Iman Beney est en train de courir. La jeune fille de 18 ans pousse sa valise à travers le hall des arrivées de l’aéroport de Zurich, accompagnée de sa mère Cléo et de son père Nicolas. Encore deux minutes avant le départ du train pour Savièse, son village valaisan. Pas un instant de répit – juste cette pensée: attraper le train.
Derrière elle, des semaines intenses résumées en une phrase: championne de Suisse avec YB – avec un tir au but décisif –, examens finaux à l’école de commerce, préparation de l’Euro avec la Nati… et, comme si cela ne suffisait pas, un transfert vers l’un des plus grands clubs du monde. Iman Beney revient de Manchester. Elle vient de signer un contrat de quatre ans avec City.
Un transfert qui suscite l’étonnement – non seulement parce que le club mancunien fait partie de l’élite mondiale, mais aussi parce qu’Iman Beney en est encore aux prémices de sa carrière. Elle est l’un des plus grands talents que le football suisse ait jamais connus. Et la première Suissesse à jouer pour Manchester City.
Dans le train, Iman s’est installée sur un siège gris. Elle est fatiguée, soulagée. «Je suis essoufflée, mais tellement heureuse. Et un peu fière de moi aussi», sourit-elle. «Qu’un club comme Manchester City me contacte si tôt… je ne m’y attendais pas.» D’autres grands clubs – en Italie, en France, en Allemagne – avaient également manifesté leur intérêt. «Le football féminin anglais a énormément progressé – c’est ce qui m’a convaincue.»
Ses parents, Nicolas (44 ans) et Cléo (47 ans), sont fiers. Nicolas, ancien gardien professionnel au FC Sion, n’a jamais franchi les frontières. «C’est le rêve de tout footballeur suisse. Que cela ne m’ait pas été possible n’a plus d’importance. Ce qu’Iman a accompli est un immense honneur – tout simplement incroyable.»
Il regarde sa fille, les yeux brillants. Sur le campus de City, tout respire le football. Immense, impressionnant – un vrai paradis. C’est lors d’un match de la Nati féminine en Angleterre, en novembre 2024, qu’Iman s’est faite remarquer. Ce jour-là, elle avait brillé à la pointe de l'attaque, gagnant de nombreux duels face aux solides défenseures anglaises. Il s'agissait en plus de son retour, après une longue blessure. Les recruteurs anglais ont immédiatement été séduits par son talent et sa personnalité.
Un appétit intact
Ce qui la réjouit le plus, c’est de pouvoir franchir un palier. Iman Beney est ambitieuse. «Avec Manchester City, je veux devenir championne d’Angleterre et me qualifier pour la Champions League.» Elle se réjouit aussi de jouer aux côtés d’internationales de haut niveau. Mais ce transfert a aussi son revers – surtout pour sa mère. «Elle va tellement me manquer. Je préfère ne pas penser qu’elle partira aussi loin.»
Mais Iman, qui a quitté le foyer familial à 12 ans pour une école de sport, relativise. À Manchester, elle louera un appartement avec une chambre d’amis, pour accueillir sa famille.
Avant le grand départ, un autre moment fort l’attend: l’Euro à domicile. Un sujet sensible. Car il y a deux ans, elle devait devenir la plus jeune joueuse de l’histoire à disputer une Coupe du monde. Mais lors du dernier entraînement avant le départ, elle s’est rompue les ligaments croisés. Le rêve s’est effondré. «Ça nous a brisé le cœur», confie sa mère Cléo, originaire du Brésil. «Elle était si triste, si déçue.»
Une leçon tirée de la douleur
Aujourd’hui, Iman tire du positif de cette blessure. «J’ai appris à mieux écouter mon corps. Avant, je n’osais pas dire quand je ne me sentais pas bien. Maintenant, je sais quand faire une pause.» Elle se réjouit de l’Euro. Seuls ses parents sont nerveux. « On attend que ça commence, et qu’il n’arrive rien – pas comme la dernière fois. On compte les jours.»
Elle, reste sereine. Consciente des attentes placées en elle. Mais quand on lui en parle, elle botte en touche. «On est toutes importantes. Il faut toute une équipe. Notre objectif, c’est de sortir des groupes.» Elle a aujourd’hui la chance de vivre le rêve qui lui avait échappé. Avant de s’envoler pour une autre vie.