Le 600e GP de l'écurie suisse!
Peter Sauber: «Ma belle fortune avait largement disparu»

L'écurie Sauber a fêté son 600e Grand Prix ce week-end à Imola. Le fondateur Peter Sauber était de la partie. Il raconte ici comment il a souffert avec l'équipe, où il a fêté ses 80 ans et quelle épreuve a été particulièrement douloureuse à traverser.
Publié: 18.05.2025 à 17:27 heures
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Dernière mise à jour: 18.05.2025 à 17:39 heures
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La dernière fois que Peter Sauber a été invité en Formule 1, c'était lors du GP d'Italie à Monza en 2024.
Photo: Lukas Gorys
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Daniel Leu

Peter Sauber est monsieur Formule 1 en Suisse! Alors que l'écurie qu'il a fondé fête son 600e Grand Prix ce week-end à Imola, le Zurichois se confie à Blick.

Monsieur Sauber, si je vous avais dit, lors de vos débuts en Formule 1 en 1993, que votre équipe fêterait un jour son 600e GP, qu'auriez-vous répondu?
Peter Sauber: Je vous aurais dit que je ne suis pas un rêveur, mais un homme réaliste. Je vous aurais répondu que je serais déjà heureux d'atteindre les 100 Grand Prix, ce qui correspondait à l'époque à environ six saisons de Formule 1.

Êtes-vous fier que l'équipe existe encore en 2025?
Je n'aime pas particulièrement le mot de fierté, mais plutôt celui de reconnaissance. Le fait que l'équipe d'Hinwil existe toujours est très, très important pour moi personnellement.

Pourquoi?
Je n'ai jamais pensé à moi. Je me suis privé de nombreuses choses, surtout au début. À l'époque, il y avait des moments où je travaillais jour et nuit. Ce qui m'intéresse, ce sont tous les collaborateurs qui ont toujours tout donné et qui ont fait de Sauber une écurie spéciale.

En 2006, BMW a repris votre équipe. Mais fin 2009, le constructeur munichois s'est retiré à la surprise générale et vous avez racheté l'équipe. Pour ces fameux collaborateurs, justement?
Oui, tout à fait. Si je ne l'avais pas fait à l'époque, l'entreprise aurait fermé, tous les collaborateurs auraient perdu leur emploi et il n'y aurait probablement plus jamais eu d'équipe suisse de Formule 1.

Une mauvaise décision d'un point de vue financier, n'est-ce pas?
Permettez-moi de m'exprimer ainsi: Avant de racheter l'équipe, je possédais une belle fortune. Celle-ci a largement disparu après le rachat. Malgré tout, je suis encore très reconnaissant aujourd'hui d'avoir pris cette décision déraisonnable à l'époque et d'avoir ainsi pu sauver durablement tous ces emplois.

Aujourd'hui, vous n'êtes même plus propriétaire d'un petit écrou à Hinwil, comme vous l'avez raconté un jour. Quand y êtes-vous allé pour la dernière fois?
C'était la semaine dernière, quand on m'a demandé conseil sur un sujet. Mais en moyenne, je vais peut-être encore trois fois par an à l'usine.

Et possédez-vous toujours un badge?
Non, je ne m'y rends que lorsqu'on me demande conseil, je ne m'invite pas.

On dit que vous avez également fêté votre 80e anniversaire en octobre 2023 à Hinwil.
C'est vrai, je l'ai fêté dans le bâtiment de la soufflerie. Mais il s'agissait d'une fête privée, que j'ai payée moi-même.

Si vous faites une rétrospective des 599 GP Sauber qui ont eu lieu jusqu'à présent: Quel a été le point fort?
Je dois faire un bref retour en arrière. Mon plus grand moment fort dans le sport automobile a eu lieu avant notre période de Formule 1, c'était notre double victoire au Mans en 1989. Le fait que nous ayons pu triompher à l'époque avec cette petite équipe de Hinwil dans cette course de sport automobile historique était unique.

Et en Formule 1?
Deux événements me viennent à l'esprit. Tout d'abord, notre tout premier Grand Prix à Kyalami en 1993, lorsque JJ Lehto s'est classé sixième des qualifications. Voici les noms qui étaient devant nous: 1. Prost, 2. Senna, 3. Schumacher, 4. Hill, 5. Alesi. Que des grands noms! Et puis notre pilote est arrivé, avant même le deuxième pilote Ferrari. Avec le recul, c'est incroyable. Il a fini cinquième de la course, d'ailleurs.

Le deuxième monent fort?
Le dernier podium de Kamui Kobayashi lors du Grand Prix au Japon, chez lui. Il a fait troisième des qualifications et a pu conserver sa place sur le podium pendant la course. Les spectateurs sont alors devenus fous et l'ont acclamé des heures après la course. C'était tellement émouvant.

Vous étiez absent lorsque Robert Kubica a triomphé en 2008 au volant de la BMW-Sauber et a fêté la seule victoire de votre écurie en Formule 1. Cela vous dérange-t-il encore aujourd'hui?
Non, à l'époque, il était prévu par contrat que je ne sois présent sur le circuit que pour dix courses par an, c'est pourquoi j'étais absent au Canada. La joie était bien sûr énorme, même si je n'étais que devant la télévision.

Quel a été le point le plus bas?
Très clairement le crash de Karl Wendlinger à Monaco en 1994. Nous avions bien plus qu'une relation de chef d'équipe à pilote. Peu après l'accident, nous n'avons pas réalisé pendant un certain temps à quel point c'était grave. Et quand nous avons compris, c'était évidemment très inquiétant. Il avait subi un grave traumatisme crânien et avait été plongé dans un coma artificiel. J'ai passé plusieurs jours auprès de lui à l'hôpital. C'était une période difficile.

Ces dernières années, les résultats de Sauber ont laissé à désirer. A quel point souffrez-vous?
Bien sûr que je souffre, mais je suis devenu un peu plus résistant. C'était nécessaire, sinon j'en aurais pris plein la gueule, car je m'identifie toujours très fortement à l'équipe.

Combien de fois êtes-vous encore sur place lors d'un GP?
Normalement trois fois par an: à Barcelone, Monza et Abu Dhabi.

Et sinon? Comment doit-on s'imaginer le téléspectateur Peter Sauber?
Je regarde chaque course. L'écran principal, c'est grand téléviseur allumé sur SRF. J'ai aussi deux iPads. Sur l'un d'eux, j'ai Sky avec le son en anglais, sur lequel je peux toucher chaque pilote individuellement et voir la caméra embarquée. Tu es quasiment en direct dans le cockpit. Sur le deuxième iPad, j'ai tous les temps et les statistiques.

En regardant, êtes-vous plus un fan ou un analyste?
Clairement un analyste. Sur la base des temps et des données, je vois quelles voitures ont quelles faiblesses. Qui a du mal avec la vitesse de pointe? Qui perd du temps dans les virages? Je vois et j'analyse tout cela.

Depuis 2024, Audi est aux commandes de Sauber. À partir de 2026, les Allemands fourniront également les moteurs. Le nom de Sauber disparaîtra-t-il alors définitivement de la Formule 1?
Honnêtement, je ne le sais pas du tout, et c'est une décision qui appartient uniquement à Audi.

Mais ce serait la fin d'une époque! Depuis votre entrée dans le sport automobile en 1970, le nom de toutes vos voitures commence avec la lettre C, en l'honneur de votre femme Christiane.
Cette légende n'est qu'une partie de la vérité. Ce n'est pas seulement par attachement à ma femme que j'ai nommé mes voitures ainsi. Le A de Renault Alpine et le B de Brabham avaient déjà disparu. J'ai alors trouvé que le C pour Christiane était une solution charmante. Mais dois-je vous dire autre chose?

Volontiers.
Déjà pendant les quatre années de BMW, le C avait officiellement disparu, mais sur les pièces que nous fabriquions à Hinwil, il y avait encore partout le C avec le millésime correspondant comme marquage. Honnêtement, je ne pense pas que BMW s'en soit rendu compte à l'époque. Mais il est bien possible que la C45 de cette année marque vraiment la fin de cette ère.

Vous avez aujourd'hui 81 ans. À quoi ressemble votre vie aujourd'hui?
Quand on est à la retraite, on n'a presque jamais de temps, c'est la vérité! On a toujours quelque chose à faire et c'est aussi le cas pour moi.

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