Cela faisait 10 ans que le Carolina Reaper était connu comme le piment le plus fort du monde. Il vient d'être détrôné par une nouvelle variété, le Pepper X, a officiellement confirmé mercredi le Livre Guinness des records.
Le Pepper X est près de deux fois plus piquant que le Carolina Reaper. Son pouvoir piquant est mesuré à 2'693'000 unités Scoville (SHU), contre 1,6 million en moyenne pour le Carolina Reaper. A titre de comparaison, une sauce Tabasco titre 2000 à 2500 SHU, et le spray au poivre de la police suisse (qui est en réalité non pas au poivre, mais à la capsaïcine, la substance piquante des piments) flirte avec les trois millions.
Cette création démoniaque est le fruit du travail d'Ed Currie, sélectionneur et cultivateur de piments, déjà à l'origine du Carolina Reaper. «C'est la superstar du domaine», commente Fabio Bartolomei, fondateur de Hotsauce, entreprise lausannoise spécialisée dans les sauces piquantes.
La guerre des piments
Ce n'est pourtant pas la première fois que l'on entend parler de ce piment. En 2017, Ed Currie avait déjà présenté cette engeance brûlante, mais sa force n'avait pas été entièrement validée au Livre des records.
Pourquoi avoir attendu six ans pour le faire? Pour Fabio Bartolomei, c'est probablement une question d'ego, mais aussi de stratégie commerciale. Pour le comprendre, il faut préciser comment fonctionnent les créations de nouveaux cultivars (une variété généralement obtenue par sélection) de piments.
Pour en obtenir un encore plus puissant, les experts créent des hybrides en fusionnant deux tiges de boutures de variétés existantes très piquantes. L'opération n'est pas particulièrement compliquée, mais la plupart des hybrides obtenus ont tendance à produire des graines qui «retournent» à l'état de l'un des «parents».
Le souffle du dragon
Pour valider le record, «l'hybride obtenu doit être stable sur plusieurs générations, en produisant des graines qui donneront elles-mêmes naissance à cette même variété hybride», précise Fabio Bartolomei.
Or, en 2017, un nouveau piment prétendument plus puissant que le Carolina Reaper d'Ed Currie a fait son apparition: le Dragon's Breath. Pas décidé à perdre son statut de recordman, l'Américain avait alors choisi ce moment pour présenter le Pepper X, qui patientait dans ses serres. Entre-temps, les créateurs du Dragon's Breath n'avaient pu valider leur record, si bien que le Carolina Reaper avait repris sa couronne et que Ed Currie n'avait plus aucune raison de faire sortir du bois son Pepper X.
«Il y a beaucoup de compétition et de secret de fabrication dans ce domaine, confirme Fabio Bartolomei. Ed Currie garde un piment dans sa manche pour faire tomber d'éventuels nouveaux venus qui lui raviraient son titre».
Et si le Pepper X vient d'être officiellement couronné, c'est sans doute qu'Ed Currie a mis au point une nouvelle variété secrète, encore plus puissante, qu'il conserve jalousement en attendant le moment opportun.
Un secret jalousement gardé
Il est impossible de se procurer du Pepper X à l'heure actuelle. Comme il s'agit d'un piment exclusif, les gousses et les graines ne seront pas vendues. Le seul moyen d'y goûter, c'est d'acheter une sauce, «The last dab», fabriquée pour l'émission «Hot Ones» et vendue 50 dollars la petite bouteille.
Ed Currie a cultivé le Pepper X pendant dix ans dans sa ferme de Caroline du Sud, mais il est resté très discret sur son projet afin de protéger sa propriété intellectuelle. Seuls quelques amis et membres de sa famille étaient au courant.
Et, oui, Ed Currie l'a déjà goûté. «J’ai ressenti la chaleur du piment pendant 3 heures et demie. Et ensuite les crampes (d’estomac) sont arrivées. Elles sont horribles. Je suis resté allongé sur un mur de marbre durant environ une heure sous la pluie, en gémissant de douleur», a-t-il détaillé à l’agence Associated Press.
Après avoir surmonté des problèmes de toxicomanie et d'alcoolisme, Ed Currie a commencé à cultiver des piments en tant que passe-temps et affirme que les piments agissent comme un stimulant naturel. Outre la fabrication de sauces piquantes, ce genre de piment pourrait intéresser les scientifiques qui se penchent de plus en plus sur les vertus thérapeutiques de la capsaïcine.