Perquisitions et accusations
Jordan Bardella est-il le président d'un parti voyou?

Le jeune président du Rassemblement national estime infondées les accusations de malversations financières portées contre son parti, et les perquisitions qui en ont découlé ce mercredi 9 juillet. Le RN est-il injustement accusé?
Publié: 09.07.2025 à 17:31 heures
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Jordan Bardella est le président du Rassemblement national. Il est aussi député européen.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Un parti hors-la-loi. Une formation politique nationale populiste bien plus encline à donner des leçons de gouvernance et de probité qu’à respecter les règles et les lois en vigueur. La longue perquisition policière qui s’est déroulée le mercredi 9 juillet au siège parisien du Rassemblement national fait replonger le premier parti de France dans les affres d’une histoire qu’il aimerait oublier: celle d’une formation longtemps marginalisée, privée d’élus nationaux, et contrainte de jongler pour assurer le train de vie de ses cadres et dirigeants.

L’argent et le RN: le sujet n’a rien de nouveau. Le parti, ne l’oublions pas, est l’héritier du Front national dont son cofondateur Jean-Marie Le Pen (père de Marine Le Pen) avait fait largement une entreprise personnelle. Il faut aussi se souvenir que le FN, pour survivre dans ses périodes de vaches maigres électorales, a souvent emprunté à l’étranger, notamment auprès de banques russes, ou d’établissements financiers des pays d’Europe orientale.

Survie financière

En 2014, la survie financière du parti avait été obtenue par un prêt de 9,14 millions d’euros contracté auprès de la First Czech Russian Bank. Marine Le Pen en personne avait dû s’en expliquer devant la justice, lors d’une audition de quatre heures en 2023, dans le cadre de l’affaire qui lui a valu d’être condamnée, le 31 mars, pour détournement de fonds publics: l’utilisation abusive par le RN, à des fins nationales, de l’argent et des moyens logistiques du Parlement européen.

Pourquoi ce nouveau rebondissement, alors que les juges ont lourdement sanctionné en première instance la cheffe du groupe RN à l’Assemblée nationale, lui interdisant avec effet immédiat de se présenter à toute élection pendant 5 ans (l’appel, accéléré, est prévu début 2026)? Le plus probable est que cette descente de police suit la révélation, par «Le Monde», de nouveaux soupçons d’irrégularités dans l’utilisation de fonds alloués par le Parlement européen. Il s’agirait donc d’une «affaire dans l’affaire». Pour l’heure, 24 personnes/dont Marine Le Pen) et le RN en tant qu’organisation, ont été condamnés pour détournement de fonds publics.

Investigations policières

Les investigations reposent largement autour d’un homme, l’ancien trésorier du RN Wallerand de Saint Just, qui fait partie de ces condamnés. L’homme, issu d’une famille d’aristocrates, avait déjà été condamné en 2023 à six mois avec sursis et une peine d’inéligibilité de deux ans pour «recel d’abus de bien sociaux» en raison d’un montage astucieux, mais illégal, pour financer les législatives de 2012. 

Motif à l’époque selon le RN: toutes les banques françaises sollicitées pour des prêts avaient décliné. Le parti qui compte aujourd’hui 120 députés estime donc que l’élite politico-financière a toujours essayé de l’étouffer, et que ses circuits financiers étaient indispensables pour faire vivre la démocratie.

Dans le cas de la perquisition du 9 juillet, le sujet est beaucoup plus franco-français. Une enquête a été ouverte pour financement illicite des campagnes électorales du parti d’extrême droite en 2022 et 2024. Elle porte principalement sur des prêts de particuliers au parti de Marine Le Pen pour financer sa campagne présidentielle de 2022 et les législatives qui ont suivi ainsi que les européennes de 2024. Plusieurs hommes d’affaires avaient en effet accepté de «dépanner» le parti, qui a depuis remboursé officiellement ces sommes.

Boycott des banques françaises

Des lettres des banques françaises, diffusées par BFM TV, montrent que celles-ci ont boycotté un parti politique pourtant crédité déjà, de plus de 25% des suffrages. Marine Le Pen, pour mémoire, a recueilli 34% des voix au second tour de la présidentielle 2017, et 41,45% en 2022. Or le CIC, BNP Paribas, Crédit Agricole, LCL ont tous refusé de soutenir sa formation. Idem pour la filiale française de la banque suisse UBS.

Jordan Bardella est aujourd’hui à double titre dans le collimateur. D’abord parce que le président du groupe «Patriotes pour l’Europe» au parlement de Strasbourg préside aussi le RN depuis 2021 (Marine le Pen lui a laissé la place). Ensuite parce que «Jordan», comme le surnomment ses supporters, est candidat putatif à la présidentielle française de 2027, déjà crédité par les sondages d’environ 35% des voix. 

Sauf que les enquêtes d’opinion ne sont pas prises en compte par les juges. C’est aux faits que ces derniers s’attachent, même si le RN accuse une nouvelle fois la justice de chercher à l’empêcher d’accéder au pouvoir en France.

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