Analyse d'un naufrage
Perdre 11-0, mode d'emploi

Comment est-il possible de perdre 11-0 dans le monde du sport professionnel? Analyse d'un naufrage et tentative d'explication.
Publié: 13:45 heures
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Blick Sport

0-11! Même le perdant en série Stan Wawrinka n'a pas connu pareil bilan, se «limitant» à quatre défaites consécutives en ce début d'année. Genève-Servette a littéralement sombré mardi soir sur la glace des Lions lausannois, s'inclinant de onze longueurs. Inévitablement, une question se pose: comment est-il possible de perdre aussi largement lorsqu'on est sportif professionnel et qu'un tel écart ne se justifie pas au coup d'envoi? Tentative d'explication.

Avoir un adversaire en état de grâce (et sans pitié)

Les snipers lausannois ont tout réussi mardi.
Photo: keystone-sda.ch

Le constat est implacable: pour encaisser onze buts, encore faut-il que l'adversaire les marque. Ce mardi soir, le Lausanne HC était en «état de grâce», une expression courante dans le monde du sport, qui désigne une «zone» dans laquelle entre une équipe ou un joueur. Par définition, il est plus fréquent qu'un sportif individuel connaisse cet état, assez fréquent chez les joueurs de tennis.

Novak Djokovic l'a souvent verbalisé: lorsque la confiance est au maximum, tous les coups sont gagnants et un sentiment d'invincibilité s'empare de l'individu «en état de grâce». Les basketteurs connaissent aussi ce sentiment, où chaque tir, ou presque, finit dans le panier certains soirs, contrairement à d'autres, sans explication forcément rationnelle. Un peu comme vous au bureau, il y a des jours avec et des jours sans... C'est cet état, collectif, qu'ont connu les joueurs du LHC mardi: leurs envois trouvaient la lucarne des buts des Aigles et tout leur réussissait. Et comme la confiance appelle la confiance, les Lions ont marché sur la glace.

Mais pour arriver à onze buts d'écart, un écart très rare dans le monde du hockey professionnel suisse où les équipes sont proches les unes des autres (le record est de 15-1 pour Kloten contre Sierre en 1988), encore faut-il ne rien lâcher et continuer à attaquer. On dit souvent, en sport, que continuer à jouer à fond même lorsque la victoire est acquise est une marque de respect pour l'adversaire. Rien n'est plus humiliant, en effet, que de se forcer à mal jouer exprès pour se mettre à niveau de l'équipe la plus faible. A ce titre, les joueurs du LHC ont magnifiquement respecté ceux de Genève mardi. Maigre consolation...

Ne pas se respecter soi-même

Alerte, un homme à terre!
Photo: keystone-sda.ch

La honte totale. Aucun joueur du GSHC ne prendra le risque d'aller au restaurant ou d'aller boire un verre en ville mercredi soir. Le risque de croiser un supporter est trop grand, même si la Suisse est plutôt un pays tranquille de ce point de vue et qu'aucun joueur ne peut se faire agresser verbalement ou physiquement en allant faire ses courses après une défaite, ce qui n'est de loin pas le cas dans tous les pays, y compris en Europe.

Chaque joueur et chaque membre du staff technique des Aigles sera par contre invité à se regarder dans une glace et à se demander ce qu'il doit faire pour se remettre de cette humiliation. Et la réponse est claire: se remettre en question. Accepter la gifle et tenter de progresser. Soit exactement ce qui aurait dû se passer dans le vestiaire genevois mardi, où aucun leader n'a su trouver les bons mots.

Comment expliquer pareil naufrage, sinon? Dans un vestiaire rempli de testostérone, les chaises doivent voler au terme du deuxième tiers, à 8-0, pour au moins éviter un score à deux chiffres. Les leaders doivent prendre la parole, quitte à le faire méchamment, pour piquer l'orgueil de tout le groupe. Cette étape élémentaire a été zappée mardi et le résultat est là: les joueurs du GSHC ne se sont pas respectés eux-mêmes.

Manquer de repères communs

Des hommes, pas de collectif.
Photo: Getty Images

Une équipe peut perdre. C'est l'une des nombreuses vérités du monde du sport, que les supporters ont parfois tendance à oublier. Rien n'est acquis, jamais, mais il n'empêche que le vécu et les repères communs d'une équipe tendent à limiter la casse. Comme dans le monde de l'entreprise, plus vous connaissez vos collègues et plus vous savez comment ils peuvent être amenés à réagir en temps de crise, mieux vous traverserez les tempêtes.

A contrario, si une équipe, qu'elle soit sportive ou dans un bureau, manque de vécu commun, alors l'individualisme prendra le dessus. Chacun retourne dans son coin, détourne le regard de l'autre, et veut sauver la baraque tout seul. C'est exactement ce qui s'est passé dans le collectif genevois mardi: ce groupe a été remanié, il s'agit du début de saison, et tout ce petit monde manque de repères par rapport aux autres. Alors, quand arrive la tempête, le bateau coule.

Ne pas avoir un coach fort

Yorick Treille, coach en difficulté.
Photo: keystone-sda.ch

Vous imaginez José Mourinho perdre 11-0? Mieux: vous imaginez José Mourinho perdre 11-0 et ne pas tout casser dans la foulée, en déchirant son contrat ou en envoyant tous les joueurs dans une benne à ordures? Impossible.

Le fait est que les joueurs du GSHC n'ont pas trouvé vers qui se tourner alors qu'ils étaient en train de sombrer mardi. Le manque de vécu commun est une chose, mais en se tournant vers le banc, ils auraient dû trouver un vrai leader, un homme qui les secoue ou les rassure et influe sur le cours des événements. Ils n'ont trouvé que Yorick Treille.

Avoir des gardiens en difficulté

Robert Mayer voudra rayer le 16 septembre de sa mémoire et a sans doute arraché la page de son agenda en rentrant chez lui.
Photo: Getty Images

Trop facile de tirer sur les gardiens quand une équipe prend onze buts? Bien sûr. Ils ne sont pas les premiers responsables, mais ils le sont aussi. Stéphane Charlin est pourtant un portier de grande qualité, international suisse et meilleur gardien du dernier championnat avec Langnau. Mais mardi, il a encaissé 5 buts sur 18 tirs. Et son remplaçant Robert Mayer n'a pas fait mieux: 6 buts encaissés en 15 shoots. Cette donnée fait aussi partie de l'équation.

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