Comment remonter la pente?
Le football bulgare a besoin de faire sa révolution

En vingt ans, les footballeurs bulgares n'ont pas participé à un seul tournoi international. La déroute dans les qualifications de l'Euro 2024 est celle de trop pour les supporters, qui ont eu la tête du président de la Fédération, Borislav Mihaylov.
Publié: 27.11.2023 à 10:25 heures
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Dernière mise à jour: 27.11.2023 à 17:45 heures
Près de 4000 supporters ont manifesté en marge du match face à la Hongrie.
Photo: AFP
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«On a honte d'être tombés si bas», lance Mikhail Raitchev, 36 ans, du Levski Sofia, interrogé lors d'une manifestation mi-novembre qui a dégénéré en affrontements avec la police en marge d'un match contre la Hongrie.

«J'ai présenté ma démission dans un esprit d'apaisement», a déclaré Borislav Mihaylov, aux manettes depuis 18 ans, à l'issue d'une réunion de la Fédération à Sofia.

Il semble loin, le temps où les joueurs menaient le pays en Coupe du monde jusqu'à la quatrième place, devenant les héros du pays en 1994. Depuis, la descente aux enfers est aussi triste que spectaculaire.

Hristo Stoïchkov, Ballon d'Or en 1994 et plus grand joueur de l'histoire du football bulgare.
Photo: keystone-sda.ch

Allégations récurrentes de matches truqués et de paris illégaux, de détournements de fonds publics et de conflits d'intérêts: le sport n'est «qu'un prétexte pour faire de l'argent», accuse désabusé le septuagénaire Tchavdar Tanev, soutien du club concurrent de la capitale, le CSKA.

Pour les habitants de ce pays pauvre membre de l'Union européenne (UE), outre les oligarques qui s'amusent avec les clubs, le responsable a un nom: Borislav Mihaylov, 60 ans.

Président de l'Union bulgare de football (BFU) depuis 18 ans, cet ancien capitaine de l'équipe nationale, gardien de but talentueux et célébré à la grande époque, a réussi à se faire réélire cinq fois depuis 2005 malgré la grogne grandissante. Au tout début de son ère, il suscitait l'espoir après une décennie de déboires en tous genres et une affaire d'achat de votes pour des Jeux olympiques.

Mais malgré la valse des entraîneurs - 15 sur la période -, il n'a décroché aucune qualification pour un tournoi majeur en ces terres des Balkans où le ballon rond fait vibrer tout autant que dans la Serbie voisine, qui a validé son billet pour l'an prochain en Allemagne.

La Bulgarie a, elle, terminé à la dernière place de son groupe, avec quatre petits points en huit matches... et zéro victoire, terminant même derrière la Lituanie.

Au-delà de cette piètre performance, la «goutte d'eau», selon le fan Raychev, a été cette requête à l'UEFA, exceptionnelle de la part d'une Fédération, de jouer la rencontre contre la Hongrie à huis clos, afin d'empêcher des slogans en tribune contre Mihaylov.

Borislav Mihaylov, un président dans la tourmente.
Photo: AFP

La colère s'est déplacée devant le stade, où quelque 4000 personnes venues de toute la Bulgarie ont réclamé à grand bruit sa démission, lançant toutes sortes de projectiles et incendiant un véhicule des forces de l'ordre. Du jamais vu, suivi de violences policières.

Le Premier ministre Nikolay Denkov avait alors pointé du doigt le président de la BFU, également éclaboussé par un scandale d'injures racistes lors d'un match contre l'Angleterre en 2019. «En menant le foot bulgare au déclin, sans aucune perspective d'avenir, la Fédération est la principale responsable» de la situation, a-t-il dit.

Des accusations rejetées par Borislav Mihaylov, qui a blâmé «les provocateurs» et refusé de «servir de bouc-émissaire». Mais sous la pression populaire, il a jeté l'éponge.

Ouvrir la voie à un changement?

«L'énorme tollé des derniers jours peut ouvrir la voie à un changement, mais une démission ne suffira pas. Il faut une thérapie de choc», estime l'expert Petar Ganev, de l'Institut de l'économie de marché, appelant à des mesures radicales et audacieuses».

Car les maux sont profonds: manque chronique d'investissements dans les infrastructures, gestion opaque des clubs et absence de stratégie dans les écoles de formation.

La qualité individuelle des joueurs a baissé

Résultat, «notre capitaine Kiril Despodov évolue au PAOK Salonique», raille le respecté journaliste sportif Stanil Yotov. Par le passé, l'équipe bulgare a compté dans ses rangs des joueurs évoluant au FC Barcelone ou à Manchester United, autrement plus prestigieux, comme l'icône Dimitar Berbatov - qui réclame depuis des années la destitution de Mihaylov. Avant cela, en 1994, l'équipe comptait le Ballon d'Or Hristo Stoïchkov, mais aussi des cadors comme Yordan Letchkov, Nasko Sirakov, Krassimir Balakov ou Emil Kostadinov.

L'état du sport reflète de toute façon celui, plus général mais tout aussi explosif, du pays de 6,5 millions d'habitants, qui peine à décoller économiquement et à se débarrasser des pratiques endémiques de corruption.

«Pourquoi afficherait-on un sport florissant alors que rien ne fonctionne?», feignait récemment d'interroger à la télévision l'analyste de Gallup International Parvan Simeonov, pas tendre envers les dirigeants et... grand amateur de foot.

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