Calme et tranquilité
Les enfants exclus des restaurants? Certains y pensent

Pour ou contre emmener ses enfants au restaurant? Certains établissements sont tentés de les bannir, tandis que d’autres tentent de séduire les familles en proposant une offre adaptée sans renier la qualité.
Publié: 18.04.2024 à 12:31 heures
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Dernière mise à jour: 19.04.2024 à 10:36 heures
Dans certains restaurants, les enfants ne sont plus les bienvenus.
Photo: Blick
Tiphaine Thuillier

C'était en 2023. Elle avait lâché sa bombe sur le site internet du restaurant. Pour Loredana Tramontado, patronne de Filumé à Vevey, les enfants ne sont pas les bienvenus. Voilà, c’est dit. Ou alors avec modération. «Pour donner suite à des discussions désagréables avec certains parents, nous avons décidé d’accepter les réservations avec des enfants, à la seule condition que les parents acceptent les règles de notre restaurant, prévient un bandeau avant la réservation. Nous ne pouvons proposer que les mets de notre carte, aucun menu enfant n'est disponible. Nous n’avons pas de table à langer, ni de chaises enfants où bébé. Il est interdit de changer les couches dans la salle où sur notre terrasse. Nous demandons également aux parents de veiller à ce que les autres clients puissent passer un bon moment dans le calme et la tranquillité. Nous assumons entièrement notre choix.»

Le message sur le site du restaurant Filumé.
Photo: DR

Une position radicale qui a suscité pas mal de réactions. Pour certains clients, le geste est trop excluant. Mais la patronne n’en a cure. «Je n’ai aucun problème avec les enfants, j’en ai deux moi-même. Mais tout ne tourne pas autour d’eux», se défendait-elle en septembre dernier dans les colonnes de 24 heures.

Dans les restos italiens, des enfants toujours bienvenus

Géraldine, la quarantaine, a deux bambins de six et huit ans. Elle n’a pas prévu de se rendre chez Filumé mais, dans le fond, la démarche ne la choque pas vraiment. «Sortir au restaurant avec les enfants, ça n’est pas pratique, lâche-t-elle. Il faut beaucoup d'énergie pour essayer de les canaliser et on a toujours peur de se faire remarquer.» La mère de famille limite évidemment les virées à quatre pour cause de budget. «Ça revient vraiment cher de faire ça trop souvent», ajoute-t-elle.

Cette Genevoise qui dit s'être déjà sentie de trop au resto avec ses charmantes têtes blondes, a également vécu d'agréables expériences…à l'étranger. «Je me souviens de vacances en Italie où l’accueil était à l’opposé de ce qu’on vit ici, commente-t-elle. On sentait que la clientèle familiale ne leur posait pas le moindre problème. Et puis bon, les pâtes et les pizzas, ça passe tout seul pour les enfants!»

L'hospitalité de la botte, c’est le concept sur lequel s’appuie Luigia, la chaîne de restaurants italiens présente dans plusieurs villes suisses. «Dans la culture italienne, les enfants reçoivent la même attention que les adultes ou les personnes âgées de la famille, analyse Sofia Garcia, responsable de la communication du groupe. Nous sommes convaincus que nos jeunes ont besoin d'être élevés et nous nous efforçons de les nourrir de culture et de connaissances. Pour nous, les enfants sont les clients qui aujourd'hui amènent leurs parents, demain leurs amis et après-demain leurs enfants.» Pizzas, glaces, aire de jeux, cours de pizzaiolo… Le resto met le paquet pour séduire les petits. Et tant pis si parfois, c’est un peu trop pour les parents, condamnés à une bonne migraine à la fin du repas… «Certains clients peuvent être rebutés par le bruit et le désordre que font les enfants, mais pour nous, ce n'est jamais du bruit ni du désordre, c'est le son du bonheur», se défend Sofia.

Une question d'inclusivité

Les Suisses devraient-ils s’inspirer de cette bonne humeur italienne? Eh bien il existe quelques exemples 100 % suisses et 100 % kids friendly.

L’établissement incontournable - cité par Géraldine et pas mal de ses copines - c’est Un R de famille, situé, rue Goetz-Monin à Genève, tout près des Hôpitaux universitaires. Ce restaurant appartient à la Fondation 022 Famille qui œuvre à l'insertion professionnelle de personnes en difficulté. Dès le départ, il a semblé évident aux fondateurs de proposer une offre inclusive et ouverte à tous les âges. «Comme notre nom l’indique, nous sommes très sensibles à la dimension familiale car il est important d’accueillir tout le monde. Nous avons aussi d’autres clients, pas seulement des familles, mais l’endroit est avant tout un lieu de vie convivial et chaleureux.»

Outre de la place pour garer les poussettes, Un R de famille propose une offre de baby-sitter pour permettre aux parents de déjeuner en paix, notamment les soirs et les dimanches, lors du brunch spécial famille, lancé il y a six ans et qui ne désemplit pas. Au total, le restaurant peut nourrir 40 bouches d’adultes et 20 enfants. Et les petits dégustent la même chose que les grands… avec quelques adaptations tout de même. «Le midi, les enfants peuvent manger pour dix francs, précise Philippe Carton, du restaurant. Et ce n’est pas nuggets et frites! On pioche dans la carte et on adapte les portions. On propose une offre plus équilibrée et maison, car nous voulons faire le pari du goût et des bons produits. Nos boulettes de viande maison en sauce tomate ont beaucoup de succès. Les enfants mangent tout.»

De quoi ravir les parents comme Géraldine, qui tente de veiller à l’équilibre alimentaire de ses petits. «Au moins, ça change des éternelles frites», se félicite celle qui fréquente le restaurant de temps en temps. Quant à l’ambiance, forcément animée, Philippe Carton jure qu’on s’y habitue très bien. «Les nouvelles recrues ou les stagiaires en charge du service sont toujours un peu surpris par cette agitation et doivent apprendre à jongler entre les bambins qui courent partout mais ils s’y font très vite. Il faut juste regarder où on met les pieds. » Un sacré défi pour un serveur!


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