AirBnb et compagnie
Quand les plateformes en ligne surclassent les hôtels

Dans les Vosges, les plateformes de réservation surpassent l'hôtellerie traditionnelle. En 2024, plus de 2 millions de nuitées ont été réservées via Airbnb et autres, contre 2 millions pour les hôtels classiques, une première en France qui inquiète le secteur hôtelier.
Publié: 08:22 heures
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Le lac de Gérardmer, considéré comme «la Perle des Vosges», est très prisé des touristes.
Photo: AFP
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AFP Agence France-Presse

Un chalet en montagne ou un loft en ville? Le département des Vosges a compté, en 2024, davantage de nuitées réservées via les plateformes comme Airbnb qu'auprès de l'hôtellerie traditionnelle, un précédent qui inquiète le secteur.

Département attractif, les Vosges ont enregistré l'an dernier plus de 4 millions de nuitées. Mais pour la première fois en France, celles réservées via AirBnb, Booking, Expedia et TripAdvisor ont été plus nombreuses que dans l'hôtellerie classique, selon des données Eurostat analysées par le média d'investigation allemand Correctiv.Europe.

Certaines de ces plateformes permettent aussi de réserver des chambres d'hôtel et pas seulement des logements de particuliers. Mais selon Vosges Tourisme, 7600 offres type Airbnb sont actives sur le département, soit plus que les lits d'hôtel (3200) ou les places de camping (5700). Dans le détail, 2'022'350 nuitées ont été réservées en 2024 dans l'hôtellerie traditionnelle, contre 2'063'926 via les plateformes, selon Eurostat.

«La Perle des Vosges» en tête

L'offre en ligne est abondante, surtout autour du lac de Gérardmer, «la Perle des Vosges», qui représente 15% du tourisme vosgien, selon l'Office du tourisme. Plus de 1000 annonces y sont disponibles sur AirBnb.

Les locations de meublés touristiques, Bénédicte Noblet, visiteuse alsacienne venue avec mari et enfants à Gérardmer, y a «pris goût», notamment grâce au «rapport qualité-prix» qu'elle estime meilleur qu'en hôtel. Un avis partagé par Kim Jansen, venue en famille des Pays-Bas. Elle a opté pour un chalet entier, réservé en ligne. «On a plus d'espace», assure-t-elle, y compris pour ranger les vélos.

Pas logés à la même enseigne

Si Emilie Claudel, propriétaire de deux hôtels et présidente du Club hôtelier d'Epinal, se félicite de «l'attractivité» des Vosges, elle dénonce la «concurrence déloyale» des plateformes et appelle à une «régulation» du secteur. «Quand on est hôtelier ou restaurateur, nous sommes des professionnels. On embauche des personnes et ce ne sont pas des compléments de revenus où n'importe quel particulier peut ouvrir un logement meublé ou un Airbnb», regrette-t-elle. «On ne sait pas à qui s'adresser et pour autant, ce sont nos concurrents directs».

Les hôteliers sont également soumis à des réglementations bien plus strictes que les particuliers, souligne-t-elle, évoquant les contrôles payants de l'eau du spa par l'Agence régionale de santé (ARS), ce qui n'est pas une obligation pour les propriétaires de meublés.

A Epinal, 200 biens sont disponibles sur Airbnb dans le centre de cette ville-préfecture d'un peu plus de 30'000 habitants. «Les week-ends en hôtellerie, (la fréquentation) chute de manière assez significative parce que l'offre augmente énormément», déplore Mme Claudel.

Remise en question

Les chiffres de Vosges Tourisme font état d'une progression des réservations via les plateformes de 56% en juillet par rapport à l'an dernier, et une hausse de 24% dans l'hôtellerie, dit toutefois à l'AFP Hervé Pierrel, président de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih) des Vosges. «Il n'y a pas de déperdition totale.»

Pour lui, il faut être «vigilant» mais «il faut que les hôteliers se remettent un petit peu en question aussi», par la construction de «petits logements insolites» par exemple pour répondre aux aspirations des clients. «Depuis la Covid, les gens sont aussi à la recherche de logements individuels», observe-t-il. Sur le papier, «c'est un mode de consommation moderne, moins cher», mais en réalité, «vous payez le ménage final, parfois l'accueil personnalisé, la location des draps, des serviettes, voire de l'énergie. En hôtel, vous avez un prix net.»

Et l'hôtellerie vosgienne a de beaux restes. Hervé Theiller et sa compagne, qui voyagent à deux, ont choisi le confort d'un hôtel de la cité thermale de Contrexéville. «On a décidé de partir moins longtemps, pour être plus luxueux», avec un spa, la demi-pension, de quoi se faire «chouchouter» et en profiter pour vraiment «se poser».


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