La Valaisanne se confie
Karin Seewer-Roten, légende du ski, est désormais viticultrice

Ancienne championne de ski, Karin Seewer-Roten vit aujourd’hui au rythme des vignes valaisannes. Avec son mari Jörg et leur fille Colette, elle a trouvé un nouvel équilibre entre famille recomposée, cave viticole et passion pour la montagne.
Publié: 08.07.2025 à 08:58 heures
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Dernière mise à jour: 10.07.2025 à 15:48 heures
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Bien arrivée dans la région. Karin Seewer-Roten vit à nouveau dans son Valais natal après plus de 20 ans et est viticultrice.
Photo: Marco Schnyder
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Nadine Gerber
Schweizer Illustrierte

D’ici, on domine la moitié du Valais. Le soleil cogne fort, la pergola offre une ombre bienvenue. Karin Seewer-Roten (49 ans) sert une assiette valaisanne, accompagnée de sandwiches et d’une bouteille de vin blanc de leur production.

Avec son deuxième mari, Jörg Seewer, et leur fille Colette (12 ans), elle profite du déjeuner. La pergola se trouve au milieu des vignes, au-dessus de Loèche. «Je me sens à ma place», confie l’ancienne sportive de haut niveau, qui a connu des périodes difficiles. «La perfection à 100% n’existe pas. J’ai renoncé à cette exigence. Ce qui est bon suffit.»

Son mari, Jörg Seewer, lui a transmis sa passion pour les grands vins valaisans.
Photo: Marco Schnyder

Aujourd’hui âgée de 49 ans, Karin Roten a été l’une des meilleures skieuses de son époque. Dans les années 1990, elle a remporté trois médailles aux championnats du monde, deux victoires en Coupe du monde et plusieurs podiums. Il ne reste plus que l’armoire à trophées dans sa maison de vacances à Taschonieren, sur les hauteurs de Varen, pour témoigner de cette époque. Après vingt ans passés à Beromünster, dans le canton de Lucerne, elle est revenue dans son Valais natal.

Avec son mari, elle dirige la cave Leukersonne à Susten. Le couple y produit 28 vins de qualité, dont les spécialités typiquement valaisannes que sont le cornalin, la petite arvine, la dôle ou le fendant, mais aussi du chardonnay, du merlot et du pinot noir. Leur dernière création: un assemblage rouge baptisé Courage. Un nom qui résume bien ce dont Karin et Jörg ont souvent eu besoin dans leur vie.

Le soleil du Leuker est leur grande passion. Ils souhaitent un jour transmettre l'exploitation viticole à leurs enfants.
Photo: Marco Schnyder

Des vignes plutôt que des pentes enneigées

De skieuse à vigneronne, un parcours qui s’est fait un peu par hasard. Karin Seewer-Roten rit: «J’ai toujours eu un lien avec le vin. En tant que Valaisanne, forcément. Mon premier copain représentait déjà une marque de vin». Bien sûr, elle ne connaissait rien à la production. «J’ai appris sur le tas. Même si je suis plutôt chargée de la partie administrative.» Son mari Jörg, 56 ans, lui a transmis sa passion pour la vigne et les grands crus. Une passion évidente: «La qualité d’un vin se joue surtout dans la vigne. C’est pourquoi nous cultivons nous-mêmes nos quelque 20 hectares entre Gampel et Saillon».

Le couple s’est rencontré il y a 14 ans, grâce à la passion de Karin: le ski. Elle skiait à Loèche-les-Bains avec ses deux fils issus d’un premier mariage et s’apprêtait à faire une pause. «Quelqu’un a freiné juste devant mes skis. C’était Jörg», se souvient-elle. «Avant ça, on faisait déjà partie du même club de gymnastique», ajoute-t-il. Karin rigole: «J’étais beaucoup trop jeune à l’époque, j’ai sept ans de moins que lui, il ne m’intéressait pas du tout».

«Je me souviens encore de la voir, fillette, courir vers la salle de gym avec ses frères. Je savais qu’elle skiait bien, j’ai suivi sa carrière.» Après cette rencontre sur les pistes, ils échangent leurs numéros, gardent le contact, mais il faudra du temps avant qu’ils ne deviennent un couple.

Karin et Jörg Seewer avec leur fille Colette.
Photo: Marco Schnyder

Il leur a fallu du courage. La situation était compliquée: Karin était séparée et avait deux garçons en primaire. Jörg avait une fille adolescente d’un premier mariage et un petit garçon issu d’une autre relation. Ensemble, ils ont eu Colette. Une véritable famille recomposée. Tous deux se souviennent avec tendresse du joyeux chaos des débuts. «J’avais un minibus de sept places, toujours plein à craquer», raconte Jörg. «On ne passait pas inaperçus: cinq enfants, du nouveau-né à l’ado de 16 ans!» Karin d'ajouter: «Mais ça nous a soudés».

Aujourd’hui encore, leur vie de famille recomposée fonctionne bien. Karin a longtemps fait la navette entre Beromünster et le Valais avec Colette, jusqu’à sa scolarisation. À l’époque, ses fils approchaient de la fin de leur apprentissage et n’avaient plus besoin de leur mère au quotidien. Karin est rentrée «au pays». «Quand je suis à Lucerne, le Valais me manque. Et quand je suis en Valais, Lucerne me manque.»

Elle est restée très proche de ses fils. Jonathan et Ivan, aujourd’hui âgés de 25 et 23 ans, sont bien installés dans la vie, actifs, sportifs comme leur mère. Elle s’est aussi attachée aux enfants de Jörg. Quant à Colette, 12 ans, elle entrera au collège à la rentrée. Comme sa mère, elle aime le ski et participe parfois à des courses. «Mais c’est plutôt la meneuse d’équipe, celle qui veille au bon esprit. Pas forcément celle qui gagne des médailles», explique Karin. «Et ça lui convient très bien.»

La famille vit dans le village de vacances de Taschonieren, sur les hauteurs de la vallée. Karin Seewer-Roten aime se détendre en lisant.
Photo: Marco Schnyder

Karin Seewer-Roten est toujours aussi active: vélo, course en montagne, ski de randonnée ou de fond en hiver. Pendant longtemps, elle avait fait une overdose de ski. Après sa retraite, elle n’allait sur les pistes qu’avec ses fils. Aujourd’hui, elle a retrouvé le plaisir de skier. «Tu ne skies toujours pas comme une personne normale», plaisante Jörg. «Pour moi, c’est ça, skier normalement», rétorque Karin en riant.

La Valaisanne a transmis à son mari sa passion pour le ski de fond. Même si ça ne s’est pas fait tout de suite. «J’ai peut-être un peu surestimé son niveau. La première sortie était déjà bien raide.» — «C’était fou», se souvient Jörg. «Avec ces skis fins, sans carres...» Malgré tout, il s’y est mis, et prépare même ses propres skis. «J’ai toujours quelqu’un pour me farter mes lattes», plaisante Karin. — «Elle est tout simplement bien plus en forme que moi», reconnaît Jörg. «Alors parfois, je lui mets le fart le plus facile, et je prends celui qui glisse un peu plus vite.»

Un nouvel élan

Cette sérénité n’a pas toujours été là. Ceux qui ont lu des interviews sur son passé le savent: Karin a traversé des périodes sombres. Troubles alimentaires, dépression, articles à scandale... Elle refuse désormais d’être définie par ces épisodes. «J’ai dû faire un énorme travail sur moi. Aujourd’hui, je vis dans un environnement stable, avec un mari très ancré.» La vie de famille recomposée n’a pas été simple, mais elle lui a aussi donné de la force. «J’ai pu m’éloigner de cette spirale négative. Et retrouver la joie, même dans les moments difficiles.»

Le couple a cinq enfants au total, deux du premier mariage de Karin, deux des relations précédentes de Jörg et leur fille Colette.
Photo: Marco Schnyder

Elle porte un regard serein, sans nostalgie, sur sa carrière de skieuse. «On me reconnaît encore parfois, et ça me fait plaisir. Aujourd’hui, je peux l’apprécier.» Si c’était à refaire, elle referait tout pareil. «C’était une période exigeante et intense. Je suis fière de ce que j’ai accompli. Et je ne regrette pas ce que je n’ai pas atteint.» Ses enfants sont fiers d’elle aussi. «Avant, ils étaient un peu gênés», confie-t-elle en riant. «Mais aujourd’hui, ils savent que toutes les mères n’ont pas un tel passé.»

Le couple n’a pas de grands rêves. Ils avaient songé à acheter un camping-car. «Mais la cave est plus importante. On a préféré investir dans une nouvelle embouteilleuse», raconte-t-il.
Le Leukersonne, c’est leur projet de vie. C’est là qu’ils veulent mettre toute leur énergie. «Nous espérons qu’une autre génération pourra reprendre la cave en bon état.»

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