Rencontre avec l'administration Trump
Que se passerait-il si UBS se relocalise aux Etats-Unis?

Dans sa lutte contre les mesures strictes en matière de capital en Suisse, la grande banque UBS examine toutes les options. Même un départ du pays... vers les Etats-Unis? Un autre régulateur serait-il une nouvelle chance? Nos explications.
Publié: 16:33 heures
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Sergio Ermotti est en train de mettre en place une stratégie avec UBS.
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Nicola Imfeld et Ulrich Rotzinger

Cette nouvelle venue des Etats-Unis fait grand bruit sur la Paradeplatz de Zurich et jusque dans la Berne fédérale. Le «New York Post» a révélé dimanche soir que des cadres d’UBS avaient rencontré des représentants du gouvernement américain autour de Donald Trump. Au menu des discussions: un possible changement de stratégie face au durcissement des exigences en matière de capital en Suisse. Il aurait même été question d’un départ du pays ou d’une fusion avec une banque américaine. Coup de poker du patron d’UBS Sergio Ermotti?

Le timing est éloquent: la session d’automne bat son plein à Berne, et les tractations sur le relèvement des exigences de fonds propres pour UBS viennent de débuter. Lundi, le Conseil des Etats a examiné une intervention de Tiana Angelina Moser, élue vert'libérale. Celle-ci aurait pu «retarder massivement» la mise en œuvre de nouvelles régulations pour UBS, a averti la ministre des finances Karin Keller-Sutter. Cette dernière s’est finalement imposée: la Chambre haute a rejeté l’intervention par 29 voix contre 15. Jusqu’ici, les pressions exercées sont restées sans effet. Sergio Ermotti poursuivra sans doute son combat.

Dans le secteur financier, les rumeurs de départ ou de fusion circulent depuis longtemps. Sujet brûlant, mais personne n’ose s’y brûler les doigts. Même les connaisseurs du marché interrogés par Blick évitent toute prise de position publique. Mais que signifierait réellement pour la Suisse une fuite d’UBS vers les Etats-Unis?

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Quels avantages pour UBS?

Une relocalisation ou une fusion avec un établissement américain offrirait plusieurs avantages à UBS. D’abord, les exigences de fonds propres y sont considérées comme moins strictes qu’en Suisse, surtout avec les durcissements envisagés par Karin Keller-Sutter. Et UBS pourrait compter sur un soutien politique accru: Donald Trump avait clairement affiché, lors de son premier mandat, son intention d’alléger les réglementations pesant sur la finance. Un rapprochement avec son administration renforcerait donc UBS sur le plan stratégique.

A cela s’ajoute l’attrait du gigantesque marché américain: plus de clients potentiels et, en cas de fusion avec d'autres banques, des synergies permettraient de réduire les coûts. Les avantages fiscaux ne sont pas négligeables non plus. Plusieurs Etats américains mènent une concurrence agressive avec des taux d’imposition très bas.

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Quels risques pour UBS?

Rien ne garantit que ces conditions favorables perdureraient. Donald Trump quittera au plus tard la Maison Blanche fin 2028. Un changement politique, avec l'arrivée d'un démocrate par exemple, pourrait rebattre les cartes et durcir à nouveau la régulation. Une fusion avec une banque américaine serait par ailleurs un chantier titanesque: différences culturelles, modèles d’affaires divergents, intégration informatique… autant de sources de coûts et de tensions. Sans compter que l’intégration du Credit Suisse est encore loin d’être achevée.

Un départ poserait surtout un problème au cœur de métier d’UBS: la gestion de fortune. De nombreux super-riches d’Asie, d’Amérique latine ou du Proche-Orient plébiscitent UBS pour son expertise, mais aussi pour sa localisation en Suisse, gage de neutralité, de stabilité et de discrétion. Installer le siège aux Etats-Unis risquerait de réduire l’attrait de la banque auprès de ces clients, qui choisissent précisément la Suisse pour la confiance qu’elle inspire.

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Quels préjudices pour la Suisse?

Un départ entraînerait une perte de milliards en recettes fiscales et en emplois transférés à l’étranger. En contrepartie, la Suisse serait libérée des risques liés à une trop grande banque. UBS conserverait toutefois une filiale solide dans le pays. Mais quitter la Paradeplatz ternirait sérieusement la réputation de l’établissement et alourdirait ses relations avec la politique, la Banque nationale et l’opinion publique – un coût symbolique élevé, même pour une banque mondiale. 

Pour l’image de la Suisse, un tel départ serait un coup dur, souligne l’économiste Klaus Wellershoff: «Un départ d’UBS serait certainement un grave préjudice pour la réputation de la Suisse.» Il rappelle aussi la reprise précipitée du Credit Suisse: «Si l’on considère qu’UBS vient tout juste de résoudre un énorme problème pour la Suisse, un départ serait difficile à expliquer sur la scène internationale.»

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Quelles conséquences pour les PME?

Les PME qui empruntent auprès d’UBS ou recourent à ses services en banque d’investissement pourraient être touchées. UBS est un partenaire financier clé, notamment pour les financements à l’exportation, les crédits et les opérations de change. Depuis la reprise du Credit Suisse, elle a repris l’un de ses rôles majeurs dans le soutien aux entreprises. 

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Quelles conséquences pour les citoyens?

En cas de départ, les activités suisses d’UBS seraient maintenues. Pour la plupart des Suisses, l’impact serait donc minime. Les clients fortunés, en revanche, pourraient retirer une partie de leurs fonds pour les placer ailleurs. Car pour cette clientèle, la stabilité juridique et la «suissitude» de la banque sont des arguments déterminants.

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