Poulet au chlore, Cybertrucks, avantages pour les géants du numérique... Après un grand soupir de soulagement la semaine passée, la Suisse s'interroge sur les concessions que le gouvernement aura consenti pour arracher un allégement des droits de douane américains. Après trois déplacements à Washington depuis août, le ministre de l'Economie Guy Parmelin est revenu à Berne le 14 novembre avec un projet d'accord visant à ramener les droits de douane américains à 15%, et non plus à 39% comme c'est le cas depuis août.
L'annonce a été applaudie par les principales organisations patronales, dont Economiesuisse qui s'est félicitée que le pays soit à nouveau «sur un pied d'égalité» avec l'Union européenne, qui avait déjà négocié un accord à 15% fin juillet. «Un désavantage concurrentiel de taille est tombé», a réagi cette organisation pour qui «l'existence même» de certaines entreprises était menacée avec ces taxes très lourdes. Mais une fois l'annonce passée, des questions ont émergé quant aux concessions qui ont été faites et aux zones d'ombre persistant sur cet accord.
Points encore en discussions
D'emblée, les Vert.e.s suisses se sont inquiétés du risque de voir arriver dans les étals «de la viande bovine américaine aux hormones et du poulet chloré à bas prix». Ce projet d'accord prévoit des contingents en franchise de douane pour le boeuf, les volailles et le bison américains. Or comme dans l'Union européenne, la désinfection des volailles avec des solutions chlorées parfois pratiquée aux Etats-Unis n'est pas autorisée en Suisse.
L'importation de «poulets chlorés» constituerait «une distorsion de concurrence» par rapport aux normes applicables aux producteurs suisses, a renchéri l'organisation agricole Uniterre qui rejette également «toute concession éventuelle sur la filière du lait».
«On n'a pas parlé, à ce stade, je tiens à être très clair, de la manière dont ces poulets sont produits», a répondu ce week-end le ministre de l'Economie sur la Radio Télévision Suisse, expliquant que ce point, comme d'autres, doit encore faire l'objet de discussions. Contacté par l'AFP, Migros, la plus grande chaine de supermarchés de Suisse, indique qu'elle «ne prévoit pas d'inclure du poulet chloré ou traité avec des substances chimiques dans ses rayons», car il ne correspond pas «aux attentes des consommateurs».
Flou autour des promesses
Parmi les voix critiques, le Parti socialiste suisse (PS) estime de son côté que «les promesses faites au nom de la Suisse restent floues» et a lancé lundi une pétition pour exiger des explications du gouvernement. Le ministre de l'Economie «passe sous silence des points décisifs concernant l'accord avec Trump», affirme la pétition, qui cite «les poulets au chlore» mais aussi les «armes américaines» et les «Cybertrucks», les fameux utilitaires de Tesla.
La Maison Blanche a publié une fiche d'informations divulguant d'autres détails comme la reconnaissance par la Suisse des normes de sécurité américaines pour les véhicules, ce qui selon plusieurs journaux suisses soulève la question de savoir si les Cybertrucks, actuellement non-autorisés en Suisse, vont débarquer sur les routes du pays alpin. La fiche mentionne également que la Suisse doit «s'abstenir de taxes néfastes sur les services numériques», sans fournir plus de précisions.
Les discussions doivent encore «se poursuivre»
Contacté par l'AFP, le ministère l'Economie explique que la Suisse a confirmé son intention de renoncer à une taxe sur le numérique américain, alors que la mise en oeuvre de la coopération sur les questions de véhicules «fera partie des prochaines négociations».
La semaine dernière, Guy Parmelin avait souligné que les discussions doivent encore «se poursuivre» sur certains produits, dont les machines industrielles, l'acier, l'aluminium, les montres, le café et le fromage. «Un accord n'est jamais parfait», relativise l'économiste Stéphane Garelli, professeur à l'International Institute for Management Development (IMD) et à l'Université de Lausanne.
Mais «on devait faire des concessions car le dommage sur l'industrie suisse et sur l'emploi était beaucoup trop grand», a-t-il déclaré à l'AFP. Au troisième trimestre, le produit intérieur brut helvétique a brusquement chuté, se contractant de 0,5%, selon une première estimation du ministère de l'Economie, mais selon Capital Economics l'activité économique devrait toutefois rebondir «durant les prochains mois».