféré assumer leurs positions anti-palestiniennes. Notre pays se situe désormais dans un axe qui inclut l’Allemagne, l’Italie et l’Autriche, et une poignée de petits États autocratiques.

Le refus du Conseil fédéral s’autorise très largement des décisions prises par les chambres législatives. Le Conseil des États a dit sèchement non à la reconnaissance de l’État de Palestine, tandis que le Conseil national a fermé la porte à d’éventuelles sanctions économiques. Effrayés à l’idée de voir se réduire le volume des échanges commerciaux entre la Suisse et Israël, les députés de droite ont entièrement repris à leur compte le narratif israélien.

Pourtant, derrière ce narratif, il y a des ruines, il y a des corps. Israël continue de tuer des dizaines de Palestiniennes et de Palestiniens par jour (soit deux fois le nombre d’otages actuellement entre les mains du Hamas). Tout manque. La famine se propage. Les maladies aussi. Le terme de génocide fait désormais l’objet d’un consensus si large (y compris chez plusieurs rapporteurs spéciaux de l’ONU), qu’on ne peut plus le nier qu’en cédant à toutes les acrobaties du complotisme ou de la mauvaise foi.

Pour répondre à cette urgence, il s’est créé à Berne un comité composé de représentantes et de représentants de tous les principaux partis politiques. Ils exigent que le gouvernement israélien cesse de bloquer l’aide humanitaire, et permette un acheminement «rapide» et «sans entrave». Parmi les signataires, Pascal Broulis, qui a refusé de reconnaître la Palestine, et Céline Amaudruz, qui a rejeté toute sanction contre Israël.

Transformer un problème politique en une simple question humanitaire

C’est dire que les députés se sont sciemment privés de tous les outils qui leur auraient permis de faire pression sur Israël. Dès lors, il ne s’agit que de mots creux, sous la forme d’une motion rédigée dans toutes les langues. Nos partenaires israéliens s’empresseront de se torcher avec, et il n’est pas exclu que l’ambassadeur vienne faire un peu de chantage à l’antisémitisme à la télévision.

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Les élus de droite qui feignent soudainement de se préoccuper des civils palestiniens sont une bande de faux-culs!
»

Cette initiative dit la volonté de transformer un problème politique en une simple question humanitaire. Les Gazaouies et les Gazaouis sont ainsi traités comme les victimes d’une catastrophe naturelle, qui n’auraient besoin que de nourriture et de médicaments, et non de perspectives politiques et de justice. Comme l’écrit Hannah Arendt: «La pitié pour les souffrances ne saurait jamais remplacer la justice.»

Certes, cette initiative dit aussi que des lignes bougent. Non seulement dans la compréhension de ce qui se joue à Gaza, mais aussi dans la distribution des responsabilités. Elle dit aussi que, partout, on commence à comprendre qu’un jour les auteurs de ce génocide seront jugés, et que leurs complices auront des comptes à rendre. Mais, tout de même: les élus de droite qui feignent soudainement de se préoccuper des civils palestiniens sont une bande de faux-culs!

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