«Maréchal nous voilà!»
L'organisateur de la messe pro-Pétain se retrouve dans le viseur de la justice

Un rassemblement s'est tenu samedi à Verdun pour rendre hommage à Philippe Pétain, qui avait collaboré avec l'Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale. L'organisateur est accusé de «contestation publique de l'existence de crime contre l'humanité».
Publié: 13:15 heures
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Dernière mise à jour: 13:57 heures
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Jacques Boncompain est le président de l'Association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain.
Photo: AFP
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AFP Agence France-Presse

Deux jours après une messe en hommage à Philippe Pétain, qui engagea la France dans la collaboration avec l'Allemagne nazie, une enquête a été ouverte lundi pour contestation de crime contre l'humanité contre le président de l'association organisatrice.

Surnommé «vainqueur» de la bataille emblématique de Verdun dans l'est de la France en 1916, Philippe Pétain prit en 1940 la tête du régime de Vichy qui collabora avec l'Allemagne nazie. Il a été frappé d'indignité nationale en 1945 et condamné à mort, une peine commuée en prison à vie. Il est mort en détention en 1951.

Jacques Boncompain, président de l'Association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain (ADMP), s'était exprimé à la sortie de l'église de Verdun devant la presse, soutenant notamment que Philippe Pétain avait été «le premier résistant de France».

Thèse contredite par les faits

Dans une vidéo mise en ligne par le journal L'Est républicain, on entend Jacques Boncompain qualifier le chef du régime collaborationniste de Vichy de «plus grand serviteur de la France du XXe siècle». «Il a sauvé, devant témoins je peux le dire, au moins 700'000 juifs», ajoute-t-il. La thèse consistant à dire que Philippe Pétain aurait «protégé les juifs français», est, selon plusieurs historiens, dénuée de tout fondement.

Elle apparaît ultra-minoritaire dans le monde académique. Elle est notamment contredite par l'arrestation avérée d'enfants français lors de la rafle du Vel d'Hiv de 1942 et fait fi du système de ségrégation mis en oeuvre dès 1940 par le régime de Vichy et frappant tout particulièrement les juifs français.

Dans un courriel adressé à l'AFP, la procureure de Verdun, Delphine Moncuit, a indiqué avoir ouvert une enquête contre Jacques Boncompain «et tous autres» pour «contestation publique de l'existence de crime contre l'humanité commis durant la Seconde guerre mondiale».

«Clairement révisionnistes»

L'enquête porte aussi sur la «tenue d'une réunion politique dans un local servant habituellement à l'exercice d'un culte» et vise le prêtre qui a célébré la messe: Gautier Luquin, 31 ans, est mis en cause pour «provocation par ministre du culte à la résistance à l'exécution des lois ou actes de l'autorité publique».

Le préfet de la Meuse, Xavier Delarue, avait annoncé samedi qu'il ferait un signalement au procureur à la suite de propos «clairement révisionnistes» prononcés à cette occasion. Interrogée par l'AFP, la préfecture de la Meuse a précisé lundi qu'un aspect du signalement fait à la justice était «la perspective éventuelle de la dissolution» de l'ADMP, une décision qui relève du ministère de l'Intérieur. L'association ADMP n'était pas joignable lundi dans la matinée pour recueillir sa réaction.

Le maire de Verdun, Samuel Hazard (divers gauche), avait pris un arrêté la semaine dernière pour interdire cet hommage par craintes de «trouble à l'ordre public», mais sa décision a été annulée vendredi par un tribunal administratif.

Zemmour condamné en avril

«Un tout petit nombre» de personnes, «une vingtaine au maximum», a assisté à la messe samedi, selon le préfet. Une centaine de manifestants, dont plusieurs élus en écharpe tricolore, ont manifesté devant l'édifice religieux, surveillé par une vingtaine de policiers et gendarmes. Sous les huées, un militant d'extrême droite, Pierre-Nicolas Nups, a interprété «Maréchal nous voilà», chant à la gloire du chef du régime de Vichy.

Les propos révisionnistes sont passibles d'une peine pouvant aller jusqu'à un an d'emprisonnement et 45'000 euros d'amende. Ils sont définis comme la négation, la minoration ou la banalisation de façon outrancière d'un crime de génocide, de crime de guerre ou de crime contre l'humanité.

Le président du parti d'extrême droite Reconquête!, Eric Zemmour, a été condamné en avril par la cour d'appel de Paris pour contestation de crime contre l'humanité à 10'000 euros d'amende pour avoir déclaré en 2019 que Pétain avait sauvé des juifs français. Il a annoncé un pourvoi en cassation. L'association ADMP n'était pas joignable lundi dans la matinée pour recueillir sa réaction.

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