20% de coupe budgétaire
La Confédération va faire des économies sur le dos de Jeunesse+Sport

L'OFSPO ne peut pas aller dans deux directions opposées en même temps. Alors que l'Euro féminin 2025 doit inciter des milliers de jeunes filles à jouer au football, la Confédération supprime des fonds pour Jeunesse+Sport.
Publié: 29.06.2025 à 19:03 heures
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J+S soutient la promotion de l'activité physique chez les jeunes à grande échelle.
Photo: Keystone
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Lino Schaeren

C'est un véritable tacle à la gorge du sport de masse en Suisse. A partir de 2026, la Confédération réduira de 20% les contributions au programme d'encouragement Jeunesse+Sport (J+S). A quelques jours de l'Euro 2025, cette décision vient à l'encontre de la volonté d'inciter les filles à jouer au football – et plus généralement les jeunes à faire du sport.

Les fédérations, les clubs, les entraîneurs et les travailleurs de la jeunesse sont consternés. L'Office fédéral du sport (OFSPO) rogne sur son programme le plus réussi: l'an dernier, 680'000 enfants et jeunes ont participé à 41,5 millions d'heures de cours J+S et 1,8 million de journées de camp – un chiffre jamais atteint auparavant.

La pilule a du mal à passer. Après tout, J+S répond ainsi à une préoccupation politique et sociale centrale: permettre aux enfants de se défouler davantage en extérieur plutôt que de rester avachis devant leur téléphone portable ou leur console.

Victime de son propre succès?

Mais la Confédération préfère prendre le marteau des économies, avec l'étrange justification que Jeunesse+Sport est victime de son propre succès. Comme de plus en plus d'enfants et de jeunes participent aux offres J+S, le budget de 115 millions de francs est épuisé. Pour pouvoir continuer à verser les subventions actuelles, il faudrait augmenter les contributions d'environ 20 millions pour les années à venir. Mais la Confédération ne peut pas se le permettre vu la situation financière tendue.

Au vu de la débâcle des F-35, qui va coûter des milliards au Département de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS), cette argumentation semble cynique, voire grotesque. Alors que des milliards de coûts supplémentaires menacent l'armée, quelques millions supplémentaires pour la promotion de l'activité physique de centaines de milliers d'enfants et de jeunes ne sont pas envisageables. Les coupes dans J+S s'inscrivent dans l'héritage de plus en plus douteux laissé par l'ancienne cheffe du DDPS Viola Amherd.

Pourquoi les enfants devraient en payer le prix?

Les annonces visant ce programme coïncident avec le fiasco à plusieurs milliards qu'est l'acquisition d'avions de combat. Un hasard dommageable pour le DDPS. D'autant plus quand on sait que dans le sport de masse, on peut obtenir un grand effet avec des moyens relativement modestes. Si la Confédération n'en profite pas, ce sont les enfants qui en pâtiront.

«
C'est justement en période difficile que nous devrions nous rappeler que la jeunesse est notre avenir
Adolf Ogi, ancien conseiller fédéral UDC
»

Certes, les réductions ne devraient pas menacer l'existence des clubs, mais les cotisations risques d'augmenter. Et cela pourrait empêcher les familles ayant des revenus limités d'inscrire leurs enfants dans un club. Cela serait injuste. Des études montrent que les personnes qui font beaucoup d'exercice dans leur enfance restent souvent actives sur le plan sportif à l'âge adulte.

Une cause qui unit l'UDC et le PS

Adolf Ogi a toujours souligné l'importance de l'activité physique pour le développement social et sanitaire des jeunes. L'une de ses devises: «Le sport est la meilleure école de vie.» Le ministre des Sports des années 1996 à 2000 réitère son conseil lors d'un entretien portant sur les coupes budgétaires de J+S: «C'est justement en période difficile que nous devrions nous rappeler que la jeunesse est notre avenir», déclare Adolf Ogi.

Face à ces coupes budgétaires, la conseillère nationale socialiste Andrea Zryd considère Adolf Ogi (UDC) comme un allié: «Le sport ne connaît pas de carte de parti», explique-t-elle. Andrea Zryd est entraîneuse d'athlétisme et habite à Macolin (BBE , la patrie de l'Office fédéral du sport. Les coupes budgétaires la révoltent. Dans la perspective de l'Euro féminin, cette décision est «absolument ridicule».

Selon Andrea Zryd, les grands événements sont une chance énorme pour le pays hôte de promouvoir le sport de masse. La prochaine occasion de le faire ne se fera pas attendre longtemps après le championnat d'Europe féminin. En 2026, la Suisse accueillera les championnats du monde de hockey sur glace. «Au lieu d'en profiter, la Confédération torpille le sport de masse», critique Andrea Zryd.

L'exemple de l'Euro 2008

La politique J+S actuelle est en contradiction avec celle appliquée lors du dernier grand événement sportif dans le pays, le championnat d'Europe de football masculin en 2008 en Suisse et en Autriche. Le chef J+S de l'époque, Martin Jeker, a habilement profité de l'Euro pour développer massivement le programme de promotion.

En 2009, J+S a introduit la branche «Kids», qui permet aux enfants de 5 à 10 ans de profiter aussi de ses offres. Au plus fort de l'euphorie footballistique, le soutien financier des entraînements polysportifs pour les plus jeunes a été mis en place. Martin Jeker se souvient: «L'Euro 08 n'avait certes rien à voir avec J+S Kids, mais il a été un élément déclencheur. Nous l'avons utilisé comme rampe de lancement.»

Le Parlement peut encore corriger le tir

Dix-sept ans plus tard, on ne sent pas un élan comparable. Certes, la contribution fédérale pour le championnat d'Europe féminin a été augmentée, sous la pression du Parlement, à 15 millions. Mais pour l'Euro masculin de 2008, la Confédération avait encore débloqué 80 millions.

Et l'OFSPO souligne que l'Euro sera utilisé pour promouvoir le sport de manière ciblée. Mais on en reste à des montants uniques pour la recherche ou le tourisme. Andrea Zryd: «Un financement de départ éphémère, ce n'est pas durable.»

Les coupes Jeunesse+Sport ne sont pas encore définitivement décidées. Dans le cadre du débat sur le budget, le Parlement peut intervenir en décembre pour corriger le tir. Le travail de lobbying des fédérations et des politiciens sportifs comme Andrea Zryd a commencé.

Une pétition compte déjà 125'000 signatures

La pression de la population s'accroît également: une pétition contre le plan d'austérité a recueilli plus de 125'000 signataires samedi soir. Elle a été lancée par Sven Brändle, un animateur de 20 ans dans une jeunesse ecclésiastique de Pfäffikon (ZH).

L'opposition croissante le montre: J+S est depuis longtemps plus qu'une relique de l'entraînement à la défense. Ce qui a commencé en 1972 comme un programme de préparation à l'école de recrues est aujourd'hui un pilier de l'intégration, de la formation sociale et de l'égalité des chances dans le sport suisse. Faire des économies dans ce domaine est une faute. Une faute contre la jeunesse suisse.

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