Le procès en appel des viols de Mazan, dans le sud de la France, s'est soldé par une peine alourdie de 10 ans de réclusion criminelle pour l'unique accusé, refermant la page judiciaire d'une affaire qui a touché le monde entier et érigé en symbole féministe Gisèle Pelicot pour avoir dit aux victimes de ne «jamais avoir honte».
Cette mère de famille, devenue un symbole mondial des violences sexuelles faites aux femmes, a été violée pendant une décennie à son domicile de Mazan par des dizaines d'inconnus recrutés sur internet par son mari, Dominique Pelicot, qui la droguait préalablement.
«J'ai jamais voulu faire du mal»
A l'issue d'un délibéré d'un peu moins de trois heures, Husamettin Dogan, un ancien ouvrier de 44 ans, a été condamné à une peine alourdie d'un an par rapport à sa condamnation en première instance, un verdict en deçà des 12 années requises par l'accusation.
L'accusé, qui n'a cessé de clamer qu'il n'avait pas eu «l'intention» de violer Gisèle Pelicot et encourait 20 ans de réclusion, n'a pas réagi à l'énoncé du verdict, debout dans le box des accusés. «J'ai jamais voulu faire du mal à cette dame», avait-il déclaré dans ses derniers mots, après quatre jours d'audience à Nîmes (sud) où il s'est enfoncé dans le déni.
«Bravo» et «merci»
A l'issue du premier procès, en décembre à Avignon (sud), Dominique Pelicot, chef d'orchestre de cette décennie de viols sur son ex-épouse, avait été condamné à 20 ans de réclusion, peine maximale, pour avoir livré celle-ci, préalablement droguée et inconsciente, à des inconnus recrutés sur internet.
L'affaire, déjà hors-norme, est devenue un symbole mondial des violences faites aux femmes quand Gisèle Pelicot a refusé que les audiences se tiennent à huis clos, afin que «la honte change de camp». A l'issue de quatre mois d'un procès retentissant, les 50 co-accusés de Dominique Pélicot avaient été condamnés à des peines allant de trois ans de prison, dont deux avec sursis, à 15 ans. Condamné à 9 ans, Husamettin Dogan avait finalement été le seul à maintenir son appel.
De nombreux applaudissements
Régulièrement applaudie à ses sorties du tribunal pendant les quatre jours du procès en appel, Gisèle Pelicot a quitté en silence l'enceinte judiciaire après le verdict sous un tonnerre d'applaudissements, les gens lui lançant «bravo» et «merci».
«J'ai le sentiment d'être allée au bout de cette épreuve qui a duré cinq ans. Je souhaite ne jamais retourner dans un tribunal de ma vie. Moi, le mal est fait. Il va falloir que je me reconstruise sur cette ruine. Je suis en bonne voie», avait déclaré mercredi en témoignant cette femme de 72 ans, avec son carré roux devenu un signe de ralliement dans les mouvements féministes du monde entier. Pour autant, elle lance, à destination notamment de la centaine de journalistes accrédités: «Arrêtez de dire que je suis une icône. C'est malgré moi. Je suis une femme ordinaire qui a levé le huis clos».
«Honte pour vous!»
Pour l'avocat général, en charge de l'accusation, ce dossier a permis «une prise de conscience collective sur un fonctionnement social archaïque, destructeur, qui fait de l'homme, le mâle, le centre de l'univers». Et «on ne peut pas en 2025 considérer que parce qu'elle n'a rien dit, elle était d'accord. Car là, on se situe dans un mode de pensée d'un autre âge!».
Dans un réquisitoire puissant, Dominique Sié avait souligné l'attitude «désespérante» de l'accusé, qui a de façon constante nié toute intention de violer, en dépit des preuves vidéo accablantes, Dominique Pelicot ayant tout filmé et archivé méticuleusement.
«J'ai honte pour vous!»
La cour a donc pu voir la douzaine de courtes vidéos de cette soirée du 28 juin 2019, celle durant laquelle Husamettin Dogan s'est rendu à Mazan chez les Pelicot. On y voit l'accusé réaliser plusieurs actes sexuels sur une Gisèle Pelicot en sous-vêtements, portant des sandales et parfois un bandeau sur les yeux, totalement inerte et ronflant parfois fortement. Husamettin Dogan et Dominique Pelicot chuchotent pour éviter de la réveiller.
Pourtant, l'accusé a fermement maintenu n'avoir «violé personne», disant avoir été «sous l'emprise» de Dominique Pelicot. La défense ne s'est pas départie de cette ligne, soutenant la thèse que leur client avait cru à un scenario libertin.
«Qu'il ait pu croire que j'étais consentante, c'est absolument abject», s'était agacée Gisèle Pelicot face aux tentatives de victimisation de l'accusé. «Assumez votre acte, j'ai honte pour vous!», avait-elle ajouté. «Ce que nous faisons ici est utile. Ce n'est pas l'objet d'un procès de changer la société, mais ça y contribue», avait plaidé l'un de ses avocats, Stéphane Babonneau.