Le commentaire d'Antoine Hürlimann
Plaidoyer pour l’ancien monde

Dans ce commentaire, notre journaliste Antoine Hürlimann interroge les fondements de notre justice à l’heure du militantisme et du soupçon généralisé. A Fribourg, une femme condamnée pour infanticide clame son innocence. Le Tribunal fédéral tranchera.
Publié: 30.05.2025 à 18:06 heures
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Dernière mise à jour: 30.05.2025 à 18:23 heures
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Antoine Hürlimann questionne les fondements de notre justice.
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Antoine HürlimannResponsable de l'actualité de L'illustré

«Cannes: pendant que les victimes réclament justice, les agresseurs présumés sont célébrés sur le tapis rouge.» Ce titre d’un article publié par le média en ligne français Konbini, très populaire au sein de la jeune génération, résume à lui tout seul le conflit hargneux entre l’ancien monde et le nouveau dans nos démocraties libérales: celui qui oppose les partisans de la présomption d’innocence à ceux de la présomption de culpabilité.

Dans l’ancien monde, condamner un innocent était pire que ne pas condamner un coupable. «Si le prix à payer pour condamner dix violeurs est de condamner un innocent, il vaut mieux que les violeurs restent impunis», rappelait Olivier Massin, professeur de philosophie à l’Université de Neuchâtel, dans une tribune publiée sur les plateformes du «Temps» début 2024. Le nouveau monde oppose à ce principe que, pour sortir enfin du patriarcat et de la culture du viol, il est justifié de condamner un innocent si cela permet de condamner davantage de coupables.

Deux mondes qui s'affrontent

Deux conceptions irréconciliables. Mais l’ancien monde voit le nouveau gagner du terrain au fil des polémiques et des «porcs» livrés à la vindicte populaire, moins attachée à la vérité et à ses nuances que l’appareil judiciaire, imparfait et néanmoins rigoureux.

«
Faut-il céder à l’arbitraire, comme l’exige le nouveau monde, à la façon des régimes autoritaires?
»

Au-delà des affaires de violences sexuelles, il est urgent de s’interroger sur le monde que nous voulons, notamment la place à accorder au doute. Face à l’absence de preuve irréfutable, doit-il triompher, comme le défendent l’ancien monde et l’Etat de droit? Ou faut-il céder à l’arbitraire, comme l’exige le nouveau monde, à la façon des régimes autoritaires?

Pour nourrir cette réflexion, nous avons rencontré une jeune femme de 30 ans condamnée à la prison à vie pour l’abominable assassinat de la fillette de son ex-compagnon, en 2018, à Vuadens (FR). Ce verdict a été confirmé par toutes les instances judiciaires du pays malgré des zones d’ombre persistantes.

Selon ses avocats, dont la célèbre pénaliste genevoise Yaël Hayat, cette sentence est le fruit d’une procédure à charge violant la présomption d’innocence de leur mandante. Le Tribunal fédéral devra se prononcer sur cette assertion qui fait l’objet d’une demande de révision. Quelle que soit la décision des juges, sa portée dépassera le drame qui a endeuillé le village fribourgeois.

Un article de L'illustré n°22

Cet article a été publié initialement dans le n°22 de L'illustré, paru en kiosque le 30 mai 2025.

Cet article a été publié initialement dans le n°22 de L'illustré, paru en kiosque le 30 mai 2025.

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