«C'est de la discrimination envers le foot féminin.» L'incompréhension était grande et les critiques nombreuses dans le public venu assister au seizièmes de finale de la Coupe de Suisse entre le Lausanne-Sport (1re ligue) et Yverdon (LNB) samedi en fin d'après-midi (0-2). Ce derby entre les deux meilleures équipes vaudoises avait été relégué sur le troisième terrain de la Tuilière, comme un match de 5e ligue masculine. Quelques mois après un Euro couronné de succès, l'opportunité était pourtant belle de mettre en avant le foot féminin dans la capitale olympique.
«J'étais quand même étonné que deux équipes de ce niveau se retrouvent à jouer ici, alors qu'il y a le stade à côté (ndlr, le No 1 qui possède une tribune) qui aurait été beaucoup plus adapté», souligne Didier, venu encourager Zia Girardin et les Nord-Vaudoises. «Le niveau, il est là, pourquoi ne pas plus les mettre en avant? Je ne sais pas si le souffle de l'Euro est délà retombé, mais il faut persévérer dans cette voie. On a bien vu cet été qu'il y avait du niveau, que cela attirait du monde, que les stades étaient remplis. C'est peut-être un peu cliché, mais, contrairement au foot masculin, elles jouent vraiment au foot. Il y a moins de temps d'arrêt, de comédie, il y a du beau jeu et cela mérite d'être mis en avant.» D'autant plus que le terrain No 3 du centre sportif de la Tuilière était, et de loin, celui qui avait attiré le plus de monde samedi en fin d'après-midi.
«Cela fait mal au coeur»
Blick a compté plus de 160 spectatrices et spectateurs pour ce derby. En comparaison, la tribune du terrain No 1 était presque déserte pour la rencontre de 2e ligue inter entre le FC Concordia LS et les Genevois d'USI Azzurri, qui démarrait également à 17h. Après vingt minutes de jeu, «on comptait entre 20 et 30 personnes», explique la personne à l'entrée. «C'est bien dommage pour le football féminin, regrette Linda Vialatte, emblématique présidente d'YSF. Cela ne donne pas envie aux gens de revenir.»
La dirigeante nord-vaudoise, en béquilles, a été obligée de s'assoir par terre derrière le but afin de suivre la rencontre. «On aurait été bien dans la tribune. Mais c'est vraiment dommage, c'était l'occasion de créer un évènement pour le football féminin à Lausanne. Et cela fait mal au coeur pour les joueuses du LS, qui se donnent à fond et qui ne sont pas récompensées.» Sur le terrain, elles ont, malgré une ligue d'écart, tenu la dragée haute au leader de LNB, tenant le nul jusqu'à la 88e. Une combativité qui aurait mérité une meilleure visibilité.
«On n'est pas prioritaire»
Alors qu'à Yverdon, où les conseillers municipaux se rendent régulièrement au stade pour voir à l'oeuvre les protégées d'Arnaud Vialatte et où le club a un plan stratégique de développement du football féminin sur 7 ans, à Lausanne, rien de cela. Il y a deux ans, au même stade de la compétition, le LS avait pourtant reçu Servette Chênois à la Tuilière, dans l'enceinte de la première équipe masculine. Si, malgré la trêve internationale, on peut comprendre que le club n'avait pas les ressources à disposition pour ouvrir son grand stade, le choix de ne pas jouer sur le principal terrain annexe interroge.
«C'est une bonne question, concède l'entraîneur lausannois Fabien Lacroix. Ce n'est pas la volonté du club, c'est un choix de la Ville de Lausanne. On n'est pas prioritaire.» Cette saison, ses joueuses n'ont encore jamais eu l'occasion d'évoluer sur le terrain No 1 du centre sportif, celui qui comporte une petite tribune. «Le but, c'est de peut-être y jouer quelques fois, espère le coach du LS. C'est en cours de réflexion.» Ce n'est pas la première fois que le chef-lieu vaudois manque une opportunité de mettre en valeur le foot féminin. Pour rappel, Lausanne n'avait accueilli aucun match de l'Euro, pour plusieurs raisons.
«A Lausanne, au niveau politique, on fait de la pub pour mettre le sport féminin en avant. Mais ce n'est que de la théorie. En réalité, les footballeuses sont reléguées sur le terrain numéro 3, s'énerve Marie, une spectatrice croisée au bord du terrain. Au début, je pensais que le match se déroulerait dans le grand stade, ou au moins sur le No 1. Un match comme ça mérite d'être joué sur un plus grand terrain.» Et Linda Vialatte de conclure: «On croyait qu'avec l'Euro, le foot féminin avait fait un grand pas en avant. Mais non, on en a fait qu'un tout petit.»