Le conflit autour du loup en Valais n'est pas près de se calmer. Le Groupe Loup Suisse (GLS), une association basée à Berne qui veut faciliter la cohabitation entre les humains et les grands carnivores, et Pro Natura Valais ont alerté l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) sur la gestion de la régulation des meutes par le Canton.
Après avoir mené leur propre enquête, elles estiment avoir mis en lumière des «faits assez graves» concernant les meutes du Valais romand pouvant conduire à des erreurs de tir «qui pourraient être évitées.»
Les conclusions de ces investigations ont aussi été transmises au bureau de la Convention de Berne, soit le traité européen qui protège les espèces menacées, ainsi qu'à différentes associations suisses et européennes, dont la LCIE (Large Carnivore Initiative for Europe – Initiative Grands Carnivores pour l'Europe).
Dans son rapport consacré à la meute d'Hérens-Mandelon, le Groupe Loup Suisse dénonce un tir hors périmètre. En se basant sur la carte interactive que le Service de la chasse a mise en ligne à l'époque, et en s'aidant de SwissTopo, l'association estime que le tir d'un mâle en décembre 2023 a été réalisé en dehors du périmètre autorisé. Selon elle, le tir aurait en outre été effectué par un chasseur à 34 mètres des habitations, alors que la loi sur la chasse interdit les tirs à moins de 100 mètres.
Le chef du Service de la chasse, Nicolas Bourquin, balaie ces assertions: «Je vous garantis que tous les tirs ont été effectués à l’intérieur des périmètres autorisés. Ils ont tous été validés par l’OFEV a posteriori. Il n’est pas possible de zoomer suffisamment pour déterminer les coordonnées exactes d’un tir en se basant sur les cartes interactives que nous mettons en ligne.»
Dans son rapport consacré à la meute d'Hérens-Mandelon, le Groupe Loup Suisse dénonce un tir hors périmètre. En se basant sur la carte interactive que le Service de la chasse a mise en ligne à l'époque, et en s'aidant de SwissTopo, l'association estime que le tir d'un mâle en décembre 2023 a été réalisé en dehors du périmètre autorisé. Selon elle, le tir aurait en outre été effectué par un chasseur à 34 mètres des habitations, alors que la loi sur la chasse interdit les tirs à moins de 100 mètres.
Le chef du Service de la chasse, Nicolas Bourquin, balaie ces assertions: «Je vous garantis que tous les tirs ont été effectués à l’intérieur des périmètres autorisés. Ils ont tous été validés par l’OFEV a posteriori. Il n’est pas possible de zoomer suffisamment pour déterminer les coordonnées exactes d’un tir en se basant sur les cartes interactives que nous mettons en ligne.»
Selon le GLS et Pro Natura, la politique cantonale de régulation proactive menée par le Valais depuis 2023, à la suite de la révision de l'ordonnance sur la chasse, violerait les standards scientifiques et pourrait contrevenir aux engagements internationaux de la Suisse.
La gestion de cinq meutes analysée
Les deux organisations ont fait parvenir en août à chacun de ces organismes des rapports consacrés aux meutes valaisannes du Chablais, des Hauts-Forts, des Toules, d’Hérens-Mandelon et de Nendaz-Isérables, visées par des demandes de régulation en 2023 et 2024.
Ces documents sont signés par la directrice romande du Groupe Loup Suisse, Isabelle Germanier, qui mène aussi un projet d'étude sur le terrain avec des bénévoles encadrés par une biologiste/éthologue. L'association est financée par des dons et ne bénéficie pas de subventions. Selon le GLS, les rapports ont été validés par trois biologistes.
Après un «examen minutieux de l’ensemble des données officielles disponibles ainsi que du fonctionnement» des meutes, les organisations dénoncent des «manquements et irrégularités» dans les dossiers officiels de demande de régulation que le Service cantonal de la chasse, de la pêche et de la faune (SCPF) du Valais a adressé à l'Office fédéral de l'environnement ces deux dernières années.
Le GLS et Pro Natura Valais expliquent avoir lancé ces enquêtes après avoir observé, lors des précédentes campagnes de tirs, des décisions fondées sur des «informations incomplètes», des «territoires mal établis» et des tirs qui ont parfois touché des animaux extérieurs aux meutes visées.
Les deux organisations espèrent que ces rapports «serviront, à l’avenir, à prévenir des erreurs» afin d'éviter les conséquences négatives qu’elles peuvent entraîner «pour le loup mais aussi pour le monde pastoral local.» En effet, les tirs pourraient, dans certains cas, se révéler contre-productifs et renforcer les attaques sur les troupeaux en déstabilisant les meutes et en renforçant leur reproduction.
Un basculement avec la nouvelle ordonnance
Ni le Groupe Loup Suisse, ni Pro Natura ne sont opposés à toute régulation. Ces deux organisations font partie de celles qui ont renoncé à lancer un référendum contre la révision de la Loi sur la chasse en 2023. Elles estimaient que la nouvelle loi, bien que jugée peu convaincante, permettait la coexistence avec le loup à certaines conditions.
Mais depuis, tout a changé. En décembre de la même année, le Conseil fédéral a mis en vigueur une nouvelle ordonnance sur la chasse offrant la possibilité aux cantons de réduire largement le nombre de meutes sur leur territoire. Deux campagnes de tirs «préventifs» ont déjà eu lieu dans les régions concernées par la présence du loup. En Valais, 34 individus ont été abattus entre le 1er septembre 2024 et le 31 janvier 2025, et 27 lors de la précédente période de régulation.
La ligne offensive de Christophe Darbellay
Cette année, le Canton du Valais a obtenu l'autorisation de l'OFEV pour abattre des loups au sein de cinq meutes, parmi les neuf que compte le territoire. Par ailleurs, trois meutes peuvent être entièrement supprimées.
La démarche du Groupe Loup Suisse et de Pro Natura survient alors que le conseiller d’État valaisan Christophe Darbellay, à la tête du service de la chasse depuis le début de la nouvelle législature, applique une ligne particulièrement offensive contre le prédateur.
Contactée, Isabelle Germanier commente: «Les demandes de collaboration étant systématiquement refusées, Pro Natura et le GLS craignent une aggravation dans la gestion du loup en Valais, au vu de la situation politique actuelle notamment. Les associations espèrent que les autorités fédérales et la Convention de Berne analyseront les rapports et prendront des dispositions afin de clarifier et d'améliorer la situation en Valais.»
Le courrier auquel les rapports ont été joints a été adressé à Urs Wegmann, le «Monsieur loup» de l'OFEV. En raison des «absences liées aux vacances», le service de communication de l'office n'a pas été en mesure de nous dire quelle suite il allait donner à ces rapports.
Le Service de la chasse se défend
Nous avons également contacté le Service de la chasse pour savoir ce qu'il pense de ces reproches. Il nous a répondu qu'il n’est pas de son ressort «de commenter des analyses, rapports, expertises ou toute autre déclaration d’une association privée comme le Groupe Loup Suisse.»
Le SCPF souligne par ailleurs que «tous les tirs de régulations du loup opérés depuis le début de la régulation proactive en Valais l’ont été dans le respect des bases légales en vigueur. L’OFEV délivre des autorisations de prélèvement pour des périmètres donnés, conformément au droit fédéral. Tous les tirs ont été effectués à l’intérieur de ces périmètres.»
Voici les points-clés soulevés par le Groupe Loup Suisse et Pro Natura Valais
- Des attaques qui se retrouvent d'une année à l'autre: D'après l'analyse des documents fournis à l'OFEV par le Service de la chasse lors des demandes de régulation, certaines attaques auraient été utilisées pour justifier les demandes de tirs en 2023, puis réutilisées en 2024 pour booster le total des dommages. «La période de décompte des attaques n'est pas réglementée de manière claire. Mais certaines attaques comptabilisées deux fois ont permis une régulation qui n'aurait, sinon, pas été possible», assure Isabelle Germanier.
- Un suivi jugé lacunaire: L'une des critiques les plus insistantes vise la qualité du suivi ADN. Selon les rapports, les relevés génétiques fournis par le Canton sont souvent incomplets, parfois inexistants pour certaines meutes, et il n'y a pas de filiation. Les documents soulignent que plusieurs individus identifiés par le KORA (fondation mandatée par la Confédération et les cantons pour le monitoring des meutes) ne figurent pas dans les dossiers cantonaux. Le suivi concret sur le terrain est également décrit comme insuffisant, avec trop peu de pièges photographiques. Pour une meute, le suivi serait même complètement absent.
- Un problème romand: Les enquêtes relèvent un contraste marqué avec le Haut-Valais, où les dossiers sont jugés «complets et scientifiquement solides». Les organisations appellent à un standard scientifique uniforme pour les différentes zones du Valais. Dans le courrier à l'OFEV auquel les rapports étaient joints, elles soulignent qu'«il est en outre frappant de constater que les meutes du Bas-Valais ont été très fortement régulées, bien que l'on y enregistre beaucoup moins d'attaques que dans le Haut-Valais grâce à une meilleure protection des troupeaux (davantage de chiens de protection, de bergers).»
- Des délimitations des territoires contestées: Les cartes servant à définir les territoires des meutes valaisannes sont aussi dans le viseur des organisations. Certaines délimitations ne reposeraient pas sur des bases scientifiques solides et conduiraient à gonfler artificiellement le nombre de meutes présentes. Le Service de la Chasse ne prendrait en outre pas en compte les zones tampons qui existent entre meutes voisines, ce qui pourrait entraîner des tirs sur des individus n'appartenant pas à la meute ciblée.
Une gestion jugée politique: Cet été, le conseiller d'Etat Christophe Darbellay a annoncé vouloir discuter avec le conseiller fédéral en charge de l'environnement, Albert Rösti. Son but: pouvoir réaliser des tirs même quand il n'y a pas eu d'attaques sur les troupeaux. Le GLS rappelle qu'en 2024, le ministre de la Sécurité valaisan Frédéric Favre avait déjà rencontré la directrice de l'OFEV ainsi qu'Albert Rösti. A la suite de cette visite, l'OFEV avait non seulement corrigé sa position sur les tirs demandés par le Valais.
Des pressions au niveau local: Les rapports reviennent également sur le fait que des meutes non problématiques ont été régulées. C'est le cas notamment de la meute d'Hérens-Mandelon, visée par le régulation en 2023 et 2024, alors qu'elle était stable et peu prédatrice, selon le GLS. L'association souligne que les critères définissant ce qu'est une meute problématique sont flous.
Des loups adultes tués à la place des louveteaux: «Selon les instructions de l'OFEV, les loups adultes ne peuvent pas être abattus avant le 31 octobre, relève Isabelle Germanier. Or, cette année, deux loups adultes ont déjà été tirés dans la meute du Chablais. S'il s'agit du couple reproducteur, cela signifie qu'il y a désormais trois louveteaux livrés à leur sort car ils sont incapables de se nourrir. C'est incroyable de ne pas savoir différencier un louveteau d'un adulte à cette période.» En 2024 déjà, cette confusion a été faite.