Kimi Antonelli est la nouvelle sensation de la Formule 1. À 19 ans, l’Italien s’est confié en exclusivité à Blick. L’occasion de parler avenir, émotions fortes… et grandes ambitions.
Blick: Le week-end dernier a été fantastique pour vous! Deux fois deuxième, 25 points au total… Et encore mieux: seuls Lance Stroll et Max Verstappen étaient plus jeunes lors de leur première première ligne en F1.
Kimi Antonelli: Merci! Je me suis vraiment régalé. Il a fallu se battre. On devrait refaire une interview bientôt: ça m’a porté chance!
Pour commencer, mettons fin à la rumeur: votre deuxième prénom, Kimi, n’a rien à voir avec Räikkönen?
Effectivement, c’est une légende (sourire). À ma naissance, un ami de la famille trouvait que Kimi allait bien après Andrea. Aujourd’hui, tout le monde m’appelle Kimi et presque plus personne Andrea.
Donc Kimi Räikkönen — dernier champion du monde Ferrari en 2007 — n’est pas votre idole ?
Non. J’avais un an à l’époque… Mon modèle n’a qu’un seul nom: Ayrton Senna. La première fois que j’ai vu des images de lui, c’était une évidence: je veux devenir comme Ayrton. C’est pour ça que je porte le numéro 12 depuis mes débuts en karting, comme lui pour sa première victoire en 1985 au Portugal avec Lotus, puis lors de son premier titre mondial en 1988 chez McLaren.
Vos objectifs en Formule 1 semblent donc tout tracés…
(rires) Qui ne rêve pas de devenir champion du monde? C’est bien pour ça que Mercedes m’a engagé.
Votre première saison alterne les hauts et les bas. Sur une échelle de 1 à 10, comment noteriez-vous 2025?
Bonne question… Avant mon premier podium à Montréal, je me mettrais un 8, voire 8,5. Ensuite, il y a eu les six courses européennes: là, je tombe à 5 ou 5,5.
Soyons francs: les épreuves européennes ont été un calvaire. Dixième à Budapest, neuvième à Monza… sur des circuits que vous connaissez pourtant. Après le Brésil, votre bilan est de 119 points hors d’Europe contre… trois en Europe.
Oui, c’est bizarre. Je pensais pouvoir profiter de mon expérience sur ces pistes. Et puis j’ai pris la réalité en pleine face Je m’attendais à ce que les choses se passent d’une certaine façon, et c’était à chaque fois totalement différent. J’ai appris très vite que chaque week-end est unique.
Une conclusion finalement logique.
Exactement. J’ai dû gérer plein de situations nouvelles, apprendre à économiser mon énergie sur des journées très longues: les opérations marketing, les médias, les briefings avec les ingénieurs… Et après tout ça, il faut être concentré et rapide dans la Mercedes. C’est l’essentiel.
Et la pression d’être titularisé dans une grande équipe, ça se vit comment?
Je la gère bien mieux qu’avant. On apprend en permanence, l’essentiel est de ne pas répéter ses erreurs. Sinon, le stress augmente et si les résultats ne suivent pas, la spirale devient infernale — surtout pour une première saison.
Et au milieu de tout ça, vous avez tout de même terminé votre scolarité…
Oui, c’était une promesse faite à ma mère, et je suis content de l’avoir tenue. La vie privée reste le meilleur refuge pour souffler et oublier toute l’agitation.
Revenons à la débâcle européenne, où vous avez déploré vos quatre seuls abandons jusqu'à présent.
Nous avons eu quelques problèmes mécaniques et avec la nouvelle suspension, je n'ai tout simplement pas trouvé le rythme. Je ne me sentais pas à l'aise dans le cockpit parce que rien n'allait plus.
Et puis les résultats n'étaient pas au rendez-vous ...
Exactement. Cela m'a rendu encore plus nerveux. Je me mettais constamment la pression, j'écrasais la voiture, je commettais des erreurs que je ne faisais jamais.
Les fans et les médias commençaient à se poser des questions. Qui vous a sorti de ce creux?
Mon chef Toto Wolff et mon père. Ils m’ont chacun secoué comme il fallait après Monza. Leurs critiques m’ont fait mal, mais j’avais besoin de cette remise à zéro. Il fallait que je me recentre sur l’essentiel pour retrouver mon niveau. Seul, je ne m’en serais jamais sorti. Une longue réunion avec mes ingénieurs — plusieurs heures — a aussi été déterminante.
Combien de temps dure votre réaction positive à la critique?
Longtemps. Toto et mon père croient en moi depuis toujours. Ils voient un potentiel que je n’exprime pas encore pleinement. Alors oui, après un entraînement ou une course, je peux être furieux en constatant mes erreurs et le temps perdu. C’est cette frustration-là qui me pousse à progresser.
Est-ce qu'on voit maintenant le meilleur Kimi?
Avec l'aide de ma vie privée bien réglée, je peux maintenant me concentrer à nouveau entièrement sur le sport. C'est important, car j'ai encore de grands objectifs.
Et quels sont-ils?
Avec l'équipe, nous devons défendre la deuxième place au championnat du monde des constructeurs contre Ferrari lors des trois dernières courses. Et heureusement, j'ai un très bon coéquipier en la personne de George Russell. Il a déjà prouvé à plusieurs reprises qu'avec une bonne voiture, il est compétitif et ne doit craindre aucun adversaire. 2025 sera certainement sa meilleure saison jusqu'à présent.
Avez-vous une bonne relation avec lui?
Oui, car il est très professionnel. La bonne ambiance dans l'équipe y contribue aussi. Dans les bons comme dans les mauvais moments.
Est-ce un objectif de devenir aussi bon que George Russell?
Je ne veux pas seulement atteindre son niveau. Non. Je veux devenir meilleur que lui. Je roule en Formule 1 pour être le plus rapide. Pas seulement dans l'équipe!
Croyez-vous vraiment pouvoir atteindre vos grands objectifs ?
Quelle question! Sinon, je ne serais pas la bonne personne dans cette équipe. George Russell est peut-être maintenant au sommet de sa carrière. Ma tâche est donc plus difficile en ce moment.
A côté de vous, il y a encore trois rookies très performants, Oliver Bearman, Gabriel Bortoleto et Isack Hadjar, votre ancien coéquipier de Formule 2.
Je pense que nous faisons tous du bon travail et que nous sommes un atout pour la Formule 1. Mais mes jeunes rivaux ne sont pas dans la même position que moi. Ils ne courent pas dans une équipe de pointe et sont donc moins sous pression et moins souvent sous les feux de la rampe.
Avez-vous félicité votre ancien coéquipier chez Prema, Ollie Bearman, pour sa quatrième place au Mexique?
Bien sûr. Il a mérité ces 12 points grâce à une performance impeccable. Je regarde attentivement les résultats de tous mes adversaires et je peux aussi les enregistrer dans ma mémoire. Il en va de même pour mes temps au tour.
Alors, vous vous souvenez aussi de votre premier contact avec Mercedes?
C’était fin 2017, je venais tout juste d’avoir 11 ans. Je me rappelle très bien de Gwen Lagrue, responsable du programme junior chez Mercedes. Il m’avait repéré lors d’une finale de karting sur le circuit d’Adria, près de Venise. Apparemment, ma prestation l’avait convaincu. Quelques jours plus tard, Toto Wolff appelait mon père pour nous proposer un contrat. On n’a pas eu besoin d’y réfléchir longtemps. Comme mon père connaissait déjà Toto, les formalités ont été vite réglées. En 2018, j’étais déjà à Monaco avec lui, dans les stands pendant les essais libres. Plus tard, j’ai remis ça à Monza. Et aujourd’hui, sept ans plus tard… me voilà dans le grand cirque.
Pourtant, votre première incursion en paddock remonte à encore plus tôt, non?
Oui, et c’est un super souvenir. En 2014, à Hockenheim. Mon père avait une équipe engagée dans les courses annexes du Grand Prix. Moi, je voulais absolument voir le paddock et la pitlane. Bien sûr, à huit ans, je n’avais aucune accréditation. Comme j’étais minuscule, je me suis caché derrière une pile de pneus que mon père poussait à travers le contrôle. Et grâce à un mécanicien de Toro Rosso que nous connaissions, j’ai même pu entrer dans leur garage de F1.
Une jolie anecdote… mais 2026 approche, et une toute nouvelle ère technique arrive en Formule 1. Tout le monde devra repartir de zéro. Une chance pour vous?
Oui, c’est exactement ça. Personne ne sait vraiment ce qui nous attend, mais j’ai hâte d’y être : une nouvelle voiture, un nouveau moteur, une autre façon de gérer l’énergie. Je commence déjà à m’y préparer, parce que ce sera vraiment la clé du succès en 2026 — et ça changera d’un week-end à l’autre. Cette redistribution des cartes peut offrir de grandes opportunités dans la lutte avec les autres. Encore une fois: tout le monde part de zéro.
Et vous ne vous risquez pas à un pronostic sur les favoris du futur ?
Impossible aujourd’hui. Pour l’instant, c’est simple: Lando Norris est le favori, Oscar Piastri est toujours dans le coup, et Max Verstappen… disons qu’il reste le cannibale du championnat. On ne peut jamais l’exclure. C’est la référence depuis des années.