Un couvre-feu numérique?
Un rapport propose d'interdir les réseaux sociaux aux moins de 15 ans en France

Un rapport parlementaire propose d’interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans et d’instaurer un couvre-feu numérique pour les 15-18 ans, face aux dangers de TikTok. Des familles accusent la plateforme d’avoir aggravé la détresse de leurs enfants.
Publié: 10:05 heures
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Un rapport propose d’interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans et d'établir un couvre-feu numérique pour de 22h à 8h.
Photo: Shutterstock
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AFP Agence France-Presse

Un rapport parlementaire sur TikTok dévoilé jeudi préconise l'interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans et la mise en place d'un «couvre-feu numérique» pour les 15-18 ans, pour tenter d'endiguer le «piège algorithmique» qui peut affecter la santé des plus jeunes. Une telle interdiction, déjà souhaitée par l'Elysée, permettrait «de donner un signal à la fois aux enfants et aux parents qu'avant 15 ans», les réseaux sociaux, «ce n'est pas anodin», résume auprès de l'AFP la députée Laure Miller (EPR), rapporteure de cette commission d'enquête parlementaire.

Lancée en mars, la commission a auditionné pendant plusieurs mois des familles de victimes, des responsables de réseaux sociaux et des influenceurs pour décortiquer l'algorithme de TikTok, application ultrapopulaire chez les jeunes dont le design «a été copié par d'autres réseaux sociaux», rappelle Laure Miller. Elle a été créée dans la foulée de l'assignation en justice de TikTok, fin 2024, par un collectif de sept familles l'accusant d'avoir exposé leurs enfants à des contenus pouvant les pousser au suicide.

Pour le président de la commission d'enquête, Arthur Delaporte (Parti Socialiste), «le constat est sans appel: TikTok a délibérément mis en danger la santé, la vie de ses utilisateurs». Il a annoncé avoir saisi la procureure de la République de Paris pour ces possibles «infractions de nature pénale» et également pour «parjure» des dirigeants de l'application. «La plateforme est au courant des dérives, que l'algorithme est problématique», a assuré le député à l'AFP.

La sécurité des jeunes, une priorité?

«C'est compliqué pour nous, parents, de modérer tout ça», explique Géraldine, 52 ans, qui fait partie des plaignants et souhaite rester anonyme. En février 2024, cette mère de famille a perdu sa fille, Pénélope, qui s'est suicidée à l'âge de 18 ans. Après son décès, elle avait découvert les vidéos de scarification que sa fille publiait et consultait sur TikTok. «Ce n'est pas TikTok qui a tué notre fille, parce que de toute façon, elle n'allait pas bien», explique Géraldine à l'AFP, mais le réseau a «enfoncé» sa fille dans son mal-être.

TikTok assure régulièrement faire de la sécurité des jeunes «sa priorité absolue». Le rapport recommande d'aller jusqu'à une interdiction avant 18 ans si, d'ici trois ans, «les réseaux sociaux ne respectent pas de façon satisfaisante leurs obligations juridiques», notamment vis-à-vis du règlement européen sur les services numériques (DSA). Devant la commission, les responsables de TikTok, propriété du groupe chinois ByteDance, avaient mis en avant une modération dopée à l'intelligence artificielle qui lui aurait permis de retirer proactivement 98% des contenus enfreignant ses conditions d'utilisation en France l'an dernier. Mais pour les députés, ces efforts sont insuffisants voire «défaillants», avec des règles «très faciles à contourner».

«Quand vous tapez le mot 'suicide', ils vous indiquent d'appeler un numéro d'aide: ils se cachent derrière ça pour dire qu'ils protègent les enfants», regrette Géraldine, alors que ces contenus restent accessibles via d'autres mots-clés ou émojis. Entre septembre 2023 et décembre 2024, le nombre de modérateurs francophones de TikTok a baissé de 26%, selon des données issues de ses rapports de transparence.

Les contenus néfastes continuent ainsi à pulluler, couplés à des algorithmes de recommandations particulièrement puissants qui peuvent enfermer les jeunes dans des bulles nocives, relève la commission d'enquête. D'autres impacts négatifs du réseau sur les mineurs incluent, selon Laure Miller, perte de l'attention et de la concentration, perturbation du sommeil ou problèmes d'estime de soi, en particulier pour les adolescentes confrontées à des standards de beauté inatteignables.

Couvre-feu numérique

S'agissant des 15-18 ans, le rapport propose l'instauration d'un «couvre-feu numérique» rendant les réseaux sociaux inaccessibles de 22h à 08h. Il préconise aussi une vaste campagne d'information sur leurs risques, suivie de la création d'un «délit de négligence numérique» pour «les parents irresponsables». L'interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans est un cheval de bataille du président Emmanuel Macron.

De récentes lignes directrices de la Commission européenne ont «ouvert la porte à une réglementation nationale», dont «la clé est la mise en place d'un dispositif de vérification de l'âge à l'inscription», selon Laure Miller. De telles mesures butent toutefois sur les réticences des plateformes, des limites techniques et un risque d'atteinte aux libertés individuelles. 

Une loi française sur la majorité numérique, adoptée à l'été 2023, exige déjà une autorisation parentale pour l'accès des moins de 15 ans aux réseaux sociaux mais elle n'est jamais entrée en application jusqu'à présent faute de certitude sur sa conformité au droit européen.

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