Roman Mityukov est né d'un père russe et d'une mère ouzbèke, qui se sont rencontrés à l'université en Ukraine et qui sont venus s'installer à Genève pour le travail. Vous suivez? C'est donc au bout du Léman que vient au monde Roman, le troisième de la fratrie, le 30 juillet 2000.
Car c'est bien à Genève que se situent son ancrage et sa vie. C'est d'ailleurs là qu'il a mis pour la première fois les pieds dans l'eau, à 5 ans. «C'était lors de l'école de natation à la Piscine Liotard de Servette, se souvient Roman Mityukov. Et je me rappelle aussi de ma première compétition, quand j'avais 8 ans et demi à Onex.» À l'époque, le Genevois ne pense évidemment pas encore faire carrière dans sa discipline. «Mon but, c'était de profiter avec mes amis et de me taper des barres avec eux. Et mes parents voulaient que je fasse un sport», explique-t-il. L'aspect compétitif ne viendra que plus tard.
Mais en 2010, Roman Mityukov doit déjà prendre une décision: l'athlétisme ou la natation. «J'ai fait un choix mais pas pour les bonnes raisons: j'avais plus de potes dans la natation.» À cette époque, il pratique surtout le sport pour les moments conviviaux, et pas pour la performance. Mais les premiers résultats sont là, lui qui participe à ses premiers championnats suisses à l'âge de 11 ans. «C'était une bonne expérience mais j'avais tellement de stress, car j'étais au milieu des meilleurs nageurs suisses de mon âge.» Et rapidement, le Genevois enchaîne les médailles. «L'année suivante, je me présente aux championnats suisses et je fais deux médailles. Là, je me dis que c'est possible d'en faire une carrière», détaille-t-il.
Le grave accident de son frère
En ce temps-là, Roman Mityukov n'avait pas encore choisi de se spécialiser dans le dos, mais plutôt dans le papillon. «Et je suis content d'avoir changé à 13 ans car le papillon, c'est l'enfer», en rigole-t-il. Bien que spécialiste de la nage dorsale, il avoue toutefois qu'il «préfère le crawl malgré tout». La «facilité» et la vitesse de cette technique le poussent dans ce sentiment.
Mais en cette même année 2013, un événement vient bouleverser la vie des Mityukov. Son grand frère, Anton, est victime d'un accident en plongeant dans le Léman. «Il n'est pas paralysé à 100%, car il peut conduire et marcher un tout petit peu. Mais il est en chaise roulante», nous confie Roman. Rapidement, Anton Mityukov ne se laisse pas abattre et décide de reprendre sa vie en main. «Aujourd'hui, il est beaucoup plus heureux et nous dit parfois qu'il préfère sa vie actuelle que celle d'avant son accident, qui était assez instable», ajoute son petit frère. Une histoire qui a également impacté Roman: «Il aurait pu abandonner mais il s'est battu et il a progressé dans la vie. Il m'a clair
ement inspiré et je suis fier de lui.» Aujourd'hui, petit et grand frère partagent d'ailleurs la passion du sport, puisque Anton pratique le rugby-fauteuil.
En parallèle, Roman Mityukov continue son ascension dans le monde de la natation. Juste avant sa majorité, il décroche une médaille de bronze aux Championnats d'Europe juniors. «J'ai amélioré de quatre secondes mon 200 m dos en une année… ce qui est énorme à cet âge-là», lâche-t-il, sourire au coin. Comment expliquer cette poussée? «Même moi, je ne sais pas, répond-il. Il y a sans doute le travail, car j'ai toujours été extrêmement rigoureux. Mais il y a aussi le côté mental.»
Une situation compliquée pour la suite
En 2018 et après sa première breloque internationale, il n'a désormais qu'un objectif en tête: les Jeux olympiques de Tokyo. Et c'est au Japon, sur la plus grande scène du monde, qu'il se fait remarquer par les caméras. Avec le relais, il termine à la 6e place et décroche un diplôme. Tout en continuant sa progression, c'est aux Championnats du monde qu'il brille… après avoir enchaîné les médailles en chocolat aux Européens. «Tu n'imagines pas combien de fois j'ai pensé à ces quatrièmes places à Rome», nous expliquait-il après sa médaille de bronze aux Mondiaux de Fukuoka en 2023. Et cette année, il a décroché l'argent à Doha, également aux Championnats du monde.
À côté de sa carrière de sportif d'élite, le nageur du Genève-Natation a entamé des études en droit à l'Université de Genève. Et il vient de décrocher son Bachelor cet été. Et la suite? «La situation s'annonce assez compliquée et je ne me vois pas faire mon stage d'avocat avant les Jeux de Los Angeles. Mais pour l'instant, je vais laisser passer la prochaine échéance et je verrai ensuite», répond-il.
Et ce n'est pas n'importe laquelle, puisqu'il s'agit de ses deuxièmes Jeux olympiques, qu'il aborde avec plein d'ambitions. Il veut tout faire pour suivre les traces de son ami Jérémy Desplanches, médaillé de bronze à Tokyo en 2021 et également Genevois. «J'ai beaucoup pris exemple sur lui car c'est un gars extrêmement humble et un grand travailleur. J'étais vraiment content quand il est revenu s'entraîner avec nous.» En espérant pour Roman Mityukov qu'il imite son acolyte jusqu'au bout et que, comme Jérémy Desplanches, il décroche une médaille aux Jeux olympiques.