À regarder les chiffres mis en évidence dans le dernier rapport trimestriel de ManpowerGroup, on passerait presque à côté de l'essentiel. Certes, les perspectives d'embauche ralentissent légèrement en Suisse. Le manque de main-d'œuvre qualifiée continue à représenter un défi et il y aurait actuellement près de 110'000 postes ouverts dans le pays. Mais ce n'est pas tout.
On constate surtout dans cette étude que bon nombre d'entreprises helvétiques seraient à la recherche de profils «verts». Un véritable boom d'ouverture de postes dits «écologiques» est même envisagé.
Par ailleurs, l'intelligence artificielle serait bientôt incontournable. Toujours selon ManpowerGroup, 38% des entreprises interrogées lui auraient confirmé avoir déjà utilisé ces technologies ou déclaré avoir l'intention de le faire dans les douze prochains mois. C'est énorme! Laurent Vacelet, directeur pour la Suisse romande du géant du recrutement, a accepté de faire le point avec Blick. Et même de sortir sa boule de cristal. Interview.
Laurent Vacelet, on remarque dans vos chiffres qu'il y a un attrait sans précédent pour les emplois «écologiques» ou «les compétences durables» de la part des entreprises. Pourquoi maintenant?
Cette volonté ressort en effet très clairement de notre dernière étude. Mais, en réalité, ce n'est pas totalement nouveau. Nous avions déjà démontré lors du dernier trimestre de l'année passée que la durabilité devenait de plus en plus importante pour les entreprises suisses. Ce qui change désormais, c'est que nous sommes entrés dans le concret puisque 75% des sociétés sondées indiquent qu'elles recherchent activement des professionnels dans ce domaine.
Souvent, ce genre de déclarations faites par les entreprises ne sont pas vraiment suivies d'effets. Certains parlent même de greenwashing. Qu'en est-il cette fois-ci, d'après vous?
Ce n'est certainement pas un feu de paille! Trois firmes interrogées sur quatre qui indiquent rechercher des profils durables, c'est loin d'être anodin. Je pense que nous sommes véritablement entrés dans un cercle vertueux et que les chefs d'entreprises suisses ont compris leur responsabilité écologique. Nous sommes à un tournant écoresponsable du monde du travail.
Concrètement, ces emplois verts, c'est quoi?
Il faut distinguer les emplois verts des compétences vertes. Les emplois verts, ce sont les postes qui visent à préserver ou restaurer notre environnement aujourd'hui mis à mal et à rendre les organisations plus respectueuses dudit environnement. On pense notamment aux secteurs de l'agriculture, des énergies renouvelables ainsi qu'aux industries manufacturières ou encore de la construction. Mais aussi, et surtout, aux domaines RH, IT et logistique. C'est vaste!
Quid des compétences vertes?
Ce sont toutes les compétences nécessaires à l'adaptation des produits, des services et des processus liés aux normes environnementales, par exemple. Il ne faut pas oublier que la législation évolue. Nous avons donc besoin de ces compétences pour accompagner ces changements.
Le second fait marquant de votre étude, c'est l'essor de l'intelligence artificielle. Particulièrement dans les processus RH. Qu'est-ce que cela signifie?
On constate que l'intelligence artificielle est déjà intégrée dans beaucoup de processus RH et que cette tendance va certainement encore s'accentuer. C'est aussi le cas chez nous, à Manpower. Nous utilisons déjà l'intelligence artificielle pour simplifier les tâches manuelles.
Pour quelles tâches manuelles, par exemple?
Les envois d'e-mails, le nettoyage de bases de données, le suivi de points de contact… Le but est de soutenir nos employés dans leurs missions administratives.
Nous ne sommes donc pas encore dans une fiction à la «Black Mirror», où l'intelligence artificielle participerait au processus de sélection des profils?
(Rires) Alors… Pas encore. Mais, nous nous apercevons à travers plusieurs études que, plus nous avançons, plus nous nous dirigeons vers cette tendance.
Les aspects humains resteront-ils importants dans les processus de recrutements?
Il faut accueillir ces technologies de manière sereine et correctement les encadrer. Même si je suis conscient que certains effets de manche marketing dans ce domaine, parfois imprudents, peuvent provoquer des réticences. À ce jour, l'intelligence artificielle permet essentiellement de réduire une charge de travail peu épanouissante. L'essence même du métier de RH, à savoir le recrutement et l'évaluation des soft skills, reste une compétence humaine. Mais jusqu'à quand? Je ne peux pas vous le dire.