A peine formé, le nouveau gouvernement du Premier ministre français Sébastien Lecornu paraît déjà proche de l'implosion lundi. Une impasse qui menace de relancer l'instabilité politique du pays au moment où ses finances publiques sont au plus mal.
Le troisième exécutif en un an, dont les 18 ministres (pour la plupart déjà en poste) ont été annoncés dimanche soir après quatre semaines de tractations, est attendu dans l'après-midi à l'Elysée pour un premier Conseil des ministres autour du président Emmanuel Macron. Mais aura-t-il tenu jusque là?
Dénoncée par les oppositions, sa composition est critiquée y compris en son sein. Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, qui venait pourtant d'être reconduit, s'est insurgé publiquement contre une équipe qui «ne reflète pas la rupture promise», annonçant une réunion d'urgence dès lundi de son parti de droite, Les Républicains.
La droite va-t-elle se retirer?
Plusieurs cadres du camp présidentiel envisageaient déjà, dimanche soir, l'hypothèse de voir la droite sortir du gouvernement. Ce retrait hypothéquerait la déclaration de politique générale de Sébastien Lecornu, prévue mardi à l'Assemblée nationale. Et plongerait le pays davantage dans la crise politique.
Cinquième Premier ministre d'Emmanuel Macron depuis sa réélection 2022 et troisième en un an, Sébastien Lecornu doit naviguer sur la scène politique éclatée issue des législatives qui ont suivi la dissolution surprise de l'Assemblé nationale décidée en juin 2024 par le chef de l'Etat. L'hémicycle est fracturé en trois blocs (gauche / macronistes et centristes / extrême droite). Aucun ne dispose de la majorité absolue, ce qui a plongé le pays dans une instabilité chronique.
En place depuis le 9 septembre, Sébastien Lecornu, homme de confiance d'Emmanuel Macron venu de la droite, a multiplié les consultations afin de tenter de résoudre l'équation d'une majorité introuvable. Il espérait ainsi échapper à la chute dès le prochain écueil, le vote du budget 2026 à l'automne, comme cela avait été le cas pour son prédécesseur, le centriste François Bayrou. Ces tractations auront été visiblement vaines.
Manque de renouvellement critiqué
«Recyclage», «provocation», «bras d'honneur», «déni de démocratie», choix «effarant et inexplicable» ou «insultant»... L'exaspération s'est pourtant fait sentir dans tous les partis d'opposition dimanche soir, avivant le spectre d'une censure rapide.
Parmi les critiques ciblant le nouveau gouvernement, son manque de renouvellement: 12 des 18 ministres annoncés dimanche par la présidence de la République étaient déjà présents dans le précédent gouvernement. C'est le cas notamment de Bruno Retailleau, de Jean-Noël Barrot aux Affaires étrangères ou encore de Gérald Darmanin à la Justice.
La surprise tient dans le retour, déjà décrié, de Bruno Le Maire. Inamovible ministre de l'Economie et des finances d'Emmanuel Macron de 2017 à 2024, il est nommé aux Armées où il prendra la suite de Sébastien Lecornu.
Roland Lescure à l'économie
Le macroniste Roland Lescure est pour sa part nommé ministre de l'Economie et des Finances. Il aura la lourde responsabilité de présenter un projet de budget 2026 acceptable par le Parlement, alors que les finances publiques du pays sont au plus mal, avec une dette de 3.300 milliards d'euros, représentant plus de 115% du PIB.
Pour éviter de subir le même sort que son prédécesseur, tombé après avoir présenté un effort budgétaire de 44 milliards d'euros, Sébastien Lecornu a demandé à ses ministres de «trouver des compromis» avec les oppositions. Mais son gouvernement est déjà menacé de tomber.
La colère des oppositions
Cette situation compromet ses chances de durer plus longtemps que ceux de ses prédécesseurs (91 jours pour Michel Barnier, moins de neuf mois pour François Bayrou), puis de faire voter un budget avant la fin de l'année. Pour tenir, le gouvernement devra obtenir, a minima, une non-censure des socialistes, dont les premières réactions sont très négatives.
«A quoi jouent les macronistes? Leur obstination plonge chaque jour un peu plus le pays dans le chaos», a raillé le chef des députés du PS Boris Vallaud. «Les bras nous en tombent», a réagi sur X la cheffe de file de l'extrême droite Marine Le Pen sur X, qui a particulièrement ciblé le retour de Bruno Le Maire, «l'homme qui a mis la France en faillite» selon la triple candidate à l'Elysée.