Vous souvenez-vous de cette image volée de Didier Burkhalter attendant tranquillement son train sur le quai de la gare de Neuchâtel? Le cliché avait fait un buzz mondial. Ce cliché du président de la Confédération incarnait, disait-on, «une certaine idée de la Suisse». Simple, pragmatique, d’un protestantisme un poil rugueux. Pas très glam’, mais respectueux des deniers publics.
Pas de ça en terre vaudoise. Ici, les ministres préfèrent la limousine. «24 heures» révélait hier que Christelle Luisier et Isabelle Moret se sont rendues séparément au WEF à Davos, en Mercedes noires avec chauffeur. Coût du road trip: 10’245 francs. Avec les CFF, en payant plein pot en première classe, l’escapade serait revenue à 398 francs par tête de pipe. Et elles ne sont pas les seules à aimer les sièges en cuir: au 31 juillet, les frais de véhicule privé avec chauffeur du Conseil d’Etat s’élevaient déjà à 119’000 francs.
Quand l’Etat serre la ceinture… des autres
Le problème, voyez-vous, c’est qu’avec 369,2 millions de déficit aux comptes en 2024, le gouvernement a demandé aux Vaudoises et aux Vaudois de se serrer la ceinture. Coupes de 20 millions dans la santé (avec un possible rétropédalage) menaçant ainsi la survie des hôpitaux régionaux, économies sur l’entretien des routes, des forêts ou encore des cours d’eau. Même les gymnasiens du canton ont été privés de poubelles.
Vendredi dernier, un éclair d’éthique semblait traverser le ciel du Château: le Conseil d’Etat annonce vouloir supprimer les rentes à vie des magistrats. Abolies ailleurs, elles restaient un luxe local. Louable? Oui. Sauf que pour compenser, on prévoit de rehausser le salaire des futurs ministres: de 260’000 à 300’000 francs. Soit plus de trois fois le salaire médian dans le canton qui culmine à 86’970 francs, 13ème mois compris.
Le signal envoyé aux contribuables est limpide: les sacrifices, c’est pour vous. Les privilèges, pour nous. A l’heure où les écoles, les hôpitaux, les associations et les communes grattent le fond des tiroirs, cette arithmétique politique est non seulement déconnectée, elle est indécente. On aurait voulu nourrir le populisme et la défiance envers les élites qu’on ne s’y serait pas mieux pris.
La sobriété ne devrait pas être un slogan pour les autres. C’est une ligne de conduite – au sens propre. Les Vaudoises et les Vaudois n’attendent pas des seigneurs. Ils attendent des serviteurs de l’Etat. Avec un minimum de bon sens, de cohérence et de décence. Gouverner, c’est aussi montrer l’exemple. Notamment à ses futurs électeurs. Ceux à qui on a supprimé les poubelles.