Le choc des cultures
Yverdon Sport et sa légion étrangère face à la Garde Suisse de Winterthour

Choc importantissime ce samedi à Yverdon, où YS accueille Winterthour à 18h. Cette rencontre s'apparente à un véritable choc des cultures entre une équipe multiculturelle et une autre monolithique. Décryptage avec Anthony Sauthier.
Publié: 07.03.2025 à 17:11 heures
Moussa Baradji vient d'inscrire le 2-0 contre Lucerne et est félicité par ses équipiers: à Yverdon, la multiculturalité est une force.
Photo: keystone-sda.ch
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Tim GuilleminResponsable du pôle Sport

A l'heure d'accueillir Antonio Marchesano à Yverdon, voilà à peine plus d'un mois, Jeffrey Saunders s'est réjoui pour plusieurs raisons. L'aspect sportif, bien évidemment, Yverdon Sport récupérant un meneur de jeu d'excellent niveau. Mais le «président du football» du club nord-vaudois a aussi spontanément cité le gain d'image que représentait cette arrivée en provenance d'un club historique de Super League, le FC Zurich.

«Nous envoyons un signal: Yverdon peut faire venir des joueurs suisses de ce niveau», s'est félicité l'Américain, lequel veut établir son club de manière pérenne en première division. Cette petite phrase n'était pas anodine. De loin pas, même. Car Yverdon peine, c'est une réalité, à se montrer convaincant pour des joueurs suisses de premier plan. Benjamin Kololli a été approché et a préféré Sion. Alban Ajdini a opté pour le Lausanne-Sport. Les faits sont là: Yverdon n'a pas le même prestige, ni le même attrait, que ses concurrents, même si Jamie Welch et Jeffrey Saunders, les deux propriétaires, ont les moyens d'offrir des salaires attractifs, comme l'a prouvé l'arrivée d'Antonio Marchesano.

Une formation compliquée par l'absence de label ASF

Yverdon aimerait avoir plus de joueurs suisses sur le terrain, mais ceux-ci privilégient d'autres adresses et en former au club est singulièrement compliqué par le fait que le label de formation cantonal se trouve chez le Lausanne-Sport. Jordan Lotomba voilà quelques années, Anel Husic plus récemment: les plus grands talents yverdonnois débutent en première équipe au LS, pas à YS. Les dirigeants d'Yverdon Sport se battent en coulisses pour faire évoluer ce point, qui les dérange énormément, et ils développent en parallèle leur propre académie, ce qui prend évidemment du temps. Jessé Hautier a eu du temps de jeu, mais pas assez, et parfait sa formation à Xamax, en Challenge League, avant, peut-être, de devenir un joueur apte à être performant en Super League.

Trois Suisses à Yverdon, 13 à Winterthour

L'équation est donc simple: peu de renforts suisses et pas de formation de haut niveau, voilà qui donne une première équipe composée pour une très large majorité de joueurs étrangers. Lors du dernier match, le 2-2 face à Lucerne, Yverdon alignait au coup d'envoi Antonio Marchesano, le capitaine Anthony Sauthier et Christian Marques, passeport suisse et international M21 portugais. Aucun joueur suisse n'est entré sur la pelouse en tant que remplaçant, Mauro Rodrigues étant blessé et Boris Cespedes quelque part entre blessé et écarté. Dans le même temps, Winterthour battait Saint-Gall avec neuf Suisses au coup d'envoi et 13 utilisés sur 16 au total. Un vrai choc des cultures.

Antonio Marchesano et Hugo Komano, attaquant français arrivé de Bulgarie l'été dernier.
Photo: keystone-sda.ch

Anthony Sauthier, qui a lui fait le choix de venir jouer à Yverdon Sport avec un passeport suisse (alors que le club était encore en Challenge League qui plus est), est bien placé pour parler de ce phénomène. Yverdon, aujourd'hui, possède plus de 15 nationalités dans son effectif, venues de trois continents, l'Afrique, l'Amérique du Sud et l'Europe.

S'enrichir au contact des autres cultures

«C'est une nouvelle expérience pour moi», apprécie Anthony Sauthier, lequel, à 34 ans, découvre de nouvelles cultures chaque jour à l'entraînement. «Pouvoir échanger avec un joueur venu d'Amérique latine, ça change complètement. Mais même un joueur venu de Ligue 2 française a une réalité complètement différente de la nôtre et c'est enrichissant de parler avec lui. Sincèrement, c'est très intéressant et stimulant, et cela apporte beaucoup à tout le monde», assure le latéral droit, qui joue un rôle primordial dans l'intégration des recrues.

Yverdon Sport, aujourd'hui, n'a pas encore de service totalement dédié à l'accueil des nouveaux, même si chaque employé du club donne le maximum pour faciliter les choses. Avec William Le Pogam, Kevin Martin ou Paul Bernardoni, l'ancien Servettien est l'un de ceux qui «tiennent» le vestiaire et qui n'hésite jamais à donner de bons conseils. «Je n'ai jamais joué à l'étranger, mais je peux imaginer ce que c'est. Alors, on aide du mieux qu'on peut. Ça peut être en expliquant comment fonctionne le réseau téléphonique, internet, mais aussi comment chercher un appartement, où faire les courses… Ce sont de petits détails qui font la différence. Quand tu débarques sur un autre continent, ou même un autre pays dont tu ne parles pas la langue, c'est primordial», explique-t-il.

Des jolis coups comme Kevin Carlos ou Igor Liziero

Si Paul Bernardoni, qui connaît très bien la région d'Annecy, a eu besoin d'une minute pour s'adapter à la vie dans le Nord-vaudois, ce n'est évidemment pas le cas de tout le monde. «Je me mets à leur place, les gars débarquent d'Argentine ou du Paraguay et arrivent à Yverdon, dans une petite ville, qui plus est en hiver comme Cristian Nunez il y a quelques semaines: on doit les accompagner», enchaîne Anthony Sauthier. Parfois, la greffe prend bien, comme dans le cas du Brésilien Igor Liziero, très performant la saison dernière. Et parfois, l'intégration est plus compliquée sur le terrain comme en dehors, comme dans le cas du tout jeune Franco Gonzalez, déjà reparti en Amérique du sud après six mois marqués par les blessures et des difficultés globales.

Anthony Sauthier joue un rôle de cadre et de «liant» entre les différentes cultures.
Photo: Claudio de Capitani

«On essaie de faire des soirées d'équipe, que ce soit pour regarder des matches de Champions League ou simplement aller manger. On se réunit, on rigole, on crée des liens», continue le Genevois, qui sait bien que l'immense majorité des joueurs, pour ne pas dire tous, est de passage à Yverdon, que ce soit pour six mois, une année ou deux ans. «C'est ainsi. Nous, les cadres, on est aussi là pour ça, pour créer du liant. Mais je dois dire que depuis que les nouveaux propriétaires sont là, il n'y a eu que des bons gars qui sont arrivés, ça aide aussi.»

Filippo Giovagnoli, le directeur sportif d'YS, l'a souvent expliqué à Blick: les recrues sont choisies pour leurs qualités sportives et leur potentiel de revente, mais aussi selon des critères de caractère et d'attitude. Cela n'empêche pas les flops, mais cela les limite tout de même. Les deux Algériens Haithem Loucif et Aimen Mahious n'ont pas réussi à se montrer performants sur la durée, par exemple, mais Anthony Sauthier en garde un bon souvenir. «Je suis encore en contact avec eux, ils étaient top.» 

Le français essaie de se faire une place dans le vestiaire

Si Paolo Tramezzani parle majoritairement anglais dans le vestiaire, mais progresse en français et peut évidemment s'adresser en italien à plusieurs joueurs, Anthony Sauthier et les cadres essaient d'imposer le français comme langue officielle. «Évidemment, c'est plus simple de parler anglais et c'est souvent le premier choix, mais on essaie de parler en français. Mais on change souvent, évidemment. Boris Cespedes parle espagnol, cela aide beaucoup pour les Sud-Américains, on se débrouille comme ça. Mais après, sur le terrain, de toute façon, ça vient vite. Si tu dis à un joueur 'prends à l'intérieur' à l'entraînement, tu le dis une fois et c'est acquis, tu peux le redire en match.»

Le Paraguayen Cristian Nunez est arrivé cet hiver à Yverdon.
Photo: Pascal Muller/freshfocus

Voilà donc ce samedi que s'avance le FC Winterthour, cette équipe 90% suisse. Un avantage pour la cohésion? «Ça, je n'en sais rien, sincèrement. Bien sûr, ils ont des joueurs qui connaissent la Super League et peut-être que ça va plus vite. On l'a vu avec Antonio Marchesano chez nous: il arrive et il est opérationnel et décisif tout de suite. Un gars qui arrive de Norvège, du Sénégal ou d'Uruguay, comme chez nous, il ne peut pas être bon la semaine de son arrivée, c'est logique. Mais notre modèle a des avantages: on récupère d'excellents joueurs. Kevin Carlos, il lui a fallu quelques mois pour s'adapter, mais après on a tous vu le résultat», assure Anthony Sauthier.

Winterthour a de très bonnes individualités

Winterthour se déplace donc à Yverdon pour ce match de la peur, et c'est peu dire qu'Anthony Sauthier et YS respectent cette équipe, même un mois après l'avoir battue 3-0 ici-même au Stade municipal. «J'ai toujours dit que c'était une bonne équipe, avec des individualités de premier plan. Ils ont perdu Antoine Baroan, mais Christian Gomis est très bon. Et ce qui peut faire la différence, c'est leur milieu de terrain, ils ont beaucoup d'expérience avec Fabian Frei, Luca Zuffi et les autres. On en a parlé encore récemment dans le train avec Boris Cespedes, ils auraient largement pu ramener quelque chose de Genève récemment, ils ont été mal payés contre Servette.»

«On ne regarde pas trop les autres»

Yverdon, de son côté, reste sur une excellente performance face à Lucerne, mal payée là aussi. «Dans le contenu, c'était un de nos meilleurs matches de la saison, contre un adversaire du haut de tableau qui plus est. On a été frustrés de prendre ces deux buts idiots en fin de match, mais on avance.» Le problème est que, dans le même temps, Winterthour a explosé Saint-Gall (4-0) et que GC a battu YB (1-0), deux résultats pas forcément attendus et qui font du tort à Yverdon. «Sincèrement, on ne regarde pas trop les autres. On doit déjà penser à faire des résultats nous avant de penser aux autres équipes», explique Anthony Sauthier. Ce samedi, pas besoin de consulter le Télétexte pour savoir ce que fait Winterthour: Uli Forte et sa Garde Suisse seront juste en face.

Credit Suisse Super League 24/25
Équipe
J.
DB.
PT.
1
Servette FC
Servette FC
28
8
48
2
FC Bâle
FC Bâle
28
26
46
3
FC Lugano
FC Lugano
28
5
45
4
FC Lucerne
FC Lucerne
28
5
44
5
Young Boys
Young Boys
28
9
43
6
FC Zurich
FC Zurich
28
0
42
7
FC Lausanne-Sport
FC Lausanne-Sport
28
8
40
8
FC St-Gall
FC St-Gall
28
2
39
9
FC Sion
FC Sion
28
-6
34
10
Yverdon Sport FC
Yverdon Sport FC
28
-16
31
11
Grasshopper Club Zurich
Grasshopper Club Zurich
28
-11
27
12
FC Winterthour
FC Winterthour
28
-30
20
Tour final
Tour de relégation
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