C’était l’une des courses les plus limites de l’histoire de la Coupe du monde. Le super-G disputé vendredi à Beaver Creek s’est déroulé dans des conditions exécrables: neige, vent, lumière défaillante. Même le vainqueur du jour, Vincent Kriechmayr, n’a pas pu savourer pleinement son 19e succès en Coupe du monde. «J’aurais préféré gagner une course où tous les athlètes trouvent les mêmes conditions. Mais ce n’était malheureusement pas le cas aujourd’hui», a confié l’Autrichien à la télévision de son pays.
Avec son dossard 14, le champion du monde de descente Franjo von Allmen a été particulièrement mal servi par la visibilité. «Franjo a vraiment rencontré de très mauvaises conditions. Mais une fois que le départ est donné, on ne peut pas lui demander de calculer: c’est un pur-sang, il donne tout», explique Tom Stauffer, entraîneur en chef à Swiss-Ski.
Le bilan est lourd pour Franjo von Allmen: victime d’une chute peu après le premier temps intermédiaire, le Bernois de l’Oberland souffre de contusions au tibia. Sa présence aux prochaines courses de vitesse à Val Gardena (deux descentes et un super-G, du 18 au 20 décembre) reste incertaine.
«Une épreuve brutale pour les athlètes!»
La chute de Franjo von Allmen a aussi pesé sur la course d’Alexis Monney. L’équipe d'entretien n’a pas réussi à dégager correctement la neige fraîche pendant la pause d’environ trente minutes provoquée par l’incident. Avec le dossard 17, le médaillé de bronze du dernier championnat du monde n’avait aucune chance. «Quand je suis arrivé vers le saut, il devait y avoir cinq centimètres de neige fraîche. C’est absolument injuste!»
À partir du dossard 25, la visibilité s’est encore détériorée et le vent ne s’est pas calmé. Malgré plusieurs interruptions, le jury a tenu à faire courir jusqu’au numéro 30 pour que l’épreuve soit validée selon le règlement FIS. Ce n’est qu’après l’abandon de Loïc Meillard, parti avec le 31, que le deuxième super-G de l’hiver a finalement été stoppé.
Les entraîneurs suisses s’énervent
Helmut Krug, entraîneur du groupe réunissant Marco Odermatt, Thomas Tumler, Justin Murisier, Lenz Hächler et Gino Caviezel, ne cache pas sa colère au micro de Blick: «À la FIS, on parle sans cesse de sécurité pour les athlètes. Et dans le même temps, on les envoie sur des pistes dans des conditions pareilles. Pour moi, c’est incompréhensible.»
Même constat chez Matteo Joris, responsable du groupe comprenant Loïc Meillard, Daniel Yule, Tanguy Nef, Luca Aerni, Marc Rochat et Ramon Zenhäusern: «Après la chute de Franjo, c’était le chaos total au départ. Certains, comme Justin Murisier, ont ouvert et refermé leurs chaussures au moins vingt fois, parce qu’à chaque ‘départ libre’ succédait un ‘stop’. Ce va-et-vient constant était une vraie épreuve pour les athlètes.»
Matteo Joris ne souhaite toutefois pas relativiser la victoire de Vincent Kriechmayr: «Vinc' a réussi une performance fantastique dans des conditions extrêmement difficiles. Sa victoire est pleinement méritée.»
Le chef de course Head prend la défense du jury
L’Autrichien Rainer Salzgeber, étroitement lié à la fois au vainqueur Vincent Kriechmayr et au malheureux Franjo von Allmen en tant que chef de course de la marque Head, comprend la décision du jury. «Les conditions étaient pires lors de l’entraînement de descente que pendant ce super-G. Je comprends donc que la course ait été disputée jusqu’au dossard 31.»
Et d’ajouter: «Je sais très bien que les cinq ou six derniers n’ont pas eu de bonnes conditions. Mais dans une carrière, il arrive qu’un coureur ne puisse pas tout donner. Parfois, il faut faire preuve de tactique. En saut à ski aussi, certains ont un vent porteur énorme quand d’autres luttent contre un vent contraire. Mais nous, en ski alpin, ne devrions jamais aller vers des points de vent ou de brouillard.»
Pour conclure, l’homme du Vorarlberg estime que «les grands favoris, des dossards 6 (Vincent Kriechmayr) et 7 (Marco Odermatt) jusqu’à Lucas Feurstein (13), ont évolué dans des conditions quasiment identiques».
Une affirmation que Tom Stauffer réfute immédiatement: «Marco Odermatt (5e au final) a clairement eu le plus de vent de face.» Les discussions autour de ce deuxième super-G de l’hiver olympique ne sont manifestement pas prêtes de s’arrêter.