La question de la dette hante François Bayrou depuis qu'il l'a mise au cœur de sa campagne présidentielle en 2007. Devenu Premier ministre dix-sept ans plus tard, il lui incombe de trouver les moyens de la réduire, sous la pression, alors qu'elle a atteint des sommets.
Tel le maçon au pied du mur, la présentation de son plan de redressement des finances publiques mardi sera son heure de vérité. «La dette est notre ennemie», clamait le candidat François Bayrou le 3 avril 2007, en proposant de la stabiliser «en trois ans» et d'inscrire dans la Constitution l'interdiction pour tout gouvernement de présenter un budget en déficit.
«Je veux stopper cette lente et sourde dégradation de nos finances publiques. (...) Mon programme est entièrement financé», assurait-il, en promettant de «dire la vérité» et faire en sorte que l'État «montre l'exemple».
La France en déficit
Rebelote pour sa troisième campagne en 2012 (après celles de 2002 et 2007). Il promet qu'en 2016 «la France ne sera plus en déficit», grâce à un «plan» de «diminution des dépenses publiques et d'augmentation des recettes».
Las, la dette de la France a poursuivi son inexorable progression pour atteindre fin mars 114% du produit intérieur brut (PIB), alors qu'elle n'en pesait que 65,5% fin 2007. Quant au déficit, le pire de la zone euro l'an dernier, à 5,8% du PIB, François Bayrou entend toujours le ramener sous le plafond européen de 3% à l'horizon 2029, en tenant les objectifs de 5,4% en 2025 et 4,6% en 2026.
«Il est complètement fou»
Lors de sa passation de pouvoir avec Michel Barnier, le patron du MoDem avait rappelé avoir «pris des risques inconsidérés dans (sa) vie politique pour poser» cette question des finances publiques. «Et tout le monde disait 'il est complètement fou, on fait pas une campagne sur la dette'», avait-il souri.
Après avoir alerté depuis tant d'années, «s'il ne propose pas quelque chose de vraiment massif, il aura lui-même participé à ne pas pouvoir atteindre la barre qu'il s'est fixée», met en garde un ancien ministre. François Bayrou a redit jeudi sur LCI vouloir sortir le pays du «piège mortel» de la dette mais sans donner beaucoup d'indices. «Bayrou il prend tout, mais personne ne sait ce qu'il va retenir», confie un de ses interlocuteurs. Il réunit les ministres concernés samedi matin à 11H00 à Matignon.
Le RN a les cartes en main
Au vu des contraintes qui pèsent sur ce budget, comme l'effort de défense ou les droits de douane américains, et des menaces intérieures de censure parce qu'il n'a pas de majorité à l'Assemblée nationale, le chef du gouvernement s'est préparé au risque d'un départ prématuré. A 74 ans, il s'agirait toutefois de sortir la tête haute, à l'image d'un lointain prédécesseur, Pierre Mendès France, qui «n'est resté que 8 mois» et dont «on parle encore», fait remarquer l'intéressé.
A moins que François Bayrou ne choisisse de discuter avec les groupes susceptibles de le faire tomber. Son sort dépend désormais du Rassemblement national depuis l'échec des concertations sur les retraites, dont le lancement lui avait permis d'obtenir la neutralité des socialistes sur le précédent budget.
Il s'est ainsi montré déterminé jeudi à faire aboutir deux chevaux de bataille qui sont aussi ceux du RN: la proportionnelle et une banque de la démocratie destinée à financer les partis politiques.
Censure, ou pas censure?
En mars 2012, François Bayrou proposait, pour réaliser 100 milliards d'euros d'économies, de supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires, de raboter plusieurs niches fiscales et de ne pas augmenter les dépenses publiques pendant 2 ans. Ses soutiens avancent aujourd'hui l'idée d'une «année blanche», soit un gel des dépenses qui toucherait les retraités mais épargnerait la défense, que le président Emmanuel Macron entend soutenir face à «l'aggravation des menaces».
Sur les impôts, le chef du gouvernement a admis jeudi qu'il «peut y avoir ici ou là des efforts particuliers» mais pas de hausse généralisée. Son «équation politique est l'inverse de l'équation budgétaire», qui «pousse au sérieux», relève une ministre. «Comme d'habitude, le budget ne dépendra pas du fond mais de l'intérêt du RN et du PS à censurer», complète un autre ex-membre du gouvernement, qui voit François Bayrou être «d'abord dans un truc sacrificiel» puis «lâcher potentiellement tout».